La 8e édition du Salon international du livre du Liban

En dépit de la situation catastrophique qui prévaut dans notre région, le Salon international du livre du Liban a, cette année, relevé un très grand défi. La 8e édition du salon se tient au Forum de Beyrouth du 13 au 22 octobre 2023 avec plus de 155 exposants et un public enthousiaste en quête de culture et de débats pour le moins enrichissants. Ici Beyrouth est allé sur place à la rencontre des participants.

Le syndicat des éditeurs du Liban et celui des importateurs de livres se sont unis en partenariat avec le ministère de la Culture pour organiser la 8e édition du Salon international du livre au Forum de Beyrouth sur une surface de 6.000 m2 où 277 éditeurs de 21 pays arabes francophones et internationaux se sont retrouvés.

Émile Tyan, directeur du groupe Librairie Antoine et membre du comité d’organisation du salon, s’est exprimé après l’ouverture du Salon du livre:
«Faire ce salon relève d’un très grand défi dans la situation géopolitique actuelle. Il y a beaucoup de tensions et de craintes légitimes avec tout ce qui se passe à Gaza. On a, malgré tout, tenu à faire ce salon pour différentes raisons. D’abord, parce que c’est vital pour les maisons d’édition d’avoir une vitrine au moins une fois par an et de montrer toutes leurs productions. C’est également important parce que ce salon a eu un retentissement dans tout le monde arabe. Cela prouve que le Liban est encore capable de doter des salons d’un très haut standing. Aujourd’hui, on est très fiers de tous les éditeurs qui ont de très belles productions. Beaucoup d’entre eux ont mis en place des activités culturelles. Je crois qu’il n’y a pas eu de salon arabe avec autant de manifestations culturelles que ce salon-là. Et cela, on le doit aux Libanais qui transmettent un message optimiste: celui de vivre à travers les livres et de voir autre chose que les catastrophes.»

Quant à l’affluence du public, Émile Tyan constate: «Le salon se présente très bien. C’était un très bon week-end où énormément de Libanais sont venus de toutes les régions du nord au sud. On a vu un public hétéroclite où chacun a pu trouver ce qu’il est venu chercher: acheter des livres, découvrir les stands, écouter les débats…»
Michèle Fenianos, directrice de MFG Consulting et organisatrice du salon, nous a fait part de ses impressions: «Ce salon est très diversifié. Nous sommes très fiers d’avoir réuni tout le monde sous le même toit du livre. Tout fonctionne merveilleusement bien. Tout le monde se respecte. Le boycott depuis l’an dernier contre le Liban a certes affecté la foire du livre. Ainsi, nous avons une surface de 6.000 m2 au lieu de 10.000 m2. Sans le conflit régional, il y aurait eu beaucoup plus d’exposants. Mais je pense que le Liban peut être de nouveau un hub.»

Enthousiaste et énergique, Michèle Fenianos affiche son optimisme: «Beaucoup de gens repartent avec des sacs remplis de livres, ce qui est un très bon signe. De plus, le fait qu’il y ait eu plus de 100 établissements scolaires qui ont confirmé leur présence au salon et qui, déjà, depuis lundi, viennent participer aux activités culturelles, aux parcours ludiques et aux ateliers spécialisés pour plusieurs tranches d’âge, tout cela montre que nous avons relevé un grand défi et je le dis avec modestie. Le retour est très positif que ce soit du côté des exposants ou du public.»
Khaled Kobayaa, directeur général du salon international du livre a, quant à lui, insisté sur le rôle pionnier du Liban dans l’organisation des salons du livre. Il nous fait part de ses objectifs: «Nous souhaitons aider les professionnels et les passeurs multilingues à retrouver leur place sur le plan arabe et international. Nous tenons à encourager les éditeurs, distributeurs et institutions culturelles à élargir leur champ d’activités en mettant l’accent sur la lecture. Mais aussi accueillir des éditeurs étrangers à l’instar des grands salons internationaux.» Au sujet de la 8e édition du salon, il précise: «C’est un nouveau concept où l’on retrouve les livres arabes, français et anglais dans le même salon. Cela permet d’ouvrir la voie à un dialogue des cultures. L’idée est de travailler en synergie avec les foires internationales comme celle de Francfort.»


