À peine les rideaux se sont-ils levés sur Anatomie d’une chute que Justine Triet inscrit son nom parmi les légendes. Elle décroche, à 45 ans, une Palme d’Or à Cannes, rejoignant l’élite des réalisatrices telles que Julia Ducournau, Audrey Diwan et Alice Diop. Ces femmes forment à présent le socle d’une renaissance du cinéma d’auteur français, plébiscitée sur la scène internationale des festivals.
Mais Cannes a également été le théâtre d’un acte audacieux de Triet. Plutôt que de simplement savourer sa victoire, elle a brandi une épée contre les moulins à vent du gouvernement. À l’heure où la France débat de la réforme des retraites, Triet s’est érigée en défenseure du cinéma indépendant, défiante face aux menaces du libéralisme, tout en questionnant les critiques du secteur cinématographique considéré par certains comme gâté par les subventions.
«Sans l’exception culturelle, je ne serais pas là aujourd’hui», a-t-elle affirmé, pointant du doigt la possible dégradation du modèle de cinéma français indépendant, soumis à la pression de la rentabilité.
Les réactions à ses propos ont été contrastées. Tandis que la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, juge ses propos «ingrats et injustes», Jean-Luc Mélenchon y voit l’écho d’une «gauche résistante».
Née à Fécamp en 1978, cette Parisienne d’adoption a su, malgré une enfance parsemée d’embûches, gravir les échelons artistiques. D’abord passionnée par la peinture, c’est finalement vers la vidéo et le montage que se dirigera la jeune artiste. Sa caméra, pointée vers les mouvements sociaux, témoignera dès 2007 de sa fascination pour les luttes avec un documentaire sur le CPE.
Son ascension est fulgurante. En 2013, La bataille de Solférino fait sensation à Cannes. Et trois ans plus tard, Victoria, avec une performance remarquée de Virginie Efira, rencontre un succès phénoménal, avec pas moins de 700.000 spectateurs.
Triet ne s’arrête pas là et continue de collaborer avec Efira. En 2019, Sibyl, où brillent également Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel et Niels Schneider, est sélectionné à Cannes.
Marie-Ange Luciani, sa productrice de longue date, décrit le style Triet comme unique, où «le cinéma est un art du collectif». Arthur Harari, son compagnon et collaborateur, partage cette vision artistique collective.
Triet, tout en revendiquant un cinéma réfléchi, explore la complexité des relations hommes-femmes. Elle ajoute: «Je n’ai pas attendu #MeToo pour équilibrer les rôles à la maison». Une artiste au sommet de son art, Justine Triet réinvente le cinéma français tout en ne sacrifiant rien de ses ambitions personnelles.
Avec AFP
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