©Photo d'illustration. (Licence Creative Commons)
Vingt ans après sa mort, le Français Pierre Bourdieu est devenu un classique de la sociologie occidentale qu'il a enrichie de son approche critique, tout en restant un auteur polémique dont l'oeuvre continue d'être publiée et sujet de controverse.
"Quand on voit le nombre de rééditions de ses livres, achetés par des étudiants bien sûr mais pas seulement, ou les milliers d'exemplaires du gros volume qu'était le +Dictionnaire international Bourdieu+ l'année dernière, on comprend qu'il est devenu un classique", souligne Frédéric Sawicki, professeur de sociologie politique à l'université Paris 1.
"L'aspect critique de sa sociologie est toujours très pertinent: la dénonciation des rapports de domination, la prépondérance des méthodes néolibérales, la critique des médias, des sondages", ajoute-t-il. Il relève "l'utilité du concept de violence symbolique, quand on analyse les déclarations chocs d'Emmanuel Macron tout au long de son quinquennat, ou la dureté de l'administration au quotidien".
Julie Pagis, sociologue au CNRS, le centre français de la recherche scientifique, qui "rêvai(t) de faire sa thèse avec Pierre Bourdieu", l'a vu quand a ressurgi sur Twitter mi-janvier une vidéo de 2018 où elle posait une question provocante: "Faut-il avoir des c... pour se sentir profondément bourdieusien?" Ou comme elle l'a reformulée: "Est-ce qu'il y a une réception particulièrement masculine de la sociologie de Bourdieu?"
"J'ai lu les réactions, qui étaient intéressantes. Elles montrent que le débat reste vif" autour de cette figure tutélaire des sciences sociales françaises, dit-elle à l'AFP.
Il n'a jamais cessé de l'être, depuis le livre qui a propulsé Bourdieu parmi les sociologues les plus importants de son siècle, "Les Héritiers" (1964), critique scientifique radicale des ratés de la méritocratie à la française, jusqu'à un autre considéré comme moins réussi, "La Domination masculine" (1998).
En 2022, Bourdieu continue d'être publié.
Vendredi sort en France "Microcosmes" (éditions Raisons d'agir), le livre sur la "théorie des champs", en chantier à sa mort le 23 janvier 2002, à 71 ans. Sa lecture révèle à quel point Pierre Bourdieu considère son apport théorique à la sociologie comme un point de départ et non une fin.
"L'Intérêt au désintéressement" (éditions du Seuil), un cours au Collège de France de 1987-1989 sur les fonctionnaires, était paru une semaine auparavant, le même jour qu'une nouvelle édition augmentée du recueil "Interventions 1961-2001" (éditions Agone). Le 3 février est attendu "Retour sur la réflexivité" (éditions Ehess), avec des inédits.
Connaître ces concepts, comme l'habitus, l'hexis, le capital culturel, est un passage obligé pour tout étudiant en sciences sociales. Ils ont aussi été largement diffusés et vulgarisés, jusque dans les médias ou des œuvres littéraires.
"Sa période de gloire, c'est les années 90. +La Distinction+, aux Presses universitaires de Harvard en 1984, lance sa célébrité mondiale", selon Jean-Louis Fabiani, un de ses anciens collaborateurs aujourd'hui professeur à la Central European University de Vienne. Il le voit aujourd'hui comme "une référence toujours importante, comme je le constate avec mes étudiants qui viennent de dizaines de pays différents".
"Il est l'un des deux ou trois sociologues les plus cités au monde. Il l'est moins souvent aujourd'hui où la sociologie a beaucoup changé, avec l'essor du néo-marxisme et surtout des +studies+" (études de genre, postcoloniales, culturelles, etc.), commente-t-il.
Pierre Bourdieu n'avait pas pu anticiper la montée de ces approches, quasi absentes du débat en France il y a 20 ans.
"C'est très dur d'être bourdieusien dans le contexte actuel. On se retrouve vite dénoncé comme islamo-gauchiste. Et d'un autre côté, même si chez les jeunes générations, l'envie existe de faire dialoguer certains outils de Bourdieu avec les études de genre par exemple, ce travail est long et complexe", estime Julie Pagis.
Pour autant, selon Frédéric Sawicki, "il garde un prestige qui n'est pas donné à beaucoup d'autres chercheurs. Sur la culture, l'école, les élites sociales, la production intellectuelle, des thématiques encore très présentes dans le débat, et pas seulement académique, la plupart de ses textes n'ont pas vieilli".