À l’entrée du salon, on est interpellé par la présence du stand du ministère de la Culture du Qatar, le seul à relever d’une entité officielle. Son représentant s’exprime à ce sujet: «Nous sommes heureux d’être présents au Salon international du livre du Liban. Il est excellent. Il y a du monde malgré les événements à Gaza. Notre présence est un soutien à ceux qui ont organisé la foire, aux livres, aux auteurs, à la culture.»
Nous allons à la rencontre d’une libraire, Christiane Choueiri, directrice de La Phénicie qui montre son engouement à participer au salon:
«En tant qu’importateurs, nous avons tenu à exposer les livres en trois langues. Ce qu’on recherche, c’est avant tout la neutralité, la culture, le livre. Nous, libraires, sommes des passeurs de textes. Nous avons le rôle de mettre en évidence de nouveaux thèmes comme l’intelligence artificielle, un choix de livres et l’organisation de rencontres avec des auteurs. Hier, les jeunes élèves d’une école francophone ont assisté à la lecture d’un livre en arabe par l’auteure elle-même. Ce fut un grand succès. Samedi soir, nous aurons des musiciens qui joueront du jazz…»

Deux salles de conférences accueillent tous les jours à partir de 15 h des débats, des tables rondes et des ateliers interactifs en arabe, français et anglais autour de thématiques comme le rôle du journalisme dans la culture au Liban, soutenir le livre et la lecture, l’adaptation des livres au grand écran, la relation entre les mots et le dessin…
L’institution de l’armée libanaise possède, elle aussi, un stand où sont présentées ses productions allant du journal aux livres sur l’histoire de l’armée libanaise. L’un de ses représentants affirme: «Nous participons souvent aux salons du livre. Il est important pour nous de montrer nos productions. Nous avons notre propre imprimerie et nos propres auteurs. Le public s’intéresse de près à notre stand.»

À côté du stand de l’armée, nous découvrons une ONG du nom de Loyac (The Lothan Youth Achievement Center) fondée au Koweït où de jeunes créatifs nous expliquent que leur objectif est de développer les talents des jeunes du monde arabe et de leur permettre de s’exprimer.
Nous voici devant le stand d’une nouvelle maison d’édition Head in the stars. Saria Hanna Moutran, éditrice et auteure nous accueille pour parler de sa collection de livres pour enfants Grandes légendes libanaises et de sa présence au Salon du livre: «Je suis impressionnée par le nombre de gens qui viennent au salon. C’est une réussite.» Nous feuilletons ses livres admirablement conçus, écrits et illustrés par Bookie alias Sasha Haddad. L’idée de créer une collection de livres jeunesse est venue avec la crainte que ses enfants grandissent sans être fiers de leurs racines et de leur pays. Elle explique: «J’ai fondé la maison d’édition Head in the stars dans l’objectif d’inspirer et d’encourager les enfants à rêver grand. Il y a deux cadeaux que nous devons offrir à nos enfants: des racines et des ailes. Notre première collection a pour but de planter une petite graine dans le cœur de chaque enfant libanais, quel que soit le lieu où il vit. Une graine qui le rendra fier de ses racines et lui donnera des ailes. Il s’agit de trois légendes libanaises qui ont brillé d’un tel éclat qu’ils ont rendu le monde meilleur: Fairouz, la voix du Liban, Danny Thomas, le drôle de philanthrope et Charles Malik, le diplomate bouquineur. Les trois livres sont en arabe, français et anglais.»

Nous faisons encore un petit tour alors que de nouveaux groupes arrivent devant les stands ou se dirigent vers l’une des salles de conférence. Nous repartons avec l’idée que l’ambiance générale était résolument optimiste, augurant d’une belle année culturelle.
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