©(Photo by Lionel BONAVENTURE / AFP)
Tous les cinq ans, la vigilance est plus intense, la menace plus prégnante: les services de l’État sont en alerte, à trois mois de l'élection présidentielle, sur les risques d'interférence étrangère via les réseaux sociaux ou une cyberattaque.
Campagne de désinformation, tentatives d'influence sur des communautés d'origine étrangère en France, promotion d'un agenda politique ou religieux destiné à peser sur les débats, attaque cyber contre un ministère ou un parti, pillage de données politiques, fuitage d'un projet de gouvernement ou d'un programme politique: le spectre des menaces est aussi vaste que complexe à contrer.
La menace est constante depuis des années et ne risque pas de faiblir. Mais l'approche des élections n'autorise aucune complaisance. "Les moments de démocratie sont des moments importants de manœuvre et d’orchestration pour les services de renseignement", résume Alexandre Papaemmanuel, professeur à Sciences-Po à Paris.
Il y a cinq ans déjà, la présidentielle française avait été marquée par plusieurs campagnes de désinformation et piratages. Et à Washington, on sait désormais combien l'élection de Donald Trump a été favorisée par l'activité des services russes.
Mais là réside la difficulté de ce type de menaces: "on en discute sereinement après coup", concède un membre de la communauté du renseignement. "Mais on court toujours le risque d'être en retard. Il faut être modeste". D'autant qu'il est impossible ou presque d'anticiper l'efficacité de telle ou telle campagne dans l'opinion.
Fin 2021, l’État a lancé Viginum, structure gouvernementale chargée de traquer les ingérences numériques étrangères, placée sous l'autorité du secrétariat général à la défense et la sécurité nationale (SGDSN).
Un organe voué à renforcer la coopération interservices et interministérielle sur le sujet, avec pour objectif majeur de surveiller l'activité des réseaux sociaux et de détecter "l'artificialisation d'un mot d'ordre issu de l'étranger et visant les intérêts" français, explique le haut-fonctionnaire.
Si, en 2017, les services s'étaient concentrés sur la protection de la remontée des résultats électoraux et les listes de parrainage, avec un œil tourné vers le ministère de l'Intérieur et le Conseil constitutionnel, le spectre est aujourd'hui beaucoup plus large.
Viginum doit jouer les rôles de lanceur d'alerte, de balise, en cas de mouvement suspect sur les réseaux sociaux. Il transmet ensuite aux ministères et services compétents, ce qui impose une coordination sans faille. Une qualité à laquelle ces derniers travaillent, mais qui n'est pas inscrite dans leur ADN historique.
"Le partage d'informations est quand même bien réel, mais il reste des +cultures maisons+, des bastions à défendre", estime Julien Nocetti, chercheur à Géode, à l'université Paris VIII.
Alexandre Papaemmanuel confirme: "c’est plus compliqué à appréhender quand on a des services de renseignement qui peuvent paraître cloisonnés", constate-t-il. "Chacun détient un bout de la vérité. Comme la menace est protéiforme, c’est dans la coordination qu’il y aura un résultat. Cela impose de changer un peu la culture des uns et des autres".
Sur l'origine de la menace, les sources consultées par l'AFP évoquent à l'unisson Russie, Turquie, voire Iran. "On ne se trompe jamais avec les Russes. Tout ce qu'ils peuvent vous faire, ils le font", ironise une d'elles, en pleine tension entre les Russes et les Occidentaux autour de l'Ukraine.
"Les Turcs sont extrêmement actifs, convaincus que la France est le pays de la persécution des musulmans. Ils n'aiment vraiment pas Macron", estime-t-elle par ailleurs, prêtant à certains cercles de pouvoir à Ankara et à leurs soutiens de vouloir structurer la communauté turque en France autour d'une force politique musulmane.
Quant à la Chine, c'est une puissance planétaire majeure en matière de cyberattaques qui le démontre constamment, notamment à Taïwan. Mais pour Paul Charon, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM), "au vu de leurs moyens et surtout de l'agenda politique interne -le congrès du Parti communiste chinois à l'automne 2022, ndlr- une ingérence de la Chine dans la campagne est peu probable".
En pleine présidence française de l'Union européenne, "la France reste en Europe un pays modéré vis-à-vis de la Chine, sur laquelle celle-ci peut vouloir s'appuyer".
Reste le terreau national lui-même, qui suscite aussi quelques inquiétudes. Une source sécuritaire évoque ainsi le risque d'infiltrations étrangères des réseaux complotistes, antivax ou d'extrême-droite actifs dans l'hexagone.
"Les acteurs comme la Russie ne créent pas la propagande mais exploitent des situations d'incertitudes et de doutes", relève à cet égard Julien Nocetti. Et de ce point de vue, "Le contexte national est plus polarisé, avec une forme de fragmentation du débat, voire d'hystérisation. Par dessus, la pandémie a rajouté un degré d'incertitudes. Ce contexte peut être facilement exploité à des fins politiques".
