Le dialogue national constitue un processus démocratique par excellence. Sans être toutefois une réponse à un appel social, le terme « table du dialogue » en tant que tel défigure le principe du dialogue. Dans la forme, il vaudrait mieux l'appeler « instance de dialogue national », alors que dans le fond, le dialogue a lieu entre des parties opposées. La partie convoquant à un tel dialogue devrait être une référence neutre, inclusive et capable de rapprocher les acteurs distants.
En 2008, feu Ghassan Tueni a participé à l’instance du dialogue national, et l'a considérée comme une innovation démocratique vu qu’elle comprenait les autorités constitutionnelles et politiques de toutes les parties, ainsi que des entités intellectuelles et juridiques. En effet, l’instance du dialogue peut être considérée « para constitutionnelle » puisqu’elle facilite la mise en œuvre des clauses non appliquées de l’accord de Taëf, notamment la création d'une autorité nationale pour l'abolition du sectarisme politique stipulée au paragraphe H du préambule de la Constitution, ainsi que la suppression des obstacles qui entravent l’adoption d’une stratégie de défense convenue par toutes les parties.
Le fait que le Liban est un pays de crises permanentes, de par sa composition sectaire, impose d’urgence le besoin d'un espace commun, un lieu de rencontre de tous les dirigeants. Le Palais présidentiel serait certes le lieu le plus propice au dialogue national. Le président de la République, gardien de la Constitution, représente l’autorité adéquate pour convoquer toutes les parties à un dialogue national, le présider et en régler la cadence.
Cette initiative renforce la position du président de la République et ménage la mise en œuvre des décisions nationales en vue de protéger la paix civile. Cependant, le dialogue national ne constitue pas seulement une initiative spontanée ou une réunion éphémère autour d'une table, mais plutôt un processus qui a ses propres règles et mécanismes. Il est à noter que le parrain du dialogue devrait adopter une approche modérée et sage afin qu’il soit l’arbitre capable et accepté par toutes les parties.
Le président Michel Sleiman m'avait chargé du dossier du dialogue national, et ce à travers la coordination du travail d’un comité préparatoire formé d’un groupe constitué d'élites hautement qualifiées et expérimentées, de constitutionnalistes, de juristes, d'universitaires et d'experts militaires. A cet effet, un secrétariat spécialisé dans la gestion des conférences avait été mis en place, en préparation des sessions qui allaient se dérouler au Palais présidentiel. Ce comité était chargé de préparer les thèmes du dialogue et d'en assurer le suivi, et il a été secondé par plusieurs sous-comités lorsqu’il s’agissait de la question de la stratégie de défense et autres.
Entre 2008 et 2014, le comité a tenu cent vingt-quatre réunions et s'est engagé dans une démarche de recensement d’informations, d’études, de positions et d’analyses, pour être en phase avec le dialogue.
À ce stade, il y avait des divergences politiques quant à la participation des parties concernées au dialogue et un désaccord sur plusieurs dossiers, notamment le Tribunal international, la stratégie défensive et l'intervention du Hezbollah en Syrie.
Avant les élections législatives, sept sessions du dialogue national ont eu lieu de décembre 2008 au 1er juin 2009. Le 1er mars 2010, les réunions ont repris sous le nom d’ « instance du dialogue national » et ainsi se sont succédées les huitième, neuvième, dixième, onzième et douzième sessions, au cours desquelles la question de la stratégie défensive, le dossier pétrolier en plus des relations libano-syriennes ont été discutées, et ce, avant le 11 juin 2012, date de la publication de la fameuse « Déclaration de Baabda ». Celle-ci exigeait la neutralité du Liban, au niveau de la politique des axes et des conflits régionaux et internationaux, et ce dans l’intérêt supérieur du pays, de son unité nationale et de sa paix civile. Le document insistait en outre sur le contrôle des frontières, la prévention de la contrebande d'armes et des infiltrations armées.
A mon avis, la convocation par le président Michel Aoun d’un dialogue aujourd'hui arrive tardivement, et se révèle futile et inutile, vu qu’il manque au président de la République le consensus des parties politiques et du peuple, contrairement à la situation qui prévalait au début de son mandat. Cet appel intervient à la veille des préparatifs des élections législatives, dans le sillage de la crise avec les États du Golfe, et à l’ombre d'un effondrement économique et social, et des répercussions de la révolution du 17 octobre, toujours vivante.
Il est à noter que le président Aoun a raté une occasion en or au début de son mandat. Il devait lancer une réforme à tous les niveaux, compte tenu des cartes qu'il possédait, notamment avec son allié principal le Hezbollah, concernant son armement et la mise en œuvre de toutes les décisions de la « Déclaration de Baabda ».
C’est la troisième convocation au dialogue au Palais de Baabda sous le mandat du président Aoun. En septembre 2019, une « session de dialogue » a été organisée pour discuter de la crise financière et économique. Et en mai 2020, une session de dialogue a eu lieu dans le but d'assurer une couverture politique au plan économique du gouvernement, sur base de laquelle il négocierait avec le Fonds Monétaire International.
