L'opposition annonce un plan de confrontation avec le Hezbollah
L'opposition est passée à la vitesse supérieure en annonçant mercredi le cadre d’un plan de confrontation politique avec le Hezbollah, qui n’exclut cependant pas une escalade qu’elle s’est gardée de préciser. Elle a adressé une série de messages à ses adversaires politiques ainsi qu’à la France notamment, qui essaie de préparer le terrain à une éventuelle conférence nationale: non à un dialogue avec le Hezbollah, tout dialogue devant être, selon elle, menée par le nouveau chef de l’État, non à des conditions politiques imposées à ce dernier.

Les députés de l’opposition ont dévoilé mercredi les principaux points d’un «plan de confrontation» politique pour la phase actuelle. Dans un communiqué commun, 31 députés ont déclaré que «le moment décisif pour contrecarrer la mainmise du Hezbollah sur le pays est arrivé».

Ils ont détaillé le cadre de leur action en neuf points qui vont tous dans le sens d’un rétablissement de l’autorité de l’État que la formation pro-iranienne a progressivement rogné. Deux éléments principaux se dégagent de la feuille de route qu’ils ont présentée et qui s’adresse autant à leurs adversaires politiques qu’aux États qui s’efforcent de débloquer la présidentielle, notamment la France, les États-Unis, l’Arabie saoudite, l’Égypte et le Qatar: le refus de tout dialogue avec le Hezbollah et ses alliés et l’allusion à une confrontation «en dehors du cadre constitutionnel, lorsque cela s’avère nécessaire». Pour eux, le seul dialogue possible devrait porter sur les armes illégales.

Les parlementaires ont donné le ton en annonçant d’emblée, dans leur communiqué, leur position et leur action communes «parce qu’il n’est plus possible de perdre du temps ou de s’engager dans des compromis ponctuels de nature à réimposer l’hégémonie du Hezbollah sur les trois plus hautes autorités de l’État ainsi que sur le pays». «Il est du devoir des forces de l’opposition de trouver sérieusement les moyens de rétablir la souveraineté qui repose sur l’application de la Constitution et des lois, de préserver les libertés sur l’ensemble du territoire national, de concentrer les armes aux seules mains des forces légales, d’établir une politique étrangère qui garantit la neutralité, pour protéger le Liban, sauver la justice, l’Administration, l’économie et assainir les finances publiques.»

Le point de départ de cette confrontation est imminent et s’exprime par le boycottage de la réunion parlementaire de jeudi. L’opposition a ainsi annoncé qu’elle boycottera de manière générale toute séance législative qui sera convoquée avant l’élection d’un président de la République, en raison de son inconstitutionnalité. Rappelons qu’en l’absence d’un président, le Parlement est une assemblée électorale et ne peut pas se permettre de légiférer. Le président du Parlement, Nabih Berry, avait appelé à une séance législative le 17 août. Dans le texte, les députés de l’opposition ont exhorté leurs collègues et les blocs parlementaires à boycotter la séance législative de jeudi, au cours de laquelle ils doivent plancher sur une série de textes de loi, dont un en rapport avec le contrôle des capitaux et un autre relatif à la mise en place d’un Fonds souverain.

Le deuxième se rapporte au dialogue que la France encouragerait dans la perspective d’un déblocage de la présidentielle. L’opposition a ainsi souligné son refus absolu de tout dialogue avec le Hezbollah, avant qu’un nouveau chef de l’État soit élu, alors que l’émissaire du président français, Emmanuel Macron, pour le Liban, Jean-Yves Le Drian, vient d’adresser aux principaux blocs parlementaires et forces politiques, deux questions principales (Quelles sont pour votre force politique les chantiers prioritaires relevant du mandat du président de la République pour les six prochaines années? Quelles sont les qualités et les compétences dont devra disposer le futur président de la République pour les relever?)  dans le cadre des préparatifs de ce dialogue.

