Fondé par le père recteur Salim Daccache en 2015, le chœur de l’USJ a présenté son concert Contes et Mélodies le 23 novembre 2023 à l’église Saint-Élie, Kantari, regroupant ami.e.s et mécènes. La partie principale se composait de pièces sélectionnées du répertoire de Francis Poulenc, de Maurice Ravel et de Claude Debussy. Ici Beyrouth a rencontré la cheffe du chœur, Yasmina Sabbah.
En 2015, le révérend père recteur Salim Daccache fonde le chœur de l’Université Saint-Joseph (USJ) des Jésuites, qui regroupe également l’Ensemble vocal baroque de l’USJ, spécialisé dans la musique ancienne. Rapidement, le chœur se distingue par ses interprétations musicales subtiles et par l’intérêt qu’il voue aux nuances et à l’articulation. Yasmina Sabbah, diplômée de l’Université de Cambridge et l’une des rares femmes cheffes d’orchestre et de chœur, dirige le chœur avec sa baguette et sa présence magiques, mais surtout avec une virtuosité exceptionnelle. Contes et Mélodies, le dernier concert donné par le chœur de l’USJ, le 23 novembre 2023 à l’église Saint-Élie, Kantari, a regroupé ami.e.s et mécènes. La partie principale se composait de pièces sélectionnées du répertoire de Francis Poulenc, de Maurice Ravel et de Claude Debussy.
Poulenc a été influencé par le style néoclassique, ce qui est manifeste dans certaines de ses compositions. En général, ses pièces sont expressives, souvent avec un fort contraste entre des passages lyriques et des moments plus agressifs ou rythmiques. Maurice Ravel est considéré comme la figure la plus influente de l’impressionnisme français musical sur le plan de la composition et de l’orchestration, notamment au niveau international. Son œuvre est le fruit de diverses influences dont celle omniprésente de l’Espagne. La plupart de ses pièces ont intégré le répertoire du concert. Elles sont raffinées, élégantes et empreintes de son travail d’artisan perfectionniste. Ravel a été influencé par des poètes comme Charles Baudelaire, Edgar Allan Poe, Villiers de L’Isle-Adam et Stéphane Mallarmé. Il a souvent utilisé des structures formelles complexes et des harmonies audacieuses, qui ont conféré à ses compositions un caractère unique.
Claude Debussy est l’un des compositeurs majeurs du XXe siècle. C'est une pianiste virtuose, la belle-mère de Verlaine, qui le remarque et le prépare à entrer au conservatoire de Paris. Il compose ses premières mélodies sur des textes d’Alfred de Musset. Après sa rencontre avec les poètes symbolistes Stéphane Mallarmé et Maurice Maeterlinck, il s’éloigne du wagnérisme qui a marqué le début de son parcours et se voit attribuer le titre de père de l’impressionnisme français en musique, même s’il le récuse. Les pièces de Debussy sont souvent décrites comme évocatrices, explorant des textures sonores et des couleurs harmoniques nouvelles et innovantes. Il a également développé une approche musicale plus libre et moins dépendante des formes traditionnelles.
Pour apporter des éclaircissements sur le concert et les interprétations du chœur, Ici Beyrouth a rencontré la cheffe du chœur de l’USJ, Yasmina Sabbah.
Votre approche musicale fusionne souvent différents styles, ce qui peut susciter des débats. Quel est l'objectif de cette démarche?
Nous sommes passionnés par l’exploration de répertoires uniques, audacieux et originaux, centrés sur la musique «crossover» contemporaine. La musique «crossover», ou «fusion», conjugue divers styles et cultures, créant des expériences musicales uniques et innovantes. Elle transcende les frontières, forgeant des liens entre différentes traditions musicales et attirant ainsi un public plus large. Cette approche favorise la créativité, les collaborations artistiques, et suscite de nouvelles idées sortant de l’ordinaire. La musique devient un outil puissant pour rapprocher les cultures, favoriser la compréhension mutuelle et promouvoir la paix. Néanmoins, nous interprétons aussi des œuvres classiques, telles que la Missa Solemnis de Beethoven, Le Messie de Haendel, ou encore le Requiem de Mozart.
Votre concert Contes et Mélodies a présenté deux genres musicaux très différents. Pouvez-vous nous en parler?
Effectivement. Ce n’était pas l’un de nos concerts majeurs, mais un événement privé, pour lequel nous avons fait une exception. La première partie était consacrée à la musique classique française du début du vingtième siècle, avec des œuvres de Poulenc, Ravel et Debussy. Après l’entracte, nous avons interprété des succès de la musique pop américaine, notamment The Longest Time de Billy Joël, Yesterday de John Lennon et Paul McCartney, Crazy Little Thing de Freddie Mercury, Take a Chance on Me de Benny Anderson et Bjorn Ulvaeus, et I Say a Little Prayer for You de Burt Bacharach et Hal David.
