Deux morts à Kahalé, la localité en ébullition
©L’armée s’est déployée en soirée dans la localité de Kahalé. (Photo AFP)
Kahalé (caza de Aley) était en ébullition mercredi soir, à la suite du décès de Fadi Bejjani, un habitant de la localité, tué en fin d’après-midi, lors d’une fusillade intervenue après des heurts entre des habitants de cette localité et des éléments du Hezbollah. Un membre de la formation pro-iranienne a également été tué lors de ces heurts, d’après un communiqué du Hezb.

Dans les faits, mercredi en fin d’après-midi un camion appartenant au Hezbollah a versé sur le côté en prenant un virage de la localité. «Aussitôt, des personnes en civil ont établi un cordon de sécurité autour du véhicule», a expliqué le président du conseil municipal de Kahalé, Abdo Abi Khalil, à l’AFP, en référence aux éléments du Hezbollah. «Les hommes en civil ont tiré sur des habitants rassemblés autour du camion, blessant l’un d’entre eux», a-t-il poursuivi.

Sur des vidéos largement partagées sur les réseaux sociaux, on voit des éléments du Hezbollah tirer sur la foule. Sur l’une d’elles plus précisément, on voit deux individus en civil tirer en direction de l’église sur le perron de laquelle se tenait Fadi Bejjani.

Furieux, les habitants de Kahalé se sont rassemblés autour du camion, bloquant la route. Ils insistaient pour que le contenu des caisses en bois qu’il transportait soit dévoilé. Selon des informations concordantes, le camion serait chargé d’armes et de munitions.





«Vous êtes les miliciens»

Dans un communiqué, le Hezbollah a confirmé que le véhicule lui appartenait, affirmant toutefois «ignorer ce qu’il transportait». «Des hommes armés des milices présentes dans le secteur ont attaqué les personnes qui se trouvaient dans le camion, lit-on dans le communiqué. Ils ont commencé par lancer des pierres, puis ont ouvert le feu, blessant l’un des frères qui gardaient le camion. Il est décédé à l’hôpital.» Il s’agit d’Ahmad Ali Kassas.

La réponse des habitants de Kahalé ne s’est pas fait attendre. «Les miliciens, c’est vous et non pas nous», ont-ils rétorqué.

Au moment de l’accident routier, un cordon de sécurité a été rapidement établi par la milice pro-iranienne. Selon les informations relayées, les miliciens du Hezb suivaient et surveillaient le camion et auraient tenté de récupérer sa cargaison, tout en interdisant aux civils de s’en approcher. Les militaires ont saisi le contenu du camion quelques heures plus tard. Tard dans la nuit, ils essayaient toujours de remorquer le camion, alors que les habitants de la localité essayaient de les empêcher. »

Les services de renseignement de l’armée ont été dépêchés sur les lieux. Ils ont dispersé les habitants en tirant des coups de feu en l’air. Les églises de la localité continuaient de sonner le tocsin tard dans la nuit, dans une invitation aux habitants de Kahalé pour descendre dans la rue.

 

Et l'enquête?

Ce n'est qu'au bout de plusieurs heures que le calme a été rétabli à Kahalé, qui s'apprête à enterrer vendredi Fadi Bejjani, victime libanaise des armes illégales du Hezbollah.  Jusque tard dans la nuit, les habitants sont restés au niveau du célèbre virage, pour s'assurer que le camion ne sera pas retiré. L'armée a également maintenu sa présence. On attend maintenant de voir si une enquête va être ouverte et si les responsabilités vont être déterminées.



Le Premier ministre sortant, Najib Mikati, qui s’est entretenu avec le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, a appelé les habitants de Kahalé à «la retenue» et les autorités concernées à «ouvrir une enquête rapidement». L'appel n'est cependant pas parvenu aux «autorités concernées». Aucun juge ne s'est déplacé mercredi pour les besoins de l'enquête, ce que les députés Ghada Ayoub et Melhem Khalaf ont relevé. «Qu’attendons-nous d’un État qui, pour protéger les armes illégales, n’envoie pas le commissaire du gouvernement sur les lieux d’un crime, où un citoyen a été tué sur le perron d’une église par ces armes?» s’est-elle interrogée sur son compte X. Elle a vivement reproché aux autorités de ne pas avoir « ouvert une enquête sérieuse » et affirmé s’attendre à ce que « la vérité soit étouffée et les indices cachés pour protéger le mini-État» en allusion au Hezbollah.

Pierre Bou Assi, député des Forces libanaises de Baabda, a dénoncé l’incident, appelant «les forces de sécurité et les responsables politiques à assumer leurs responsabilités face à cette situation critique».

https://twitter.com/PierreBouAssi/status/1689347877259124736

De son côté, la section d’Aley des Forces libanaises a appelé «les forces de sécurité et l’armée à arrêter les personnes ayant ouvert le feu, à saisir le camion, à ouvrir une enquête et à mettre fin aux comportements miliciens». «L’État des gangs et des armes ne passera pas par Kahalé, lit-on dans un communiqué publié en soirée. Le sang versé par les habitants de la ville – de Joe Bejjani (assassiné dans des circonstances mystérieuses en février 2020, NDLR) à Fadi Bejjani –, ainsi que le sang de tous les Libanais, y compris ceux tués à Aïn Ebel (en référence à Élias Hasrouni, mort la semaine dernière dans des circonstances inconnues, NDLR), nous est cher et ne sera pas vain.»

Présent sur les lieux, Mark Daou, député du caza d’Aley a appelé «la justice à ouvrir une enquête et à arrêter immédiatement toutes les personnes impliquées».

Quant à Élias Hankache, député des Kataëb, il a affirmé que «les forces de sécurité ne doivent pas se contenter d’être des témoins des événements». «On ne peut pas agresser les gens dans leur localité et estimer qu’il s’agit d’une chose normale, a-t-il ajouté. La situation à Kahalé ne sera jamais plus la même avant que les forces de sécurité ne frappent d’une main de fer.»

Le Parti national libéral a, pour sa part, affirmé que «ce camion fait partie de dizaines de camions suspects qui circulent librement et entrent dans le pays, en empruntant la route de Damas, sans aucun contrôle (...) ce qui renforce la conviction selon laquelle le concept de l’État est tombé au profit de celui du mini-État».

Réagissant aux événements, César Abi Khalil, député de la formation aouniste dont le parti est engagé dans des pourparlers avec le Hezbollah, a estimé que le communiqué publié par le parti pro-iranien «dénature la réalité». «Livrer les coupables est la priorité absolue», a-t-il poursuivi.
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