Les députés de l’opposition ont «salué toute initiative venant des amis du Liban», en référence à celle entreprise par M. Le Drian. Ils ont toutefois souligné l’inutilité de tout dialogue avec le Hezbollah. «Il est devenu clair que toute formule de dialogue avec le Hezbollah et ses alliés est inutile. Ce dernier mise sur le fait accompli imposé en dehors du cadre des institutions pour neutraliser celles-ci lorsqu’il le souhaite ou les redynamiser lorsqu’il garantit les résultats des procédures démocratiques (les élections) grâce à ses moyens anti-démocratiques: l’imposition (d’un candidat à la présidence), l’intimidation, la séduction ou l’élimination, qu’il emploie au profit de son projet hégémonique.» «Pour toutes ces raisons, nous mettons en garde contre un président qui serait une extension du pouvoir du Hezbollah», ont-ils averti, en affirmant qu’ils se réservent le droit de «faire face à tout processus qui laissera l’État hypothéqué».


Selon les signataires du communiqué, «la seule forme de négociation acceptable, dans des délais raisonnables, serait celle menée par un futur président de la République et qui serait concentrée sur les armes illégales». Pour eux, cette formule «permettrait de mettre en œuvre toutes les dispositions de l’accord de Taëf». Dans ce contexte, ils ont rejeté sans ambages toute formule d’entente préalable sur le programme du nouveau président, souhaitée aussi bien par le Courant patriotique libre que par le Hezbollah. «Imposer au futur chef de l’État des engagements politiques préalables est une atteinte à la Constitution et au devoir d’élection d’un président», ont-ils insisté en affirmant leur opposition à «la logique qui repose sur les règles d’engagement».

Ils ont également évoqué la déclaration de Doha émise par le Groupe des cinq, dans laquelle les États-Unis, l’Arabie saoudite, la France, le Qatar et l’Égypte ont insisté sur l’élection, dans les plus brefs délais, d’un président de la République «capable d’incarner l’intégrité du Liban, d’unir la nation libanaise, de placer les intérêts du pays au premier plan et le bien-être de la population en priorité, de former une coalition vaste et qui bénéficie au plus grand nombre, pour mettre en œuvre les réformes économiques essentielles».

Les députés ont en outre appelé «les forces de l’opposition au sein et en dehors du Parlement à s’entendre sur une feuille de route commune pour une confrontation qui devra aller crescendo, ainsi que sur un agenda des réformes» qu’ils ont détaillées exhaustivement. Ce que d’aucuns ont interprété comme le premier pas vers la constitution d’un front d’opposition élargi, à l’instar peut-être du Rassemblement de Kornet Chehwane.  «Notre confrontation démocratique se fera dans le cadre institutionnel et hors de ce cadre», ont-ils poursuivi, sans préciser cependant comment celle-ci sera menée en dehors du cadre des institutions.

Ils ont par ailleurs appelé le gouvernement d’expédition des affaires courantes à cesser de violer la Constitution et à respecter la limite de la gestion des affaires courantes. 

Ils ont ensuite appelé le pouvoir judiciaire, l’armée et les forces de sécurité à assumer leurs responsabilités. «Le rôle de ces institutions est de protéger le peuple contre les milices armées et non l’inverse», selon eux. Dans ce contexte, ils ont souligné l’importance de poursuivre les enquêtes relatives à l’explosion au port de Beyrouth ainsi qu’au crime de Aïn Ebel où un cadre des Forces libanaises a été enlevé et assassiné, et aux affrontements de Kahalé entre des miliciens du Hezbollah et des habitants de cette localité.

En conclusion, les députés de l’opposition ont appelé la communauté internationale, notamment l’ONU à agir immédiatement pour mettre en œuvre les résolutions 1559, 1680 et 1701 axées sur la souveraineté du Liban.

Les signataires sont les députés des Forces libanaises, du parti Kataëb, du Renouveau, ainsi que des indépendants: Georges Adwane, Samy Gemayel, Waddah Sadek, Michel Moawad, Mark Daou, Michel Doueihy, Fouad Makhzoumi, Ghassan Hasbani, Georges Okais, Selim Sayegh, Sethrida Geagea, Nadim Gemayel, Elias Hankache, Achraf Rifi, Adib Abdel Massih, Bilal Hshaimi, Nazih Matta, Saïd el-Asmar, Fady Karam, Camille Chamoun, Razi Hajj, Ghayath Yazbeck, Melhem Riachi, Chawki Daccache, Antoine Habchi, Elias Estéphan, Pierre Bou Assi, Ziad Hawat, Elie Khoury, Ghada Ayoub et Jihad Pakradouni..
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