Selon quels critères choisissez-vous des morceaux a priori divergents pour les présenter dans le même concert? Quelle est votre démarche pour votre prochain concert dédié à l’Inde?
Pour sélectionner des morceaux apparemment divergents dans nos concerts, nous suivons une méthodologie spécifique. Chaque année, nous organisons trois concerts distincts: un dédié à la musique classique, un autre à la musique pop moderne, et le troisième à la musique fusion. Pour notre prochain concert, axé sur l’Inde, nous avons centré notre répertoire autour d’un instrument spécifique, le sitar.
Nous avons découvert l’œuvre This Love Between Us de Reena Esmail, qui célèbre l’unité. Cette pièce est composée de sept mouvements, chacun représentant les paroles des sept grandes traditions religieuses de l’Inde, notamment le bouddhisme, le sikhisme, le christianisme, le zoroastrisme, l’hindouisme, le jaïnisme et l’islam. Ces mouvements illustrent comment chaque tradition envisage l’unité, la fraternité et la bienveillance. Le texte est chanté en anglais et dans la langue originale de chaque tradition. Chaque mouvement fusionne des éléments des styles classiques, indiens et occidentaux, allant du style baroque dans le mouvement chrétien au style Hindustani vilambit bandish dans le mouvement zoroastrien, avec les autres mouvements mêlant ces cultures musicales.
L’année précédente, nous avions choisi African Sanctus, une œuvre axée sur la percussion et les rythmes de la tradition africaine. Nous cherchons à explorer la culture derrière chaque style musical, un peu comme une chenille se transformant en chrysalide. Les pièces classiques connues étant souvent réinterprétées, nous trouvons essentiel de mettre en avant la musique contemporaine, véritable avenir de la musique.
Le chœur de l’USJ a été fondé par le père recteur Salim Daccache en 2015. Racontez-nous comment vous êtes devenue la cheffe de ce chœur.
La chance m’a souri lorsque j’ai terminé mes études avec un master en direction d’orchestre de l’Université de Cambridge au Royaume-Uni. J’ai contacté l’USJ pour proposer la création d’un chœur, ce qui coïncidait avec les plans du révérend père recteur. Ma candidature est arrivée au bon moment. Après une série d’entretiens et d’essais sur une année, sous la supervision de l’ex-secrétaire général M. Fouad Maroun, j’ai obtenu le poste. Je suis profondément reconnaissante envers le père Daccache pour sa confiance en moi, alors que j’étais encore jeune. Sa confiance et son soutien indéfectible au chœur ont grandement contribué à notre évolution rapide et à la réalisation de concerts mémorables.
Le concert du chœur de l’USJ, La Missa Solemnis de Beethoven, à l’Assembly Hall en est un.
Cette pièce est l’une des plus difficiles jamais écrites, et nous sommes très fiers, en tant que chœur de l’USJ, d’avoir relevé ce défi. Un documentaire informatif sur notre concert a été réalisé et la maison d’édition allemande Carus-Verlag a tellement apprécié notre interprétation qu’elle l’a désignée comme version de référence sur son site. Il suffit de rechercher «La Missa Solemnis» de Beethoven sur le site de Carus Verlag pour trouver notre version – une belle reconnaissance.
Le chœur de l’USJ est formé de 70 membres qui viennent de tous les horizons et de tous les âges et qui sont au départ des amateurs et des amatrices.
Le chœur de l’USJ est accessible à la communauté, mais l’entrée est soumise à une audition. Bien qu’il n’y ait pas de restrictions préalables spécifiques, les candidats doivent posséder un niveau musical élevé, incluant des compétences en technique vocale, en lecture de notes et une expérience musicale antérieure, pour réussir l’audition. Les critères de sélection sont devenus de plus en plus rigoureux avec le temps. Actuellement, il est assez difficile de rejoindre le chœur de l’USJ, en raison du nombre limité de places disponibles.
Ce qui est frappant et absolument magnifique, c’est la présence de toutes les confessions dans le chœur de l’USJ.
Notre chœur est ouvert à tous, indépendamment des confessions. L’essentiel réside dans les liens basés sur le respect, la tolérance, l’ouverture et l’interprétation indispensable de chants sacrés en église. Notre chœur rassemble également des personnes de pays européens tels que la France et l’Italie, et même de l’Iran. Ceci est dû aux échanges d’étudiants universitaires, ainsi qu’à la présence d’employés d’ambassades et de fonctionnaires de l’ONU parmi nous. Cette diversité confère à notre chœur une dimension multiculturelle, multiconfessionnelle et internationale, que nous valorisons grandement.
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