Les Etats-Unis ont accusé vendredi la Russie d'avoir dépêché en Ukraine des agents chargés de mener des opérations de "sabotage" afin de créer un "prétexte" pour une invasion du pays voisin, renforçant encore les tensions au moment où une cyberattaque visait plusieurs ministères ukrainiens.
"L'armée russe prévoit de commencer ces activités plusieurs semaines avant une invasion militaire, qui pourrait commencer entre mi-janvier et mi-février", a-t-elle mis en garde.
Selon les éléments invoqués par les Américains, Moscou "a déjà prépositionné un groupe d'agents", "entraînés à la guérilla urbaine et à l'utilisation d'explosifs", pour mener dans l'est de l'Ukraine des "actes de sabotage" contre les séparatistes prorusses "sous fausse bannière", c'est-à-dire en se faisant passer pour des Ukrainiens.
"Nous avons vu cette stratégie à l'oeuvre en 2014", lorsque la Russie a annexé la Crimée ukrainienne, "ils préparent cette stratégie à nouveau", avait prévenu dès jeudi le conseiller du président Joe Biden pour la sécurité nationale, Jake Sullivan.
Le Kremlin a qualifié de "gratuites" ces affirmations, estimant qu'elles n'étaient "étayées par aucune preuve".
Les Etats-Unis ont néanmoins décidé de monter d'un cran dans leurs accusations contre le Kremlin après qu'une série de rencontres de haut niveau entre Occidentaux et Russes cette semaine n'ont pas permis d'éloigner le risque d'un nouveau conflit en Ukraine.
Les Américains et les Européens affirment depuis des semaines que Moscou a déployé près de 100.000 soldats à la frontière ukrainienne en vue d'une potentielle invasion, et menacent de sanctions sans précédent s'ils passent à l'offensive. La Russie nie une telle intention, et assure vouloir se défendre contre la posture jugée menaçante de l'Otan à ses portes.
Ses demandes de garanties quant à la fin de l'élargissement de l'Alliance atlantique en Europe de l'Est, et notamment à l'Ukraine, ont toutefois été balayées par les Occidentaux.
Alors que la diplomatie semble dans l'impasse, en l'attente d'une réponse formelle des deux camps rivaux sur la suite à donner à leur dialogue, Kiev a affirmé vendredi qu'une cyberattaque "massive" avait visé plusieurs de ses ministères.
Européens et Américains ont immédiatement condamné le sabotage.
L'Otan a notamment annoncé la signature "dans les prochains jours" d'un accord avec l'Ukraine pour renforcer leur coopération contre dans ce domaine. Il "prévoit notamment l'accès de l'Ukraine à la plateforme de partage d'informations sur les logiciels malveillants de l'Otan", a précisé dans un communiqué Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l'Alliance.
A ce stade, les auteurs du piratage restent inconnus.
"Je ne peux pas l'attribuer à aucun pays ou aucun groupe de hackers pour l'instant", a déclaré à l'AFP Viktor Jora, un haut responsable ukrainien. "Mais cette agression pourrait faire partie de l'agression générale" russe, a-t-il estimé.
"Vous pouvez imaginer qui a fait ça", a glissé pour sa part le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Un message menaçant -en ukrainien, russe et polonais- avait été diffusé sur la page d'accueil de la diplomatie ukrainienne par les auteurs de l'attaque.
"Ukrainiens, prenez peur et préparez-vous au pire. Toutes vos données personnelles ont été téléchargées sur le Web", pouvait-on lire.
Les autorités ont cependant démenti tout vol de données. Plus largement, l'Ukraine a assuré n'avoir pas constaté de dommages importants. Washington a aussi évoqué un impact "limité".
Un sabotage informatique visant les infrastructures stratégiques ukrainiennes afin de désorganiser les autorités est l'un des scénarios évoqués comme pouvant être le signe avant-coureur d'une offensive militaire classique de la part de Moscou.
L'Ukraine a plusieurs fois été la cible de cyberattaques attribuées ces dernières années à la Russie, notamment en 2017 contre plusieurs infrastructures critiques et en 2015 contre son réseau d'électricité.
Pour tenter de désamorcer la crise explosive avec la Russie, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a proposé une rencontre à trois, éventuellement virtuelle, avec ses homologues américain Joe Biden et russe Vladimir Poutine pour faire baisser les tensions, a déclaré vendredi un de ses proches conseillers, Andrii Iermak.
Mais les Russes avaient dit, après les pourparlers de cette semaine avec les Américains et l'Otan, ne pas voir l'intérêt de reprendre ces discussions à court terme.
Dans ce contexte, le ministère russe de la Défense a diffusé vendredi des images de manoeuvres militaires avec 2.500 soldats et une centaine de chars, se déroulant à une cinquantaine de kilomètres de la frontière ukrainienne.
AFP
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