©Le pape François accueillant le cardinal Victor Manuel Fernandez préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Le pape François a-t-il été trop loin dans son souci pastoral de se pencher sur la situation des exclus et des marginaux de la société occidentale? Il vient d’approuver, à une époque d’intense affairement des minorités sexuelles ou de genre, un document autorisant la bénédiction non liturgique des couples homosexuels.
Publiée par la Congrégation pour la Doctrine de la foi le 18 décembre, la déclaration «Fiducia supplicans», signée par le cardinal argentin Victor Fernandez, traite de la possibilité de bénir les couples en situation irrégulière (NDLR: comme les divorcés remariés) et les couples de même sexe, sans remettre en cause la doctrine de l’Église sur le mariage.
Ce document a suscité des réactions houleuses dans le monde catholique. L’évêque allemand Gerhard Muller, un ancien préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, l’a même qualifié de «blasphématoire».
Au Liban, nombre d’évêques et de fidèles engagés dans l’apostolat ont exprimé leur surprise et leur perplexité face à cette déclaration. Ce point a été inscrit à l’ordre du jour de la réunion mensuelle de l’assemblée des évêques maronites, qui se tient chaque premier mercredi du mois à Bkerké.
Que dit ce document? (*) Pour éviter toute confusion, la déclaration commence par rappeler d’abord la doctrine constante de l’Église concernant le mariage. Celui-ci est «une union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme, naturellement ouverte à la génération d’enfants. […] Ce n’est que dans ce contexte que les relations sexuelles trouvent leur sens naturel, propre et pleinement humain. La doctrine de l’Église sur ce point reste ferme».
En contraste, la doctrine rappelle que pour les couples en situation irrégulière ou de même sexe, tout type de rite liturgique ou de bénédiction similaire à un rite liturgique qui pourrait prêter à confusion est interdit.
Distinction entre deux types de bénédiction
La principale nouveauté introduite par la déclaration est la distinction entre deux types de bénédiction: la bénédiction liturgique et celle qui ne l’est pas. La bénédiction liturgique est liée à un sacrement et requiert notamment un rite précis, un ministre ordonné et des conditions morales précises; la bénédiction non liturgique est un sacramental (comme l’est aussi, par exemple, l’eau bénite) et, dans ce cas, il n’y a pas de rite fixé par les autorités ecclésiales, qui n’exigent pas une «perfection morale» pour l’accorder.
Conditions
Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas de conditions circonstancielles à cette bénédiction non liturgique. Du côté du ministre, «cette bénédiction ne sera jamais accomplie en même temps que les rites civils d’union, ni même en relation avec eux. Ni non plus avec des vêtements, des gestes ou des paroles propres au mariage».
Du côté de ceux qui la demandent, les personnes qui sollicitent cette bénédiction «se reconnaissent indigents et ayant besoin de son aide (NDLR: l’aide de l’Esprit Saint), ne revendiquent pas la légitimité de leur propre statut, mais demandent que tout ce qui est vrai, bon et humainement valable dans leur vie et dans leurs relations soit investi, guéri et élevé par la présence de l’Esprit Saint».
Bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe n’est pas «valider officiellement leur statut, ni modifier en quoi que ce soit l’enseignement pérenne de l’Église sur le mariage», insiste la déclaration. Mais c’est leur assurer que Dieu «riche en miséricorde (Ép 2,4) est présent à chaque pas de leur chemin, car nous sommes tous appelés à la sainteté, quelle que soit notre situation». (*)
Des difficultés d’application
Répondant aux prises de positions critiques, voire hostiles, à la déclaration, parues dans la presse, le cardinal Fernandez a affirmé qu’il appartenait «à chaque évêque local» de faire un «discernement» dans son diocèse sur les modalités d’application du texte (Journal espagnol ABC, 27 décembre). «Quiconque interprète la bénédiction comme une légitimation du mariage homosexuel, soit n’a pas lu le document, soit a de mauvaises intentions», soutient le cardinal Fernandez.
À ceux qui l’accusent d’avoir modifié de manière significative la doctrine de l’Église sur la sexualité, il répond que ces bénédictions «ne sont que la réponse d’un pasteur à deux personnes demandant l’aide de Dieu» et non pas «un mariage», une «approbation du mode de vie qu’ils mènent» ou une «absolution».
Mais ces critiques, convient le cardinal, expriment souvent «l’inopportunité de donner des bénédictions dans des contextes régionaux où elles pourraient facilement être confondues avec une légitimation d’une union irrégulière».
