Le dimanche 10 décembre, dans le cadre du festival Beirut Chants, les voix chaleureuses du Chœur orthodoxe Saint Romanos le Mélode de Beyrouth se sont élevées dans la prière, chantant avec ferveur la naissance divine dans un bouquet de chants fidèles à la tradition monodique modale levantine de l'Église rûm orthodoxe.
«La Vierge aujourd'hui met au monde l'Éternel». Par ces mots, imprégnés de la sève même de la foi chrétienne, Saint Romanos le Mélode (sixième siècle) célèbre, dans son Hymne de la Nativité, le miracle de la naissance de Jésus-Christ. En cette période troublée, où l'humanité s’enfonce dans le chaos, les regards convergent avec fascination vers la grotte sacrée. D’un berceau immergé dans une obscurité nocturne, la lumière de la connaissance jaillit, révélant le petit Enfant comme Dieu éternel, émergeant des entrailles mêmes de la terre. L’Inaccessible devient ainsi l’incarnation palpable d'une union ineffable entre le céleste et le terrestre. La descente divine du Tout-Puissant jusqu'aux confins d’une humanité déchue, allant jusqu’au sacrifice ultime, dévoile une ascension à rebours qui s’ouvre aux hommes, une invitation magnanime à la créature à gravir les échelons célestes et à s’unir avec la Divinité elle-même.
Le dimanche 10 décembre, en la majestueuse cathédrale orthodoxe Saint-Georges du centre-ville, et dans le cadre du festival Beirut Chants, le Chœur orthodoxe Saint Romanos le Mélode de Beyrouth a uni les voix et les cœurs, élevant les louanges au Fils de l’homme qui a délibérément embrassé notre condition humaine pour le salut de l'humanité. À travers un florilège de chants mélismatiques orthodoxes, répartis sur les huit modes de l'octoechos mis au point par Saint Jean Damascène, le chœur a su magnifier les paroles sacrées, insufflant vie et réalité à la proclamation sublime de Siméon dans le Temple: «Mes yeux ont vu Ton salut, que Tu as préparé à la face de tous les peuples». Cette chorale hétéroclite se compose principalement d'un noyau central, dense et compact, formé de voix masculines qui se distribuent entre basses et barytons. À ce socle de voix viriles, se superpose un autre ensemble, celui des altos et des mezzo-sopranos, insufflant une dimension féminine, assez singulière, à cet ensemble vocal a capella.
Le père Romanos Joubran
Le récital s’ouvre sur le Tropaire de Noël, mis en musique sur le quatrième mode par l'archonte protopsalte tripolitain Mitri al-Murr (1880-1969). À cet éminent maître revient la paternité (en termes d’adaptation de mélodies en grec vers l’arabe ou de compositions originales) de la plupart des mélodies de cette soirée, ainsi que, de manière plus étendue, de la musique ecclésiastique rûm orthodoxe. À cet égard, il convient de souligner que ce dernier s'est consacré, tout au long de sa carrière et avec une fidélité exemplaire, à préserver les caractéristiques inhérentes aux traditions musicales levantines de l’Église orthodoxe, écartant toute influence moderniste occidentale de cette musique régulée par la grammaire monodique modale générative. Il est triste de constater que certaines chorales orthodoxes au Liban, ou plus généralement au Levant, s'adonnent à cœur joie à une occidentalisation délibérée de cette musique levantine, conduisant ainsi à l'annihilation des caractéristiques inhérentes à celle-ci. Ces choix déplorables constituent indéniablement une forme de mutilation culturelle. Le Chœur orthodoxe Saint Romanos le Mélode de Beyrouth reste, quant à lui, fidèle à l'héritage légué par Mitri al-Murr.
Le père Romanos Joubran et son chœur
La soirée se poursuit avec les catavasies de Noël (strophes chantées à la fin de chaque ode des matines), issues des première, troisième, quatrième, sixième et huitième odes du Canon de Noël écrit par Saint Cosmas de Jérusalem (huitième siècle). Imprégnés de l'Écriture et de la doctrine des Pères de l'Église, les textes de cet hymnographe mettant en valeur un contenu théologique dense. Insufflant une vie constante à la tension musicale et une limpidité à l’élocution, le chef de l'ensemble, le père Romanos Joubran, fait montre d’une admirable science du tempo et de la direction. Du côté du chœur, la diction est parfaitement intelligible et soigneusement articulée. Cette série de strophes est suivie de trois œuvres musicales religieuses emblématiques: le majestueux mégalinaire sur le premier mode, c’est-à-dire le refrain chanté entre les tropaires de la neuvième ode des matines, intitulé «Magnifie, Ô mon âme» et sa catavasie; le premier cathisme des matines de Noël sur le quatrième mode, intitulé «Venez, fidèles»; et le deuxième polyéléos sur le cinquième mode, qui correspond au psaume 135.
