Profanation du Coran: le retour en force de Moqtada Sadr en Irak
Les manifestations en réaction au piétinement d'un exemplaire du Coran par un réfugié irakien à Stockholm persistaient à Bagdad et d'autres ville d'Irak, vendredi 21 juillet. Parmi les protestataires figurent de nombreux partisans du leader politique chiite nationaliste Moqtada Sadr, encouragés par ce dernier à descendre dans la rue dans une démonstration de force à peine voilée.

Des manifestants sont descendus dans la rue vendredi en Irak pour dénoncer l'autorisation accordée par la Suède à des rassemblements pour profaner le Coran, alors que Stockholm a rapatrié le personnel de son ambassade à Bagdad.

A l'appel de l'influent leader religieux irakien Moqtada Sadr, des centaines de personnes ont manifesté à Bagdad après la prière du vendredi, mais aussi dans la ville de Nassiriya et à Najaf, scandant "Non, non à la Suède" "Oui, oui au Coran".

Des partisans du religieux chiite irakien Moqtada al-Sadr brandissent son portrait ainsi que des exemplaires du Coran, lors d'un rassemblement dénonçant l'incendie du Coran en Suède dans la banlieue est de Sadr City à Bagdad, le 21 juillet 2023. (Photo Murtaja LATEEF / AFP)

Le ministère suédois des Affaires étrangères a annoncé avoir temporairement relocalisé les opérations et le personnel de son ambassade à Bagdad, incendiée la veille par des partisans du tempétueux leader chiite.

Stockholm a été le théâtre de deux profanations du Coran, fin juin puis le 20 juillet, organisées par un réfugié irakien. Jeudi, il a piétiné et mis en pièces un exemplaire du livre, sans toutefois y mettre le feu comme prévu.

La police suédoise avait autorisé ces rassemblements au nom de la liberté de réunion, assurant que cela n'équivalait pas à approuver ce qui s'y produirait.

Mais ces initiatives ont provoqué une grave crise diplomatique entre la Suède et l'Irak, qui a décrété jeudi l'expulsion de l'ambassadrice suédoise.

A deux reprises également, des partisans de Moqtada Sadr ont envahi l'ambassade de Suède à Bagdad, incendiée jeudi.
Démonstration de force sadriste

Les manifestants ont  aussi incendié des drapeaux arc-en-ciel, M. Sadr y voyant une manière d'irriter les occidentaux et de dénoncer "le deux poids deux mesures" qui consiste selon lui à défendre les minorités LGBT+ mais à autoriser la profanation du Coran.


"A travers cette manifestation, nous voulons faire parvenir notre voix à l'ONU, pour obtenir la pénalisation de toute profanation des livres saints, ceux de l'islam, du christianisme, du judaïsme: ce sont tous des livres saints", martèle Amer Shemal, un responsable à la municipalité de Madinet Sadr.

Des partisans du religieux chiite irakien Moqtada al-Sadr se rassemblent autour d'affiches enflammées représentant les drapeaux suédois et arc-en-ciel lors d'un rassemblement dénonçant l'incendie du Coran en Suède dans la banlieue est de Sadr City à Bagdad, le 21 juillet 2023. (Photo Murtaja LATEEF / AFP)

Adepte des coups d'éclats, ce dignitaire religieux et leader politique a plusieurs fois démontré sa capacité à mobiliser dans les rues irakiennes des milliers de manifestants.

A l'été 2022, ses partisans ont envahi le Parlement à Bagdad et instauré un sit-in. Moqtada Sadr était alors en plein bras-de-fer avec le camp politique adverse sur la nomination d'un Premier ministre. Un face-à-face qui avait dégénéré en affrontements meurtriers avec l'armée et les anciens paramilitaires pro-Iran du Hachd al-Chaabi, en plein coeur de Bagdad.

Avec le dossier suédois, Moqtada Sadr envoie "des messages à son public" et des "avertissements" à ses "adversaires politiques": "+j'ai conservé la même force, je peux revenir à tout moment+", estime le politologue Ali al-Baidar.

Son courant cherche également à "être vu comme le berger du dossier religieux en Irak" souligne-t-il et a donné à l'affaire "une échelle internationale".

"Comment cela va être exploité politiquement, ou être instrumentalisé à des fins électorales, cela dépendra de la volonté de Sadr", ajoute-t-il, évoquant la cruciale élection des conseils provinciaux prévue en décembre.

Malo Pinatel, avec AFP
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