Le cardinal Fernandez reconnaît notamment la difficulté à appliquer le document dans un pays où, comme en Afrique, il existe «une législation qui punit de prison le simple fait de se déclarer homosexuel» (NDLR: au Liban, la dépénalisation de l’homosexualité est au programme de certains groupes parlementaires). Dès lors, il «appartient à chaque évêque local de faire preuve de discernement ou en tout cas de donner des orientations complémentaires», affirme-t-il.
Mais pour autant, les évêques «ne peuvent pas être en désaccord avec cette doctrine», ajoute-t-il. «Nous devrons nous habituer à comprendre que si un prêtre donne ce type de bénédiction simple, il n’est pas hérétique, il ne ratifie rien et ne nie pas la doctrine catholique sur le mariage», conclut le cardinal Fernández.
Ambiguïté de la réception
La presse mondiale a fait ses titres depuis deux semaines sur ce qu’elle a présenté comme une «ouverture de l’Église catholique à la bénédiction des couples homosexuels». L’ambiguïté du texte est à ce niveau, estime-t-on. Ce ne sont pas les personnes en couple qui sollicitent la bénédiction, mais le couple comme entité qui le fait.
«On aura beau s’évertuer à l’expliquer, cette expression sera comprise par la presse, qui ne connaît pas les nuances, comme une légitimation par l’Église de l’union homosexuelle», affirme un évêque sous le sceau de l’anonymat.
C’est ce risque de confusion que relèvent certains milieux ecclésiaux, qui contestent l’opportunité – dans un contexte d’affirmation et de confusion identitaire extrêmes – de cette déclaration «orientée vers l’Occident chrétien libéral, au détriment du reste du monde catholique».
«Quel que soit le soin rédactionnel accordé à cette déclaration irréprochable sur le plan sémantique, elle ne peut que provoquer des malentendus et des troubles», estime-t-on dans ces milieux.
Le Pape est «le gardien de l’unité», rappelle une personnalité du monde académique, qui souligne qu’une telle déclaration fait obstacle, d’une certaine façon, aussi bien au mouvement œcuménique qu’aux efforts de rapprochement interreligieux auxquels le pape François a consacré tant de voyages.
Loin des thèses complotistes qui ne manquent pas, on parle dans les milieux concernés d’une «décision prématurée» qui peut encore être clarifiée.
(*) Cf Blog de Benoit et Véronique Rabourdin, responsables internationaux d’Amour & Vérité et membres du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie.
Publiée par la Congrégation pour la Doctrine de la foi le 18 décembre, la déclaration «Fiducia supplicans», signée par le cardinal argentin Victor Fernandez, traite de la possibilité de bénir les couples en situation irrégulière (NDLR: comme les divorcés remariés) et les couples de même sexe, sans remettre en cause la doctrine de l’Église sur le mariage.
Ce document a suscité des réactions houleuses dans le monde catholique. L’évêque allemand Gerhard Muller, un ancien préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, l’a même qualifié de «blasphématoire».
Au Liban, nombre d’évêques et de fidèles engagés dans l’apostolat ont exprimé leur surprise et leur perplexité face à cette déclaration. Ce point a été inscrit à l’ordre du jour de la réunion mensuelle de l’assemblée des évêques maronites, qui se tient chaque premier mercredi du mois à Bkerké.
Que dit ce document? (*) Pour éviter toute confusion, la déclaration commence par rappeler d’abord la doctrine constante de l’Église concernant le mariage. Celui-ci est «une union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme, naturellement ouverte à la génération d’enfants. […] Ce n’est que dans ce contexte que les relations sexuelles trouvent leur sens naturel, propre et pleinement humain. La doctrine de l’Église sur ce point reste ferme».
En contraste, la doctrine rappelle que pour les couples en situation irrégulière ou de même sexe, tout type de rite liturgique ou de bénédiction similaire à un rite liturgique qui pourrait prêter à confusion est interdit.
Distinction entre deux types de bénédiction
La principale nouveauté introduite par la déclaration est la distinction entre deux types de bénédiction: la bénédiction liturgique et celle qui ne l’est pas. La bénédiction liturgique est liée à un sacrement et requiert notamment un rite précis, un ministre ordonné et des conditions morales précises; la bénédiction non liturgique est un sacramental (comme l’est aussi, par exemple, l’eau bénite) et, dans ce cas, il n’y a pas de rite fixé par les autorités ecclésiales, qui n’exigent pas une «perfection morale» pour l’accorder.
