- Accueil
- Guerre au Moyen-Orient
- Palestine: ni pauses ni trêves ne portent bonheur!
Ben Gourion n’avait pas manqué de dire que les Arabes avaient eu tort d’accepter une trêve d’un mois en juin 1948. Pour lui, «les trente jours de répit que le cessez-le-feu offrait à son pays assiégé ressemblaient à un rêve doré». Un rapport envoyé de Tchécoslovaquie… l’attendait sur son bureau. Une troisième cargaison d’armes était sur le point d’être expédiée d’un port yougoslave. Les Tchèques avaient accepté d’entraîner des pilotes, des parachutistes, des équipages de char. Des avions pouvant effectuer sans escale le trajet Prague-Tel-Aviv venaient même d’arriver sur l’aérodrome tchèque de Zatec»1.
Rappelons qu’en pleine guerre de Palestine, et jusqu’à la mi-juin, les armées arabes étaient à l’offensive sur tous les fronts, même si elles n’arrivaient pas à opérer une percée de taille dans le dispositif défensif israélien, ni à remporter une victoire décisive. Mais, au moins, et jusque-là, elles avaient grosso modo l’initiative des opérations. Cependant, les divers belligérants étaient épuisés, et vite fait, ils acceptèrent, à la requête du médiateur de l’ONU, l’arrêt des combats pour une période d’un mois. Au bout de cette période, les Israéliens s’étaient autrement mieux renforcés que leurs ennemis, en mobilisant leur population civile et en se pourvoyant d’armes et de matériel en Europe de l’Est2.
Une "pause humanitaire" qui se transformerait en cessez-le-feu permanent (Josep LAGO / AFP / Barcelone)
Refuser de jouer le jeu?
Mais, pour ce qui est de Gaza qui profitait à la fin du mois de novembre dernier d’une «pause humanitaire», Josep Borrell3 croyait pouvoir déclarer que l’arrêt des combats devait évoluer vers un cessez-le-feu permanent. Il se faisait des illusions. Même «le Hamas, qui avait besoin de prolonger la trêve, allait refuser d’en payer le prix», titrait le quotidien Haaretz4. D’après Amos Harel, c’est l’obstination de l’organisation palestinienne qui a empêché que la pause ne se maintînt: des femmes otages allaient être échangées contre des détenus palestiniens et, par conséquent, les armes allaient se taire un jour supplémentaire, mais Hamas a voulu changer les règles du jeu… d’où la reprise de l’offensive israélienne.
Alors, c’est à se demander si le Hamas n’avait pas assimilé l’idée que toute cessation des hostilités faisait le jeu de l’État hébreu et de ses visées hégémoniques.
L’argument palestinien et quelques exemples
La guerre de Palestine perdue en 1948, les pays limitrophes signèrent un à un des conventions d’armistice avec le nouvel État d’Israël, désormais reconnu par les Nations unies. Une paix relative aux frontières, donc, mais en fait un calme précédant les tempêtes! Passons l’incursion dans le Sinaï de 1956 et attachons-nous à évaluer les conséquences de la «mère des défaites» arabes, celle de la Naksa de 1967, et de la réaction syro-égyptienne d’octobre 1973. Sauf pour l’Égypte, et hormis Gaza d’où Sharon finit par se retirer en 2004 avec quelque huit mille colons, les limites des conquêtes israéliennes de 1967 sont toujours d’actualité et leur occupation en vigueur. Et, ce ne sont ni les cessez-le-feu ni les trêves qui ont pu mettre un frein à la progression de la colonisation israélienne. Ce ne sont pas les accords de désengagement signés en 1974 avec Hafez al-Assad, après la guerre du Kippour, encore moins la réprobation des Nations unies et de l’opinion mondiale de l’époque, qui empêchèrent Israël d’annexer le Golan en 1981. En Cisjordanie, ce n’est pas le cessez-le-feu israélo-jordanien qui, ayant pris effet le 7 juin 1967, allait contrecarrer ladite progression de la colonisation en «Judée et Samarie»5, ni entraver leur mainmise sur Jérusalem-Est.
Alors, faut-il croire que, sur le court comme sur le long terme, les armistices, trêves, cessez-le-feu et «pauses humanitaires» ont toujours servi les intérêts d’Israël et de sa politique expansionniste? Et que peut-être seules les hostilités déclarées et les horreurs étalées auraient des chances de faire entendre «l’argument palestinien»? Mais, que vaudrait cet argument s’il n’était monopolisé que par le Hamas, cette organisation issue des Frères musulmans?
[email protected]
1- Dominique Lapierre et Larry Collins, O Jérusalem, Robert Laffont, 1971, p. 562-3
2-Henry Laurens, La Question de Palestine, Tome Troisième, Presses de l’Université Saint-Joseph, 2008, pp. 125-132
3-Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité.
