Olivier Sauton: «Beyrouth, tu m’as fait pleurer.»

Fabrice Luchini et moi est un seul -en scène écrit, mis en scène et interprété par Olivier Sauton a conquis le cœur de plus de 65.000 spectateurs en France. Couronnée du prix du public au Festival d'Avignon, cette pièce se joue actuellement sur les planches d’un Beyrouth en pleine effervescence. Malgré son format d'une pièce à deux personnages, c'est un seul comédien, Olivier Sauton, qui subjugue le public libanais. L'émotion partagée entre l'artiste et son auditoire est palpable, créant une expérience théâtrale unique. Vous pourrez découvrir cette performance exceptionnelle au théâtre Le Monnot du 11 au 14 octobre 2023 à 20h30.
Fabrice Luchini et moi est une fiction captivante où un jeune homme, animé par le rêve de devenir comédien, rencontre par hasard la route de Fabrice Luchini, son idole. Malgré son désintérêt évident pour la culture et son penchant pour les femmes et la gloire, il implore Luchini de devenir son mentor en théâtre. Dans cette histoire initiatique drôle et émouvante, les leçons de théâtre prennent la forme de leçons de vie.
Pourquoi choisir d’interpréter Fabrice Luchini?
Quand j’étais adolescent, je regardais la télé française et j’ai découvert cet acteur. J’ai été subjugué par sa maîtrise de la langue et par sa capacité à se faire écouter par tous. À chaque intervention, il était à la fois drôle, intelligent et instructif. Plus tard, lorsque j’ai voulu écrire un spectacle sur la relation professionnelle maître-élève, j’ai pensé que Fabrice Luchini serait le personnage idéal. Il est très théâtral. Depuis des années, je travaille à l'imiter car il m’a accompagné tout au long de mes études de théâtre. À chaque fois que je devais travailler une scène, je me glissais dans sa peau. Cela me permettait d’enrichir mon jeu.
Quel a été le retour du public libanais?
Pour mon spectacle, j’ai connu des ovations, de l’amour, des rires, de la chaleur… Mais le retour du public libanais est exceptionnel. Au lieu de prendre, de recevoir, il vous donne en retour. C’est vraiment un vrai partenaire de jeu. Il est en vous. On ne se produit pas devant lui, mais avec lui, au-delà de toute interaction verbale ou gestuelle... À la fin de la représentation, j'ai été submergé par l'émotion et j'ai pleuré – une expérience totalement inédite pour moi sur scène. Je me suis senti transpercé, voire transporté. Cette énergie et cette adrénaline sont restées en moi et je suis resté éveillé jusqu’à 6h30 du matin. Il m’a fallu reprendre mes esprits au réveil pour me préparer à un autre public, celui du lendemain, pour éviter toute forme de comparaison.
Comment est née l’idée d’une collaboration avec le théâtre Le Monnot?
L’idée d’une collaboration vient de Marc Dagher, un Franco-Libanais qui avait découvert mon spectacle il y a cinq ou six ans. À l'époque, il m'avait envoyé un e-mail après l'une de mes représentations, et cela m'avait profondément touché, car il avait saisi l'essence de mon spectacle. C’est d’ailleurs cette même perception que j’ai ressentie hier en discutant avec le public libanais après le spectacle. On ne retrouve pas forcément cette forme d’intelligence chez tous les publics.

Touché par ma prestation, Marc Dagher m’a soutenu dans une période difficile de ma carrière. C'est lui qui a évoqué l'idée que je me produise au Liban, me garantissant la résonance que j’y trouverais. «Toi et le Liban, vous êtes faits pour être ensemble», m’a-t-il dit. «Là-bas, tu trouveras un public, des amis, une mentalité proche de la tienne. Tu trouveras même une amoureuse! Mais là n’est pas l’objectif.» Il a présenté mon spectacle à Josyane Boulos, la directrice du théâtre Le Monnot, qui, ayant entendu parler de mon spectacle, a facilité ma venue au Liban et concrétisé ce projet.
Qu’en est-il des circonstances actuelles du Liban? Quel a été leur impact sur l’énergie de votre jeu?
Les circonstances dramatiques vécues par le Liban actuellement renforcent paradoxalement l’énergie du spectacle. Quand la vie est menacée, le rire et l’émotion prennent une valeur décuplée. On profite plus alors que l’environnement est morose, inquiétant; cela va paradoxalement donner au rire et à l’émotion un vrai prix, un sens accru, presque sacré. Jouer pour un public qui souffre était pour moi très émouvant. C’est comme si ma mission consistait à mettre du baume au cœur. Au Liban, tout cela est fait sans pathos. Il existe une distance, une certaine légèreté qui est loin d’être une futilité. Dans ce pays, on prodigue des soins avec le sourire et sans affectation. Voilà pourquoi j’incite les Libanais à venir au théâtre; au-delà du plaisir du spectacle, dans ces circonstances-là, il y a le plaisir de la vie, du vivant. C'est cette force de vie qui bouleverse les spectateurs.
Dans un hymne au Liban, pays de toutes les émotions, Olivier Sauton publie sur sa page Facebook:
Beyrouth, tu m’as fait pleurer. Oui, quand à la fin du spectacle tu t’es levé, tu as applaudi à tout rompre, oui, tu l’as vu, j’ai pleuré. Je joue ce spectacle depuis dix ans. Jamais je n’avais pleuré à la fin d’une représentation. Je m’étais retenu très fort lorsque mon professeur de théâtre, l’immense Jean Laurent Cochet, était venu assister au travail de l’un de ses anciens élèves (moi), et qu’il m’avait manifesté toute sa fierté de voir son poulain délivrer un spectacle digne de l’enseignement du maître. Mais j’avais réussi à retenir mes larmes. Ce soir, non. Je n’ai ni réussi à les retenir, ni voulu le faire. Beyrouth tu m’as fait pleurer. J’ai adoré jouer pour toi. Te donner tout, comme tu m’as tout donné depuis que je suis arrivé sur ta terre. Je demande officiellement la nationalité libanaise.
Beyrouth tu m’as fait pleurer. Ce sont des larmes que j’ai tant aimées. Elles coulaient sur ma joue et ruisselaient dans mon cœur. Beyrouth, je t’aime. Je suis à toi. Beyrouth, j’étais né pour te rencontrer.
À demain, à toujours.
Marie-Christine Tayah
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