Conditions
Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas de conditions circonstancielles à cette bénédiction non liturgique. Du côté du ministre, «cette bénédiction ne sera jamais accomplie en même temps que les rites civils d’union, ni même en relation avec eux. Ni non plus avec des vêtements, des gestes ou des paroles propres au mariage».
Du côté de ceux qui la demandent, les personnes qui sollicitent cette bénédiction «se reconnaissent indigents et ayant besoin de son aide (NDLR: l’aide de l’Esprit Saint), ne revendiquent pas la légitimité de leur propre statut, mais demandent que tout ce qui est vrai, bon et humainement valable dans leur vie et dans leurs relations soit investi, guéri et élevé par la présence de l’Esprit Saint».
Bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe n’est pas «valider officiellement leur statut, ni modifier en quoi que ce soit l’enseignement pérenne de l’Église sur le mariage», insiste la déclaration. Mais c’est leur assurer que Dieu «riche en miséricorde (Ép 2,4) est présent à chaque pas de leur chemin, car nous sommes tous appelés à la sainteté, quelle que soit notre situation». (*)
Des difficultés d’application
Répondant aux prises de positions critiques, voire hostiles, à la déclaration, parues dans la presse, le cardinal Fernandez a affirmé qu’il appartenait «à chaque évêque local» de faire un «discernement» dans son diocèse sur les modalités d’application du texte (Journal espagnol ABC, 27 décembre). «Quiconque interprète la bénédiction comme une légitimation du mariage homosexuel, soit n’a pas lu le document, soit a de mauvaises intentions», soutient le cardinal Fernandez.
À ceux qui l’accusent d’avoir modifié de manière significative la doctrine de l’Église sur la sexualité, il répond que ces bénédictions «ne sont que la réponse d’un pasteur à deux personnes demandant l’aide de Dieu» et non pas «un mariage», une «approbation du mode de vie qu’ils mènent» ou une «absolution».
Mais ces critiques, convient le cardinal, expriment souvent «l’inopportunité de donner des bénédictions dans des contextes régionaux où elles pourraient facilement être confondues avec une légitimation d’une union irrégulière».
Le cardinal Fernandez reconnaît notamment la difficulté à appliquer le document dans un pays où, comme en Afrique, il existe «une législation qui punit de prison le simple fait de se déclarer homosexuel» (NDLR: au Liban, la dépénalisation de l’homosexualité est au programme de certains groupes parlementaires). Dès lors, il «appartient à chaque évêque local de faire preuve de discernement ou en tout cas de donner des orientations complémentaires», affirme-t-il.
Mais pour autant, les évêques «ne peuvent pas être en désaccord avec cette doctrine», ajoute-t-il. «Nous devrons nous habituer à comprendre que si un prêtre donne ce type de bénédiction simple, il n’est pas hérétique, il ne ratifie rien et ne nie pas la doctrine catholique sur le mariage», conclut le cardinal Fernández.
Ambiguïté de la réception
La presse mondiale a fait ses titres depuis deux semaines sur ce qu’elle a présenté comme une «ouverture de l’Église catholique à la bénédiction des couples homosexuels». L’ambiguïté du texte est à ce niveau, estime-t-on. Ce ne sont pas les personnes en couple qui sollicitent la bénédiction, mais le couple comme entité qui le fait.
«On aura beau s’évertuer à l’expliquer, cette expression sera comprise par la presse, qui ne connaît pas les nuances, comme une légitimation par l’Église de l’union homosexuelle», affirme un évêque sous le sceau de l’anonymat.
C’est ce risque de confusion que relèvent certains milieux ecclésiaux, qui contestent l’opportunité – dans un contexte d’affirmation et de confusion identitaire extrêmes – de cette déclaration «orientée vers l’Occident chrétien libéral, au détriment du reste du monde catholique».
«Quel que soit le soin rédactionnel accordé à cette déclaration irréprochable sur le plan sémantique, elle ne peut que provoquer des malentendus et des troubles», estime-t-on dans ces milieux.
Le Pape est «le gardien de l’unité», rappelle une personnalité du monde académique, qui souligne qu’une telle déclaration fait obstacle, d’une certaine façon, aussi bien au mouvement œcuménique qu’aux efforts de rapprochement interreligieux auxquels le pape François a consacré tant de voyages.
Loin des thèses complotistes qui ne manquent pas, on parle dans les milieux concernés d’une «décision prématurée» qui peut encore être clarifiée.
(*) Cf Blog de Benoit et Véronique Rabourdin, responsables internationaux d’Amour & Vérité et membres du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie.
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