©Le président russe Vladimir Poutine et son homologue iranien, le président Ebrahim Raissi le 19 janvier 2022 à Moscou. (AFP)
Le président russe Vladimir Poutine et son homologue iranien, le président Ebrahim Raissi avaient beau être assis à cinq mètres l’un de l’autre, la semaine dernière à Moscou - gestes barrières anticovid oblige -, l’heure était au rapprochement entre les chefs d’Etat des deux pays. Sur fond d’une hostilité commune aux Etats-Unis
Elu en août dernier, Ebrahim Raissi est un dur de dur du régime de Téhéran, proche du « Guide » de la révolution Ali Khamenei. Il est aussi un chaud partisan du réchauffement des liens diplomatiques et économiques avec la Russie, contrairement à son prédécesseur Rouhani.
Le président iranien a donc fait le voyage de Moscou le 19 janvier avec une intention claire : convaincre Poutine, qui n’en a sans doute guère besoin, qu’Iran et Russie ont un intérêt partagé à renforcer leurs relations. Moscou, en ces temps d’isolement croissant de son régime alors que la guerre menace aux frontières de l’Ukraine, a besoin de montrer qu’il a tout de même des soutiens. Téhéran a, de son côté besoin d’un allié de poids face à l’occident au moment où les négociations sur l’accord nucléaire iranien se poursuivent à Vienne. Le voyage de l’Iranien à Moscou a été ainsi perçu par certains experts comme un « tournant » de la relation entre la Russie et l’Iran.
« Durs » et « modérés »
Vladimir Poutine, qui pourra se servir du levier diplomatique qu’une relation renforcée avec l’Iran lui donnera face à ses adversaires occidentaux, a toutes les raisons de se féliciter de l’accession au pouvoir d’un proche de l’ayatollah Khamenei et des « Gardiens de la révolution », cet « état dans l’état » qui incarne plus que jamais le pouvoir en Iran : Récemment cité dans la revue « Foreign Policy », un ancien ambassadeur d’Iran à Moscou, Mahmoud Reza Sajjadi, a raconté une anecdote parlante : au retour d’un voyage à Téhéran, en 2017, le maître du Kremlin avait glissé à ses conseillers qu’il venait de « visiter non pas un pays, mais deux : l’un est celui d’Ali Khamenei, l’autre est celui de [l’ancien président] Hassan Rouhani »… Poutine était en effet conscient des tensions existantes au plus haut niveau du régime entre « durs » et (relativement) « modérés », ce dernier clan étant celui de Rouhani. Qui penchait plutôt vers un réchauffement des relations avec l’Occident qu’avec la Russie…
Désormais, Vladimir Poutine peut être rassuré : l’Iran de Khamenei et de Raissi ne forment bel et bien qu’un seul pays… Au chapitre des droits de l’Homme le nouvel homme fort de la République islamique est à peu près aussi concerné par cette question que son allié russe. Surnommé le « boucher de Téhéran » pour avoir diligenté des exécutions de masse contre les opposants, Ebrahim Raissi devrait « faire l’objet de crimes contre l’humanité, de disparitions forcées et de torture », avait déclaré à son encontre après les présidentielles iraniennes de l’été dernier actuelle secrétaire générale d’Amnesty International, Agnès Callamard. Qui avait ajouté : « [son élection] est un sombre rappel de l’impunité qui règne en Iran ».
Un même adversaire
Avant d’être invité à s’exprimer devant la Douma, la chambre basse du parlement russe – privilège assez rare-, le président iranien a rappelé la semaine dernière à son homologue russe que, « comme vous, nous avons résisté à des sanctions américaines depuis 40 ans ». « Aujourd’hui », a-t-il plaidé, « des circonstances exceptionnelles demandent un niveau élevé de synergie entre nos deux pays contre l’unilatéralisme américain »….
Alors que les Iraniens ont apporté leur soutien aux Russes à propos de l’Ukraine, le président russe à répondu à Raisi que « dans l’arène internationale, nous coopérons étroitement », une allusion à la Syrie – tous deux soutiennent le régime de Damas- et à l’Afghanistan après la catastrophique sortie américaine de Kaboul en août dernier.
Manoeuvres communes
Russes et Iraniens seraient ils ainsi au diapason? La réalité est tout de même un peu plus compliquée : si les intérêts géostratégiques russo-iraniens peuvent coïncider, les deux pays partagent un long passé de méfiance réciproque. Le fait qu’aucun accord sur un partenariat économique (Pétrole, Gaz) n’aient été signé, pas plus que des contrats d’ordre militaire, sont des indications d’une certaine réserve de Moscou, qui n’est peut-être pas encore prêt à vendre l’armement moderne que Téhéran demande depuis longtemps.
Reste que ce réchauffement russo-iranien se traduit par les faits : vendredi ont commencé au large des côtes iraniennes, dans l’océan indien, des manœuvres militaires conjointes entre les marines chinoises, russes et iranienne. Comme l’analyse dans le New York Times Gregory Lukyanov, spécialiste russe des relations internationales, « Il y a désormais au sein du leadership moscovite plus de partisans des tenants d’une ligne radicale en Iran, ce qui était jusqu’à alors considéré comme inacceptable par le gouvernement russe. »
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