"Quand on voit le nombre de rééditions de ses livres, achetés par des étudiants bien sûr mais pas seulement, ou les milliers d'exemplaires du gros volume qu'était le +Dictionnaire international Bourdieu+ l'année dernière, on comprend qu'il est devenu un classique", souligne Frédéric Sawicki, professeur de sociologie politique à l'université Paris 1.
"L'aspect critique de sa sociologie est toujours très pertinent: la dénonciation des rapports de domination, la prépondérance des méthodes néolibérales, la critique des médias, des sondages", ajoute-t-il. Il relève "l'utilité du concept de violence symbolique, quand on analyse les déclarations chocs d'Emmanuel Macron tout au long de son quinquennat, ou la dureté de l'administration au quotidien".
Julie Pagis, sociologue au CNRS, le centre français de la recherche scientifique, qui "rêvai(t) de faire sa thèse avec Pierre Bourdieu", l'a vu quand a ressurgi sur Twitter mi-janvier une vidéo de 2018 où elle posait une question provocante: "Faut-il avoir des c... pour se sentir profondément bourdieusien?" Ou comme elle l'a reformulée: "Est-ce qu'il y a une réception particulièrement masculine de la sociologie de Bourdieu?"
"J'ai lu les réactions, qui étaient intéressantes. Elles montrent que le débat reste vif" autour de cette figure tutélaire des sciences sociales françaises, dit-elle à l'AFP.
Il n'a jamais cessé de l'être, depuis le livre qui a propulsé Bourdieu parmi les sociologues les plus importants de son siècle, "Les Héritiers" (1964), critique scientifique radicale des ratés de la méritocratie à la française, jusqu'à un autre considéré comme moins réussi, "La Domination masculine" (1998).
En 2022, Bourdieu continue d'être publié.
Vendredi sort en France "Microcosmes" (éditions Raisons d'agir), le livre sur la "théorie des champs", en chantier à sa mort le 23 janvier 2002, à 71 ans. Sa lecture révèle à quel point Pierre Bourdieu considère son apport théorique à la sociologie comme un point de départ et non une fin.
Concepts vulgarisés
"L'Intérêt au désintéressement" (éditions du Seuil), un cours au Collège de France de 1987-1989 sur les fonctionnaires, était paru une semaine auparavant, le même jour qu'une nouvelle édition augmentée du recueil "Interventions 1961-2001" (éditions Agone). Le 3 février est attendu "Retour sur la réflexivité" (éditions Ehess), avec des inédits.
Connaître ces concepts, comme l'habitus, l'hexis, le capital culturel, est un passage obligé pour tout étudiant en sciences sociales. Ils ont aussi été largement diffusés et vulgarisés, jusque dans les médias ou des œuvres littéraires.
"Sa période de gloire, c'est les années 90. +La Distinction+, aux Presses universitaires de Harvard en 1984, lance sa célébrité mondiale", selon Jean-Louis Fabiani, un de ses anciens collaborateurs aujourd'hui professeur à la Central European University de Vienne. Il le voit aujourd'hui comme "une référence toujours importante, comme je le constate avec mes étudiants qui viennent de dizaines de pays différents".
"Il est l'un des deux ou trois sociologues les plus cités au monde. Il l'est moins souvent aujourd'hui où la sociologie a beaucoup changé, avec l'essor du néo-marxisme et surtout des +studies+" (études de genre, postcoloniales, culturelles, etc.), commente-t-il.
Pierre Bourdieu n'avait pas pu anticiper la montée de ces approches, quasi absentes du débat en France il y a 20 ans.
"C'est très dur d'être bourdieusien dans le contexte actuel. On se retrouve vite dénoncé comme islamo-gauchiste. Et d'un autre côté, même si chez les jeunes générations, l'envie existe de faire dialoguer certains outils de Bourdieu avec les études de genre par exemple, ce travail est long et complexe", estime Julie Pagis.
Pour autant, selon Frédéric Sawicki, "il garde un prestige qui n'est pas donné à beaucoup d'autres chercheurs. Sur la culture, l'école, les élites sociales, la production intellectuelle, des thématiques encore très présentes dans le débat, et pas seulement académique, la plupart de ses textes n'ont pas vieilli".
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