L'exposition collective Remaining qui s'est tenue à Beit Beirut du 30 août au 1er septembre semble faire suite à l'exposition précédente, Allô Beyrouth, qui avait eu lieu fin 2022. Cette dernière invitait à puiser dans les souvenirs du passé, empreints d’insouciance et de légèreté, comme un moyen de trouver la force de rester debout face à l’adversité.
Un appel lancé dans le vide depuis un an à partir de l’immeuble Barakat, lieu mythique, témoin des tribulations d’un peuple marqué au fer rouge par les guerres, mais dont l’histoire fut néanmoins auréolée de périodes de gloire. Cette belle bâtisse, vidée de ses entrailles, amputée de ses membres, aux murs lépreux et aux plafonds troués, tient debout aujourd’hui grâce à des attelles en fer et de multiples renforcements, mais surtout grâce à la volonté de survie d’un peuple.
Sa belle façade s’élève avec fierté et dignité et s’érige en symbole de résistance face à l’adversité; un lieu de mémoire pour inciter à reconstruire, à renaître des décombres comme le phénix de ses cendres.
À l’appel lancinant, Allô Beyrouth, lancé un an plus tôt durant l’expo précédente, l’exposition actuelle répond par Remaining (Rester debout) et propose ainsi de «demeurer» ou d’exister encore plus fort, plus intensément grâce à l’expression artistique et l’émergence de talents divers. C’est ainsi que, dans un élan de vie et de créativité, une pléiade d’artistes et de peintres vient inaugurer à Beit Beirut un début de saison très prometteur.
Pour la grande majorité des œuvres exposées, à l’exception de quelques tableaux représentant chevaux, paysages lunaires et natures mortes, la féminité reste à l’honneur et se décline dans tous ses états et manifestations. La femme est représentée pudique et discrète, à moitié voilée, réduite à décorer les lieux à l’instar du bouquet de fleurs posé sur la table, ou plus loin sur une autre toile à pousser comme une plante enfermée dans un pot.
Dans une autre œuvre, la femme apparaît sensuelle et mystérieuse, habitée de rêves interdits, coiffée d’un voile ou d’un turban à la manière orientale. Ailleurs sur un autre tableau, si elle livre sa nudité, sa tête semble pourtant se fondre dans les étoiles – une sorte de dissociation entre l’esprit et la chair. Plus loin, la femme s’affranchit et nous interpelle dans une invitation à peine voilée quand elle déboutonne d’un air désinvolte sa blouse pour dévoiler «un sein que l’on ne saurait voir».
D’autres peintures nous livrent encore d’autres facettes de cette féminité, la présentant comme symbole de révolte ou de résilience, ou comme allégorie de la mère-patrie. Des images aux multiples visages montrent ainsi la fragmentation de l’être, celle de femmes en proie aux doutes et aux questionnements, dans une sorte de déchirement intérieur ou de quête identitaire. La dualité apparaît encore dans une œuvre qui scinde un buste en deux, rationalité exprimée par la couleur bleue du front et feu de la passion teintant en rouge le reste du corps.
D’autres œuvres encore représentent la féminité qui explose et se libère de ses entraves, dans la plénitude de l’être, le rayonnement de l’extase. Le corps sublimé grâce à l’expression artistique, la danse ou l’activité sportive, vient s’épanouir et se détendre en repoussant les limites de la toile. La tête rejetée en arrière, le corps étiré à l’extrême, emprunte aux félins la souplesse animale pour faire jaillir l’élan vital.
Les tableaux qui défilent ainsi font rêver d’un ailleurs habité par la grâce. Ils incitent à vivre poétiquement le monde, insufflent à cet espace devenu musée un supplément d’âme et participent à ressusciter à l’infini une ville meurtrie dans sa chair à l’instar de l’immeuble de Beit Beirut.
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