«Nous t’offrirons, comme d’habitude, les conditions idéales à ta réussite.» Pourtant, de conditions idéales, le jeune Skander, n’en a pas beaucoup été doté depuis sa naissance. Cet enfant d’origine algérienne est ballotté entre des familles d’accueil par les services de l’aide sociale à l’enfance. Il navigue dans les banlieues parisiennes, celles des grandes barres d’immeubles, des trafics en tout genre et des émeutes entre quartiers voisins. Ces banlieues dont on ne parle jamais positivement dans les médias, nourrissant les stéréotypes que l’on a sur elles sans y avoir jamais mis les pieds. Cependant, son regard d’enfant nous ramène à ces mêmes clichés:
«Le Grand Quartier de Courseine était immense, composé de douzaine de tours et de dix barres aux fenêtres fleuries d’antennes paraboliques. Des terrains vagues et de petits stades de football espaçaient le tout. Par la fenêtre de ma chambre, je voyais ces anciens horizons se rapprocher.»
Un enfant atypique
Mais Skander est différent: il aime se cultiver, lire et poser des questions pour comprendre. Il peut réussir à l’école. Il voudrait d’emblée être autre, s’extirper de son milieu social si défavorisé, oublier la vie déviante de sa mère, éviter la violence pourtant bien réelle et permanente de la rue. Il aurait, selon ses propos, «donné beaucoup pour naître ailleurs». Le jeune garçon vit une crise identitaire qui fait obstacle à son adaptation parmi les habitants de Courseine: «En voyant ces têtes mal finies, balafrées au rasoir, toute cette humanité dérangeante, je maudissais mes origines, les pires qu’on puisse avoir.» Cependant, il évolue bon gré mal gré dans cet univers hostile à la réussite scolaire et sociale, dans un monde changé par les attentats du 11 septembre 2001. Le lecteur suit les pas de Skander dans la rue, le RER, au collège puis au lycée, dans les services sociaux et publics. Au fil de ses pérégrinations, il apprend, observe et nourrit ses réflexions sur son environnement éloigné de ses rêves d’enfance. Son regard naïf de petit garçon au début du roman devient davantage incisif et comparable à celui d’un sociologue à mesure qu’il grandit. À l’image de Lucien Rubempré chez Honoré de Balzac, Skander perd peu à peu ses illusions face à sa famille, ses fréquentations, aux différents personnels de l’ASE. Mais Skander ne peut pas être qu’un observateur, il vit constamment sur une ligne de crête périlleuse. D’un côté, il peut basculer dans la délinquance et compromettre une ascension sociale prometteuse, de l’autre cette dernière lui tend les bras, portant l’espoir d’un avenir meilleur. Mokhtar Amoudi nous offre avec Les conditions idéales un premier roman bien rythmé, teinté d’humour malgré son sujet. Le jeune Skander est en effet un porte-étendard d’une jeunesse des banlieues pour qui l’intégration est un Graal trop souvent inaccessible. Par son caractère touchant, le lecteur souhaite jusqu’au bout sa réussite.
Mokhtar Amoudi, Les conditions idéales, Gallimard, 24/08/2023, 1 vol. (245 p.), 21€
Chroniqueuse: Marine Moulin
https://marenostrum.pm/mokhtar-amoudi-les-conditions-ideales/
«Le Grand Quartier de Courseine était immense, composé de douzaine de tours et de dix barres aux fenêtres fleuries d’antennes paraboliques. Des terrains vagues et de petits stades de football espaçaient le tout. Par la fenêtre de ma chambre, je voyais ces anciens horizons se rapprocher.»
Un enfant atypique
Mais Skander est différent: il aime se cultiver, lire et poser des questions pour comprendre. Il peut réussir à l’école. Il voudrait d’emblée être autre, s’extirper de son milieu social si défavorisé, oublier la vie déviante de sa mère, éviter la violence pourtant bien réelle et permanente de la rue. Il aurait, selon ses propos, «donné beaucoup pour naître ailleurs». Le jeune garçon vit une crise identitaire qui fait obstacle à son adaptation parmi les habitants de Courseine: «En voyant ces têtes mal finies, balafrées au rasoir, toute cette humanité dérangeante, je maudissais mes origines, les pires qu’on puisse avoir.» Cependant, il évolue bon gré mal gré dans cet univers hostile à la réussite scolaire et sociale, dans un monde changé par les attentats du 11 septembre 2001. Le lecteur suit les pas de Skander dans la rue, le RER, au collège puis au lycée, dans les services sociaux et publics. Au fil de ses pérégrinations, il apprend, observe et nourrit ses réflexions sur son environnement éloigné de ses rêves d’enfance. Son regard naïf de petit garçon au début du roman devient davantage incisif et comparable à celui d’un sociologue à mesure qu’il grandit. À l’image de Lucien Rubempré chez Honoré de Balzac, Skander perd peu à peu ses illusions face à sa famille, ses fréquentations, aux différents personnels de l’ASE. Mais Skander ne peut pas être qu’un observateur, il vit constamment sur une ligne de crête périlleuse. D’un côté, il peut basculer dans la délinquance et compromettre une ascension sociale prometteuse, de l’autre cette dernière lui tend les bras, portant l’espoir d’un avenir meilleur. Mokhtar Amoudi nous offre avec Les conditions idéales un premier roman bien rythmé, teinté d’humour malgré son sujet. Le jeune Skander est en effet un porte-étendard d’une jeunesse des banlieues pour qui l’intégration est un Graal trop souvent inaccessible. Par son caractère touchant, le lecteur souhaite jusqu’au bout sa réussite.
Mokhtar Amoudi, Les conditions idéales, Gallimard, 24/08/2023, 1 vol. (245 p.), 21€
Chroniqueuse: Marine Moulin
https://marenostrum.pm/mokhtar-amoudi-les-conditions-ideales/
Lire aussi
Commentaires