Par contre, cette actuelle troisième convocation de la part du président se déroule sous le titre de "table de dialogue national" et ne se limite pas à la crise économique et financière, mais va plutôt au-delà, vers des discussions englobant toute la situation politique.
Comment une telle convocation peut-elle aboutir au vu du boycott de plusieurs composantes de base et d'un gouvernement dysfonctionnel ?! Il incombait plutôt au président de la République de négocier avec la partie qui paralyse, notamment le duo chiite, afin de relancer ce qui reste du cycle économique et des institutions publiques.
A la veille de l'assassinat du Premier ministre martyr Rafic Hariri, le 14 février 2005, du retrait de l'armée syrienne du Liban, de l'aggravation du contentieux entre les Libanais et de l'échec de toutes les initiatives visant à combler le fossé, le président Berri a appelé le 2 mars à un dialogue national regroupant 14 pôles politiques. Il est vrai qu’il n’a pas porté ses fruits mais il a, en quelque sorte, amorti les tensions dans le pays.
L’ « instance de dialogue » sous le mandat du président Michel Sleiman ainsi que la « Déclaration de Baabda » approuvée à l'époque, avec l'accord du Hezbollah, constituent le seul fruit réussi de la série de dialogues nationaux. Cependant, le Hezbollah s’est désisté de la Déclaration susmentionnée, bien qu’elle ait été reconnue par les Nations Unies et la Ligue des États Arabes.
La situation actuelle n’est pas adéquate pour mener un dialogue, que ce soit au niveau du timing ou des conditions de réussite, notamment pour ce qui a trait aux trois dossiers proposés : le plan de redressement financier en vue de la reprise des négociations avec le Fonds Monétaire International ; la stratégie de Défense et la décentralisation administrative et financière élargie.
Par ailleurs, le dialogue national, même s'il consacre la volonté du vivre ensemble et les concessions pour le bien national, ne doit, en aucun cas, éliminer la responsabilisation, la lutte contre la corruption et la poursuite des corrompus, et ce à travers l'implication des forces actives de la société civile. Les exigences de la vie quotidienne et l’influence de la politique par les évolutions locales, régionales et internationales imposent un dialogue continu afin de trouver un espace commun pour aboutir à une vision unique, et dissiper les stagnations et les conflits. Le dialogue facilite la coopération et aide à relever les défis. Il nous pousse aussi à abandonner des choix violents qui aboutissent à l'exclusion, et crée une confiance basée sur le respect de l’opinion de l’autre, à condition toutefois que tous les interlocuteurs soient authentiques et sérieux dans leur dialogue, et visent à développer une harmonie qui puisse suivre le rythme des exigences du moment fatidique que nous vivons.
En 2008, feu Ghassan Tueni a participé à l’instance du dialogue national, et l'a considérée comme une innovation démocratique vu qu’elle comprenait les autorités constitutionnelles et politiques de toutes les parties, ainsi que des entités intellectuelles et juridiques. En effet, l’instance du dialogue peut être considérée « para constitutionnelle » puisqu’elle facilite la mise en œuvre des clauses non appliquées de l’accord de Taëf, notamment la création d'une autorité nationale pour l'abolition du sectarisme politique stipulée au paragraphe H du préambule de la Constitution, ainsi que la suppression des obstacles qui entravent l’adoption d’une stratégie de défense convenue par toutes les parties.
Le fait que le Liban est un pays de crises permanentes, de par sa composition sectaire, impose d’urgence le besoin d'un espace commun, un lieu de rencontre de tous les dirigeants. Le Palais présidentiel serait certes le lieu le plus propice au dialogue national. Le président de la République, gardien de la Constitution, représente l’autorité adéquate pour convoquer toutes les parties à un dialogue national, le présider et en régler la cadence.
Cette initiative renforce la position du président de la République et ménage la mise en œuvre des décisions nationales en vue de protéger la paix civile. Cependant, le dialogue national ne constitue pas seulement une initiative spontanée ou une réunion éphémère autour d'une table, mais plutôt un processus qui a ses propres règles et mécanismes. Il est à noter que le parrain du dialogue devrait adopter une approche modérée et sage afin qu’il soit l’arbitre capable et accepté par toutes les parties.
Le président Michel Sleiman m'avait chargé du dossier du dialogue national, et ce à travers la coordination du travail d’un comité préparatoire formé d’un groupe constitué d'élites hautement qualifiées et expérimentées, de constitutionnalistes, de juristes, d'universitaires et d'experts militaires. A cet effet, un secrétariat spécialisé dans la gestion des conférences avait été mis en place, en préparation des sessions qui allaient se dérouler au Palais présidentiel. Ce comité était chargé de préparer les thèmes du dialogue et d'en assurer le suivi, et il a été secondé par plusieurs sous-comités lorsqu’il s’agissait de la question de la stratégie de défense et autres.
Entre 2008 et 2014, le comité a tenu cent vingt-quatre réunions et s'est engagé dans une démarche de recensement d’informations, d’études, de positions et d’analyses, pour être en phase avec le dialogue.