Campagne de désinformation, tentatives d'influence sur des communautés d'origine étrangère en France, promotion d'un agenda politique ou religieux destiné à peser sur les débats, attaque cyber contre un ministère ou un parti, pillage de données politiques, fuitage d'un projet de gouvernement ou d'un programme politique: le spectre des menaces est aussi vaste que complexe à contrer.
La menace est constante depuis des années et ne risque pas de faiblir. Mais l'approche des élections n'autorise aucune complaisance. "Les moments de démocratie sont des moments importants de manœuvre et d’orchestration pour les services de renseignement", résume Alexandre Papaemmanuel, professeur à Sciences-Po à Paris.
Il y a cinq ans déjà, la présidentielle française avait été marquée par plusieurs campagnes de désinformation et piratages. Et à Washington, on sait désormais combien l'élection de Donald Trump a été favorisée par l'activité des services russes.
Mais là réside la difficulté de ce type de menaces: "on en discute sereinement après coup", concède un membre de la communauté du renseignement. "Mais on court toujours le risque d'être en retard. Il faut être modeste". D'autant qu'il est impossible ou presque d'anticiper l'efficacité de telle ou telle campagne dans l'opinion.
Fin 2021, l’État a lancé Viginum, structure gouvernementale chargée de traquer les ingérences numériques étrangères, placée sous l'autorité du secrétariat général à la défense et la sécurité nationale (SGDSN).
Un organe voué à renforcer la coopération interservices et interministérielle sur le sujet, avec pour objectif majeur de surveiller l'activité des réseaux sociaux et de détecter "l'artificialisation d'un mot d'ordre issu de l'étranger et visant les intérêts" français, explique le haut-fonctionnaire.
Si, en 2017, les services s'étaient concentrés sur la protection de la remontée des résultats électoraux et les listes de parrainage, avec un œil tourné vers le ministère de l'Intérieur et le Conseil constitutionnel, le spectre est aujourd'hui beaucoup plus large.
Des services "cloisonnés"
Viginum doit jouer les rôles de lanceur d'alerte, de balise, en cas de mouvement suspect sur les réseaux sociaux. Il transmet ensuite aux ministères et services compétents, ce qui impose une coordination sans faille. Une qualité à laquelle ces derniers travaillent, mais qui n'est pas inscrite dans leur ADN historique.
"Le partage d'informations est quand même bien réel, mais il reste des +cultures maisons+, des bastions à défendre", estime Julien Nocetti, chercheur à Géode, à l'université Paris VIII.
Alexandre Papaemmanuel confirme: "c’est plus compliqué à appréhender quand on a des services de renseignement qui peuvent paraître cloisonnés", constate-t-il. "Chacun détient un bout de la vérité. Comme la menace est protéiforme, c’est dans la coordination qu’il y aura un résultat. Cela impose de changer un peu la culture des uns et des autres".
Sur l'origine de la menace, les sources consultées par l'AFP évoquent à l'unisson Russie, Turquie, voire Iran. "On ne se trompe jamais avec les Russes. Tout ce qu'ils peuvent vous faire, ils le font", ironise une d'elles, en pleine tension entre les Russes et les Occidentaux autour de l'Ukraine.
"Les Turcs sont extrêmement actifs, convaincus que la France est le pays de la persécution des musulmans. Ils n'aiment vraiment pas Macron", estime-t-elle par ailleurs, prêtant à certains cercles de pouvoir à Ankara et à leurs soutiens de vouloir structurer la communauté turque en France autour d'une force politique musulmane.
Quant à la Chine, c'est une puissance planétaire majeure en matière de cyberattaques qui le démontre constamment, notamment à Taïwan. Mais pour Paul Charon, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM), "au vu de leurs moyens et surtout de l'agenda politique interne -le congrès du Parti communiste chinois à l'automne 2022, ndlr- une ingérence de la Chine dans la campagne est peu probable".
En pleine présidence française de l'Union européenne, "la France reste en Europe un pays modéré vis-à-vis de la Chine, sur laquelle celle-ci peut vouloir s'appuyer".
Reste le terreau national lui-même, qui suscite aussi quelques inquiétudes. Une source sécuritaire évoque ainsi le risque d'infiltrations étrangères des réseaux complotistes, antivax ou d'extrême-droite actifs dans l'hexagone.
"Les acteurs comme la Russie ne créent pas la propagande mais exploitent des situations d'incertitudes et de doutes", relève à cet égard Julien Nocetti. Et de ce point de vue, "Le contexte national est plus polarisé, avec une forme de fragmentation du débat, voire d'hystérisation. Par dessus, la pandémie a rajouté un degré d'incertitudes. Ce contexte peut être facilement exploité à des fins politiques".
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