Les choristes, notamment masculins, arborent une voix chaleureuse, soutenue par un ison homogène et bien soutenu qui emplit la totalité de l’enceinte sacrée. Les voix féminines, quant à elles, infusent une certaine douceur à l’ensemble et font preuve d’une belle énergie et d’une appréciable contribution. Toutefois, elles demeurent perfectibles, manifestant une fébrilité notable dans les aigus et des relâchements multiples de l’intonation. Une gamme de chants, hymnes et versets chantés s'enchaînent tout au long de cette première partie du récital qui atteint son apogée avec le magnifique verset extrait de l'épître de saint Paul aux Galates: «Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ» (Galates 3:27), interprété en arabe et en grec selon le premier mode. Le chœur s’impose avec prestance par son homogénéité, sa longueur de souffle et ce délectable crescendo-decrescendo empreint d’une douceur mélancolique. Tous les accents sont sculptés avec une précision d’orfèvre, révélant, bien au-delà du cadre musical, l'essence même de la dévotion.
La cathédrale orthodoxe Saint-Georges à Beyrouth
La deuxième partie du récital est dominée par le premier mode qui subjugue par son caractère solennel et méditatif. Le chœur d’hommes interprète ainsi deux chefs-d’œuvre de l’art musical orthodoxe, signés par le génie du protopsalte du Patriarcat œcuménique de Constantinople, Petros Bereketis (entre le dix-septième et le dix-huitième siècles): Le Christ naît aujourd'hui à Bethléem et un extrait d' O Theotokos et Vierge. Ces œuvres s’étirent splendidement, donnant à entendre toute la subtilité des mélismes, la force expressive du bel canto, l’ampleur de l’ison et les miroitements d’une partition savamment lyrique qui ne tombe toutefois pas dans un sentimentalisme sirupeux. Les choristes confèrent à ces chants toute leur puissance spirituelle, faisant preuve d’une solide cohésion et d’une vigueur interprétative où l’émotion affleure par instants. Certains solistes déroulent un timbre noble et charnu, alors que d’autres, moins expérimentés, peinent à tracer une ligne mélodique constante qui devient progressivement hachée, la souplesse étant prise en défaut. Le Chœur interprète, par la suite, la fameuse prière litanique de supplication et d'invocation, le Kyrie eleison, construite selon une impressionnante architecture musicale, ourlée de cinq modes ecclésiastiques. Le récital trouve son épilogue dans la création d'un hymne de Noël, composé sur une mélodie roumaine traditionnelle.
«La Vierge aujourd'hui met au monde l'Éternel». Par ces mots, imprégnés de la sève même de la foi chrétienne, Saint Romanos le Mélode (sixième siècle) célèbre, dans son Hymne de la Nativité, le miracle de la naissance de Jésus-Christ. En cette période troublée, où l'humanité s’enfonce dans le chaos, les regards convergent avec fascination vers la grotte sacrée. D’un berceau immergé dans une obscurité nocturne, la lumière de la connaissance jaillit, révélant le petit Enfant comme Dieu éternel, émergeant des entrailles mêmes de la terre. L’Inaccessible devient ainsi l’incarnation palpable d'une union ineffable entre le céleste et le terrestre. La descente divine du Tout-Puissant jusqu'aux confins d’une humanité déchue, allant jusqu’au sacrifice ultime, dévoile une ascension à rebours qui s’ouvre aux hommes, une invitation magnanime à la créature à gravir les échelons célestes et à s’unir avec la Divinité elle-même.
Chants mélismatiques orthodoxes
Le dimanche 10 décembre, en la majestueuse cathédrale orthodoxe Saint-Georges du centre-ville, et dans le cadre du festival Beirut Chants, le Chœur orthodoxe Saint Romanos le Mélode de Beyrouth a uni les voix et les cœurs, élevant les louanges au Fils de l’homme qui a délibérément embrassé notre condition humaine pour le salut de l'humanité. À travers un florilège de chants mélismatiques orthodoxes, répartis sur les huit modes de l'octoechos mis au point par Saint Jean Damascène, le chœur a su magnifier les paroles sacrées, insufflant vie et réalité à la proclamation sublime de Siméon dans le Temple: «Mes yeux ont vu Ton salut, que Tu as préparé à la face de tous les peuples». Cette chorale hétéroclite se compose principalement d'un noyau central, dense et compact, formé de voix masculines qui se distribuent entre basses et barytons. À ce socle de voix viriles, se superpose un autre ensemble, celui des altos et des mezzo-sopranos, insufflant une dimension féminine, assez singulière, à cet ensemble vocal a capella.