4-Amos Harel, Hamas Needed to Prolong the Ceasefire, but Refused to Pay the Price, Haaretz, 3 décembre 2023.
5-Les colons juifs y font désormais à peu près cinq cent mille sur trois millions de Palestiniens.
Rappelons qu’en pleine guerre de Palestine, et jusqu’à la mi-juin, les armées arabes étaient à l’offensive sur tous les fronts, même si elles n’arrivaient pas à opérer une percée de taille dans le dispositif défensif israélien, ni à remporter une victoire décisive. Mais, au moins, et jusque-là, elles avaient grosso modo l’initiative des opérations. Cependant, les divers belligérants étaient épuisés, et vite fait, ils acceptèrent, à la requête du médiateur de l’ONU, l’arrêt des combats pour une période d’un mois. Au bout de cette période, les Israéliens s’étaient autrement mieux renforcés que leurs ennemis, en mobilisant leur population civile et en se pourvoyant d’armes et de matériel en Europe de l’Est2.
Une "pause humanitaire" qui se transformerait en cessez-le-feu permanent (Josep LAGO / AFP / Barcelone)
Refuser de jouer le jeu?
Mais, pour ce qui est de Gaza qui profitait à la fin du mois de novembre dernier d’une «pause humanitaire», Josep Borrell3 croyait pouvoir déclarer que l’arrêt des combats devait évoluer vers un cessez-le-feu permanent. Il se faisait des illusions. Même «le Hamas, qui avait besoin de prolonger la trêve, allait refuser d’en payer le prix», titrait le quotidien Haaretz4. D’après Amos Harel, c’est l’obstination de l’organisation palestinienne qui a empêché que la pause ne se maintînt: des femmes otages allaient être échangées contre des détenus palestiniens et, par conséquent, les armes allaient se taire un jour supplémentaire, mais Hamas a voulu changer les règles du jeu… d’où la reprise de l’offensive israélienne.
Alors, c’est à se demander si le Hamas n’avait pas assimilé l’idée que toute cessation des hostilités faisait le jeu de l’État hébreu et de ses visées hégémoniques.
L’argument palestinien et quelques exemples
La guerre de Palestine perdue en 1948, les pays limitrophes signèrent un à un des conventions d’armistice avec le nouvel État d’Israël, désormais reconnu par les Nations unies. Une paix relative aux frontières, donc, mais en fait un calme précédant les tempêtes! Passons l’incursion dans le Sinaï de 1956 et attachons-nous à évaluer les conséquences de la «mère des défaites» arabes, celle de la Naksa de 1967, et de la réaction syro-égyptienne d’octobre 1973. Sauf pour l’Égypte, et hormis Gaza d’où Sharon finit par se retirer en 2004 avec quelque huit mille colons, les limites des conquêtes israéliennes de 1967 sont toujours d’actualité et leur occupation en vigueur. Et, ce ne sont ni les cessez-le-feu ni les trêves qui ont pu mettre un frein à la progression de la colonisation israélienne. Ce ne sont pas les accords de désengagement signés en 1974 avec Hafez al-Assad, après la guerre du Kippour, encore moins la réprobation des Nations unies et de l’opinion mondiale de l’époque, qui empêchèrent Israël d’annexer le Golan en 1981. En Cisjordanie, ce n’est pas le cessez-le-feu israélo-jordanien qui, ayant pris effet le 7 juin 1967, allait contrecarrer ladite progression de la colonisation en «Judée et Samarie»5, ni entraver leur mainmise sur Jérusalem-Est.
Alors, faut-il croire que, sur le court comme sur le long terme, les armistices, trêves, cessez-le-feu et «pauses humanitaires» ont toujours servi les intérêts d’Israël et de sa politique expansionniste? Et que peut-être seules les hostilités déclarées et les horreurs étalées auraient des chances de faire entendre «l’argument palestinien»? Mais, que vaudrait cet argument s’il n’était monopolisé que par le Hamas, cette organisation issue des Frères musulmans?
[email protected]
1- Dominique Lapierre et Larry Collins, O Jérusalem, Robert Laffont, 1971, p. 562-3
2-Henry Laurens, La Question de Palestine, Tome Troisième, Presses de l’Université Saint-Joseph, 2008, pp. 125-132
3-Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité.
4-Amos Harel, Hamas Needed to Prolong the Ceasefire, but Refused to Pay the Price, Haaretz, 3 décembre 2023.
5-Les colons juifs y font désormais à peu près cinq cent mille sur trois millions de Palestiniens.
Lire aussi
Commentaires