À quelques jours de l'ouverture des JO d'hiver de Pékin, l'Assemblée nationale française a adopté jeudi une résolution dénonçant le "génocide" des Ouïghours par la Chine et demandant au gouvernement français d'en faire de même.
Par cette résolution, l'Assemblée "reconnaît officiellement les violences perpétrées par les autorités de la République populaire de Chine à l'encontre des Ouïghours comme constitutives de crimes contre l'humanité et d'un génocide", et les "condamne".
Elle "invite le gouvernement français" à faire de même et à adopter "les mesures nécessaires auprès de la communauté internationale et dans sa politique étrangère à l’égard de la République populaire de Chine" pour faire cesser cette situation.
Au nom du gouvernement, le ministre délégué au Commerce extérieur Franck Riester a évoqué des "violences systématiques" et des "témoignages accablants" mais a fait valoir que la qualification formelle de génocide relevait d'instances internationales, pas du gouvernement.
Il a assuré que le sort de cette minorité ethnique du nord-ouest de la Chine, de langue turcique et majoritairement musulmane, était "évoqué au plus haut niveau" lors des entretiens avec les responsables officiels chinois.
"Sur le plan purement politique, l'impact est limité car c'est une résolution parlementaire qui n'a aucun valeur d'engagement. Mais ça renforce la pression sur l'exécutif et le gouvernement. Si l'exécutif multiplie les expressions publiques à haut niveau, c'est un problème pour la Chine", a commenté auprès de l'AFP Antoine Bondaz, de la Fondation pour la recherche stratégique.
Dolkun Isa, président du Congrès mondial ouïghour (CMO), a salué "une étape indispensable vers une reconnaissance internationale plus large du génocide ouïghour".
L'ambassade de Chine à Paris a à l'inverse protesté contre "une diffamation et une stigmatisation délibérées contre la Chine et une ingérence brutale dans les affaires intérieures chinoises".
La mission diplomatique estime qu'il ne s'agit pas de questions "ethniques, religieuses ou de droits de l'homme", mais que le sujet relève "de la lutte contre le terrorisme, la radicalisation et le séparatisme".
Stérilisations et avortements forcés, viols, tortures, enfants arrachés à leurs parents, prélèvement d'organes, camps d'internement et de rééducation, exécutions, destruction de mosquées et du patrimoine culturel, surveillance de masse... le texte fait un long énoncé des crimes reprochés au régime chinois.
La résolution s'inquiète aussi du sort réservé à d'autres "minorités turciques" (Kazakhs, Kirghizes, Ouzbeks et Tatars) par Pékin.
Alain David (gauche) a fait applaudir par les députés des réfugiés ouïghours présents dans les tribunes.
"Nous ne pouvons pas dire que nous ne savions pas !", a lancé une députée conservatrice, Constance Le Grip.
L'unique vote contre est venu du député de Paris Buon Tan (LREM), très engagé dans les relations franco-asiatiques et notamment chinoises.
Des organisations de défense des droits de l'Homme accusent la Chine d'avoir notamment enfermé plus d'un million de musulmans dans des camps de rééducation politique. Les Ouïghours sont particulièrement visés après une série d'attentats attribués à des islamistes et des séparatistes.
Pékin affirme que les camps sont des centres de formation professionnelle destinés à les éloigner de la radicalisation.
Un argument qui constitue une "lugubre analogie avec la propagande nazie à Dachau", l'un des principaux camps de concentration de l'Allemagne hitlérienne, s'est insurgé Vincent Ledoux (majorité présidentielle).
Le patron des députés LREM Christophe Castaner a dénoncé le sort de "millions" de personnes "réduites à une condition d'esclavagisme".
La résolution relève que plusieurs pays ont déjà "officialisé leur reconnaissance du génocide des Ouïghours" par Chine. Le gouvernement américain, les parlements britannique, néerlandais et canadien, ont condamné des "crimes contre l’humanité" ainsi qu’un "génocide", et des procédures identiques sont engagées dans d'autres pays occidentaux, souligne le texte.
Amnesty International a appelé mercredi la communauté internationale à ne pas laisser la Chine utiliser ses Jeux d'hiver (4-20 fév) pour détourner l'attention de ses violations des droits humains, au Xinjiang.
AFP
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