Même si les différentes propositions de loi prévoyant le report du départ à la retraite du commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, n’ont pas été examinées lors de la réunion législative jeudi, ce dossier était présent dans tous les esprits.
C’est en principe vendredi que ce départ à la retraite, prévu le 10 janvier, sera reporté. Cette démarche aurait lieu lors du Conseil des ministres convoqué vendredi par le Premier ministre sortant, Najib Mikati. Mais également au Parlement, durant la séance législative prévue à 15 heures.
Les députés de l’opposition sont convaincus que la Chambre pourrait voter une proposition de loi, qui constituerait une synthèse des textes soumis par différents blocs. Celle-ci prévoirait le report d’un an du départ à la retraite des différents chefs de services de sécurité.
Ces députés estiment que la démarche qui serait entreprise en Conseil des ministres, et qui maintiendrait le général Aoun trois ou six mois supplémentaires à la tête de l’armée, est susceptible d’un recours en invalidation devant le Conseil d’État. Sachant que ce dernier ne peut pas suspendre l’exécution d’une décision administrative qui a trait à la sécurité, mais il peut se prononcer plus tard sur le fond.
En revanche, une loi plus générale adoptée au Parlement serait moins susceptible d’un recours devant le Conseil constitutionnel. Quoi qu’il en soit, si les deux textes passent vendredi, celui qui aura été voté au Parlement prédominera.
C’est également ce qu’a indiqué le vice-président des Forces libanaises, Georges Adwane à Ici Beyrouth au terme de la séance matinale de la réunion parlementaire, notant qu’une « loi prime sur un acte administratif ".
M. Adwane a expliqué que les contacts se poursuivent avec les blocs parlementaires et des députés de l’opposition pour parvenir à une formule commune pour le maintien du général Aoun à son poste, à la tête de l’armée, " et pour barrer la voie au blocage " mené par le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil.
Il convient de noter que dès l’ouverture de la séance, M. Adwane, ainsi que le député Michel Daher, proche de Joseph Aoun, avaient demandé au président Berry si "le Parlement continuerait de légiférer, même si le gouvernement proroge le mandant du commandant de l’armée", et s’il garderait les articles relatifs au maintien du chef de la Troupe à son poste lors de la séance législative qui se tiendra vendredi. Ce à quoi M. Berry avait répondu: "Évidemment, nous n’avons rien à voir avec le gouvernement."
On rappelle à cet égard que les Forces libanaises, ainsi que tous les blocs de l’opposition souverainiste, ont boycotté les précédentes séances législatives qui ont eu lieu depuis le début de la vacance présidentielle. L’opposition estime, en effet, que la priorité pour le Parlement est d’élire un président de la République.
Pour cette séance, les Forces libanaises ont décidé de participer, mais sans débattre de l’ordre du jour, comme l’a expliqué le député Antoine Habchi à Ici Beyrouth. Il a précisé que le bloc est venu " pour la raison d’État " qui " exige qu’une seule loi soit débattue: celle de la prorogation du mandat du commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun ".
On rappelle que les Forces libanaises ont présenté une proposition de loi à caractère de double urgence, prévoyant de faire passer à 61 ans, au lieu de 60, l’âge de départ à la retraite de tout commandant en chef de l’armée.
Ce texte figure en tête des propositions de loi à caractère de double urgence sur la liste établie par M. Berry. Une autre proposition de loi soumise par le bloc de la Modération nationale (Liban-Nord, pour la plupart anciens haririens) suggère de reporter d’un an le départ à la retraite " des chefs de services de sécurité, en poste ou par intérim, du grade de général ou de général de division ". Elle bénéficierait également au directeur général des Forces de sécurité intérieure, Imad Osman (qui a le grade de général de division), qui doit partir à la retraite en mai prochain. La Rencontre démocratique (Parti socialiste progressiste) a soumis un texte prévoyant de reporter de trois ans le départ à la retraite de tous les officiers de l’armée et des Forces de sécurité intérieure (FSI), quel que soit leur grade. Une proposition assez similaire a été présentée par le député Adib Abdelmassih (Renouveau).
Ces différents blocs coordonnent entre eux et avec d’autres blocs pour parvenir à un texte unifié qui ne soit pas susceptible d’être annulé par le Conseil constitutionnel, comme l’a expliqué à Ici Beyrouth le député Marwan Hamadé.
