Participation russe aux JO-2024: le flou promet de durer
©Les athlètes russes sous bannière neutre (ROC) lors de l’ouverture des JO de Tokyo en 2021. Martin Bureau/AFP/Archives
Verra-t-on des sportifs russes et bélarusses, sous uniforme neutre, défiler sur la Seine le 26 juillet 2024 ?

La question est loin d'être tranchée, puisque le Comité international olympique (CIO) s'est laissé une latitude totale: il répondra à cette question quand il l'aura décidé, selon des critères mystérieux, alors que les qualifications battent déjà leur plein dans nombre de disciplines olympiques.

"En temps voulu"

Sous pression depuis qu'il avait dit fin 2022 "explorer des moyens" pour ramener Russes et Bélarusses dans le giron du sport mondial, le CIO s'est offert du temps en mars avec une solution inédite: dissocier la participation aux prochains Jeux olympiques du retour des Russes et Bélarusses en compétition internationale.

L'organisation de Lausanne, qui avait recommandé l'exclusion des sportifs des deux pays en février 2022 après l'invasion russe de l'Ukraine, a fixé aux fédérations internationales une série de critères pour organiser leur retour: ils doivent concourir sous bannière neutre, "à titre individuel", n'avoir pas activement soutenu la guerre et n'être pas sous contrat avec l'armée ou une agence de sécurité russe.

Mais rien ne garantit, pour autant, leur présence aux JO-2024 de Paris comme aux JO-2026 de Milan: le CIO prendra cette décision "en temps voulu, à sa seule discrétion et sans être lié par les résultats des épreuves de qualification olympique", martèle depuis quatre mois son président, l'Allemand Thomas Bach.

Le traditionnel envoi des invitations pour les Jeux aux comités nationaux olympiques (CNO), cette semaine, un an avant la cérémonie d'ouverture, aurait pu servir d'échéance. Mais le CIO s'est contenté de convier 203 pays sans y faire figurer Russie et Belarus, excluant également le Guatemala dont le CNO est suspendu depuis octobre 2022 pour des problèmes d'ingérence politique.

Course par élimination


Si experts et acteurs du mouvement olympique voient le CIO trancher le plus tard possible, c'est-à-dire au printemps 2024, le temps presse pour les sportifs concernés, puisque les qualifications ont commencé dans la plupart des disciplines.

Parmi la dizaine de fédérations internationales qui ont suivi la recommandation du CIO, escrime, cyclisme, judo ou taekwondo ont immédiatement autorisé leur retour, même s'il a fallu pour cela déplacer les championnats d'Europe d'escrime de Pologne en Bulgarie - Varsovie refusait de délivrer des visas aux Russes -, et que les Mondiaux de judo comme de taekwondo se sont déroulés sans Ukrainiens, priés par leur gouvernement de boycotter les deux compétitions.

Escalade et gymnastique réintégreront les sportifs russes et bélarusses "en 2024", les privant donc des épreuves qualificatives pour les Jeux organisées en 2022 et 2023 pour ne leur laisser que les derniers tickets, distribués l'an prochain.

Enfin, les deux disciplines reines des Jeux d'été, natation et athlétisme, maintiennent pour l'heure leurs mesures d'exclusion. Comme Russes et Bélarusses sont aussi privés des sports collectifs et des épreuves par équipes, et que nombre de leurs sportifs d'élite sont sous contrat avec l'armée, leur éventuelle présence aux Jeux de Paris s'annonce quoi qu'il arrive très limitée.

Mystérieux critères

Tour à tour accusé de se ranger auprès des Russes ou de leur imposer des mesures inacceptables, le CIO ne cesse de se justifier depuis plus d'un an, avec deux arguments majeurs: l'interdiction de discriminer les sportifs sur des critères politiques, rappelée en septembre 2022 par deux rapporteuses spéciales des Nations unies, et l'autonomie du sport mondial face aux pressions gouvernementales.

Pourtant le CIO préserve un mystère intégral sur les raisons de laisser Russes et Bélarusses participer aux Jeux ou, au contraire, de leur interdire: il n'a jamais lié sa décision à l'évolution de la situation en Ukraine, puisque les sanctions visant les deux pays en raison du conflit (interdiction de leur drapeau, de leur hymne et d'organiser des compétitions sur leur sol) sont distinctes de la question des athlètes.

Or la pression politique sur l'organisation de Lausanne ne va faire que croître: l'Ukraine brandit la menace de boycotter les Jeux en cas de présence russe, et pourrait être suivie par plusieurs de ses voisins de la Baltique. La présidence française doit encore faire connaître sa position, alors que le pays hôte peut encore priver de visa les sportifs russes et bélarusses.
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