Le père Romanos Joubran
Grammaire monodique modale
Le récital s’ouvre sur le Tropaire de Noël, mis en musique sur le quatrième mode par l'archonte protopsalte tripolitain Mitri al-Murr (1880-1969). À cet éminent maître revient la paternité (en termes d’adaptation de mélodies en grec vers l’arabe ou de compositions originales) de la plupart des mélodies de cette soirée, ainsi que, de manière plus étendue, de la musique ecclésiastique rûm orthodoxe. À cet égard, il convient de souligner que ce dernier s'est consacré, tout au long de sa carrière et avec une fidélité exemplaire, à préserver les caractéristiques inhérentes aux traditions musicales levantines de l’Église orthodoxe, écartant toute influence moderniste occidentale de cette musique régulée par la grammaire monodique modale générative. Il est triste de constater que certaines chorales orthodoxes au Liban, ou plus généralement au Levant, s'adonnent à cœur joie à une occidentalisation délibérée de cette musique levantine, conduisant ainsi à l'annihilation des caractéristiques inhérentes à celle-ci. Ces choix déplorables constituent indéniablement une forme de mutilation culturelle. Le Chœur orthodoxe Saint Romanos le Mélode de Beyrouth reste, quant à lui, fidèle à l'héritage légué par Mitri al-Murr.
Le père Romanos Joubran et son chœur
Science du tempo
La soirée se poursuit avec les catavasies de Noël (strophes chantées à la fin de chaque ode des matines), issues des première, troisième, quatrième, sixième et huitième odes du Canon de Noël écrit par Saint Cosmas de Jérusalem (huitième siècle). Imprégnés de l'Écriture et de la doctrine des Pères de l'Église, les textes de cet hymnographe mettant en valeur un contenu théologique dense. Insufflant une vie constante à la tension musicale et une limpidité à l’élocution, le chef de l'ensemble, le père Romanos Joubran, fait montre d’une admirable science du tempo et de la direction. Du côté du chœur, la diction est parfaitement intelligible et soigneusement articulée. Cette série de strophes est suivie de trois œuvres musicales religieuses emblématiques: le majestueux mégalinaire sur le premier mode, c’est-à-dire le refrain chanté entre les tropaires de la neuvième ode des matines, intitulé «Magnifie, Ô mon âme» et sa catavasie; le premier cathisme des matines de Noël sur le quatrième mode, intitulé «Venez, fidèles»; et le deuxième polyéléos sur le cinquième mode, qui correspond au psaume 135.
Les choristes, notamment masculins, arborent une voix chaleureuse, soutenue par un ison homogène et bien soutenu qui emplit la totalité de l’enceinte sacrée. Les voix féminines, quant à elles, infusent une certaine douceur à l’ensemble et font preuve d’une belle énergie et d’une appréciable contribution. Toutefois, elles demeurent perfectibles, manifestant une fébrilité notable dans les aigus et des relâchements multiples de l’intonation. Une gamme de chants, hymnes et versets chantés s'enchaînent tout au long de cette première partie du récital qui atteint son apogée avec le magnifique verset extrait de l'épître de saint Paul aux Galates: «Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ» (Galates 3:27), interprété en arabe et en grec selon le premier mode. Le chœur s’impose avec prestance par son homogénéité, sa longueur de souffle et ce délectable crescendo-decrescendo empreint d’une douceur mélancolique. Tous les accents sont sculptés avec une précision d’orfèvre, révélant, bien au-delà du cadre musical, l'essence même de la dévotion.
La cathédrale orthodoxe Saint-Georges à Beyrouth
Bel canto levantin
La deuxième partie du récital est dominée par le premier mode qui subjugue par son caractère solennel et méditatif. Le chœur d’hommes interprète ainsi deux chefs-d’œuvre de l’art musical orthodoxe, signés par le génie du protopsalte du Patriarcat œcuménique de Constantinople, Petros Bereketis (entre le dix-septième et le dix-huitième siècles): Le Christ naît aujourd'hui à Bethléem et un extrait d' O Theotokos et Vierge. Ces œuvres s’étirent splendidement, donnant à entendre toute la subtilité des mélismes, la force expressive du bel canto, l’ampleur de l’ison et les miroitements d’une partition savamment lyrique qui ne tombe toutefois pas dans un sentimentalisme sirupeux. Les choristes confèrent à ces chants toute leur puissance spirituelle, faisant preuve d’une solide cohésion et d’une vigueur interprétative où l’émotion affleure par instants. Certains solistes déroulent un timbre noble et charnu, alors que d’autres, moins expérimentés, peinent à tracer une ligne mélodique constante qui devient progressivement hachée, la souplesse étant prise en défaut. Le Chœur interprète, par la suite, la fameuse prière litanique de supplication et d'invocation, le Kyrie eleison, construite selon une impressionnante architecture musicale, ourlée de cinq modes ecclésiastiques. Le récital trouve son épilogue dans la création d'un hymne de Noël, composé sur une mélodie roumaine traditionnelle.
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