À ce stade, il y avait des divergences politiques quant à la participation des parties concernées au dialogue et un désaccord sur plusieurs dossiers, notamment le Tribunal international, la stratégie défensive et l'intervention du Hezbollah en Syrie.
Avant les élections législatives, sept sessions du dialogue national ont eu lieu de décembre 2008 au 1er juin 2009. Le 1er mars 2010, les réunions ont repris sous le nom d’ « instance du dialogue national » et ainsi se sont succédées les huitième, neuvième, dixième, onzième et douzième sessions, au cours desquelles la question de la stratégie défensive, le dossier pétrolier en plus des relations libano-syriennes ont été discutées, et ce, avant le 11 juin 2012, date de la publication de la fameuse « Déclaration de Baabda ». Celle-ci exigeait la neutralité du Liban, au niveau de la politique des axes et des conflits régionaux et internationaux, et ce dans l’intérêt supérieur du pays, de son unité nationale et de sa paix civile. Le document insistait en outre sur le contrôle des frontières, la prévention de la contrebande d'armes et des infiltrations armées.
A mon avis, la convocation par le président Michel Aoun d’un dialogue aujourd'hui arrive tardivement, et se révèle futile et inutile, vu qu’il manque au président de la République le consensus des parties politiques et du peuple, contrairement à la situation qui prévalait au début de son mandat. Cet appel intervient à la veille des préparatifs des élections législatives, dans le sillage de la crise avec les États du Golfe, et à l’ombre d'un effondrement économique et social, et des répercussions de la révolution du 17 octobre, toujours vivante.
Il est à noter que le président Aoun a raté une occasion en or au début de son mandat. Il devait lancer une réforme à tous les niveaux, compte tenu des cartes qu'il possédait, notamment avec son allié principal le Hezbollah, concernant son armement et la mise en œuvre de toutes les décisions de la « Déclaration de Baabda ».
C’est la troisième convocation au dialogue au Palais de Baabda sous le mandat du président Aoun. En septembre 2019, une « session de dialogue » a été organisée pour discuter de la crise financière et économique. Et en mai 2020, une session de dialogue a eu lieu dans le but d'assurer une couverture politique au plan économique du gouvernement, sur base de laquelle il négocierait avec le Fonds Monétaire International.
Par contre, cette actuelle troisième convocation de la part du président se déroule sous le titre de "table de dialogue national" et ne se limite pas à la crise économique et financière, mais va plutôt au-delà, vers des discussions englobant toute la situation politique.
Comment une telle convocation peut-elle aboutir au vu du boycott de plusieurs composantes de base et d'un gouvernement dysfonctionnel ?! Il incombait plutôt au président de la République de négocier avec la partie qui paralyse, notamment le duo chiite, afin de relancer ce qui reste du cycle économique et des institutions publiques.
A la veille de l'assassinat du Premier ministre martyr Rafic Hariri, le 14 février 2005, du retrait de l'armée syrienne du Liban, de l'aggravation du contentieux entre les Libanais et de l'échec de toutes les initiatives visant à combler le fossé, le président Berri a appelé le 2 mars à un dialogue national regroupant 14 pôles politiques. Il est vrai qu’il n’a pas porté ses fruits mais il a, en quelque sorte, amorti les tensions dans le pays.
L’ « instance de dialogue » sous le mandat du président Michel Sleiman ainsi que la « Déclaration de Baabda » approuvée à l'époque, avec l'accord du Hezbollah, constituent le seul fruit réussi de la série de dialogues nationaux. Cependant, le Hezbollah s’est désisté de la Déclaration susmentionnée, bien qu’elle ait été reconnue par les Nations Unies et la Ligue des États Arabes.
La situation actuelle n’est pas adéquate pour mener un dialogue, que ce soit au niveau du timing ou des conditions de réussite, notamment pour ce qui a trait aux trois dossiers proposés : le plan de redressement financier en vue de la reprise des négociations avec le Fonds Monétaire International ; la stratégie de Défense et la décentralisation administrative et financière élargie.
Par ailleurs, le dialogue national, même s'il consacre la volonté du vivre ensemble et les concessions pour le bien national, ne doit, en aucun cas, éliminer la responsabilisation, la lutte contre la corruption et la poursuite des corrompus, et ce à travers l'implication des forces actives de la société civile. Les exigences de la vie quotidienne et l’influence de la politique par les évolutions locales, régionales et internationales imposent un dialogue continu afin de trouver un espace commun pour aboutir à une vision unique, et dissiper les stagnations et les conflits. Le dialogue facilite la coopération et aide à relever les défis. Il nous pousse aussi à abandonner des choix violents qui aboutissent à l'exclusion, et crée une confiance basée sur le respect de l’opinion de l’autre, à condition toutefois que tous les interlocuteurs soient authentiques et sérieux dans leur dialogue, et visent à développer une harmonie qui puisse suivre le rythme des exigences du moment fatidique que nous vivons.
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