" Nous sommes mobilisés afin d’assurer la présence, le quorum et le vote pour une prorogation du mandat de Joseph Aoun pour une période d’un an ", alors que le Conseil des ministres pourrait, selon M. Hamadé, se contenter d’une prorogation de trois mois. " Tout va se jouer dans les prochaines 36 heures. Nous saurons si l’armée va rester unifiée ou si elle va s’exposer à une sorte de délabrement ", a-t-il noté.
Pension de retraite
Les propositions de loi à caractère de double urgence ne seront examinées qu’après les 16 propositions et projets de loi figurant à l’ordre du jour de la séance.
À cet égard, lors de la séance matinale, le Parlement a approuvé sept textes de loi, le plus important étant celui portant sur le passage du régime d’indemnités de fin de service de la CNSS à la pension de retraite. Ce texte, qui se trouve au Parlement depuis 20 ans, avait été approuvé le 29 novembre par les commissions mixtes. Il doit beaucoup à l’ancien ministre et député Nicolas Nahas, mais également au député Bilal Abdallah (PSP).
Par ailleurs, les députés ont approuvé un projet de loi sur l’énergie renouvelable et un autre relatif à un prêt accordé par la Banque mondiale (BM) pour un financement supplémentaire du programme Aman qui s’inscrit dans le cadre du réseau de protection sociale.
Ils ont également approuvé un accord de prêt avec le Fonds koweïtien pour le développement économique arabe, pour le financement d’un projet d’installation d’un réseau d’eaux usées à Batroun, ainsi qu’un autre avec la BM pour le développement du réseau routier. Le sixième texte voté concerne un accord relatif au statut légal, au Liban, de la Fédération internationale des sociétés de Croix-Rouge et de Croissant-Rouge.
Contrôle des capitaux
Il convient de noter que les différents blocs parlementaires de l’opposition, tout en coordonnant les positions, ont agi chacun à sa façon.
Les députés des Kataëb ont boycotté la séance législative, demeurant ainsi fidèles à leur position puisqu’ils avaient déjà boycotté les précédentes séances législatives depuis le début de la vacance présidentielle – contrairement aux députés du CPL, qui n’ont pas assisté à la séance de jeudi après avoir participé à celles du 18 avril et du 19 juin dernier.
Alors que le bloc FL a participé à la séance, les députés du Renouveau et du Changement (à l’exception d’Elias Jradé) ont pris place parmi les journalistes, sur la tribune réservée à ces derniers. Ils ont suivi toute la séance sans pour autant discuter les textes ou participer au vote.
À certains moments, ils ont vraisemblablement eu envie de prendre la parole, mais n’ont pas pu le faire depuis la tribune. Cela a été particulièrement perceptible lors de l’examen du texte de loi relatif au contrôle des capitaux.
Les députés de l’opposition, et notamment du Renouveau, estiment que le texte sur le contrôle des capitaux doit être voté en même temps que deux autres textes de loi, prévoyant la restructuration des banques et la répartition des pertes. Et ceci afin de préserver l’argent des déposants.
Ce texte était le deuxième à l’ordre du jour, et plusieurs députés du 8 Mars ont souligné son importance. Les parlementaires qui ont réussi à convaincre M. Berry de le renvoyer en commissions en attendant l’approbation des deux autres textes sont le vice-président de la Chambre, Elias Bou Saab, et les députés Ragy Saad, Marwan Hamadé et Michel Daher. Ayant présidé la réunion des commissions mixtes qui ont approuvé le texte sur le contrôle des capitaux, M. Bou Saab a joué un grand rôle en rappelant que tous les blocs étaient convenus de la nécessité de ne pas soumettre ce texte au vote sans les deux autres.
L’attitude du gouvernement à cet égard était surprenante durant la réunion. Alors que le vice-Premier ministre, Saadé Chami, a appelé au vote du texte, M. Mikati a convenu que le texte dans sa mouture actuelle n’était pas conforme à ce que le Fonds monétaire international exige et a souhaité son renvoi en commissions. Il s’est engagé à envoyer au Parlement un projet de loi relatif à la restructuration des banques avant deux mois.
En soirée, la Chambre a voté un seul texte de loi après l’avoir légèrement modifié. Il s’agit de la proposition de loi portant création d’un Fonds souverain pour le placement des revenus générés par les ressources gazières et pétrolières.
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