L’éditorial – Sur les traces de Mélenchon

C’est une visite un tantinet mystérieuse et en tout cas très discrète qu’a effectuée la semaine dernière à Beyrouth Jean-Luc Mélenchon. Le chef et fondateur du mouvement (français) d’opposition «La France insoumise» (LFI) s’est montré peu loquace au cours de son bref passage au Liban. Mais l’écho de ses prises de position adoptées en France au sujet du Hamas, après l’attaque meurtrière du 7 octobre dernier, l’a devancé.
À plusieurs reprises dans ses déclarations aux médias français, et même lors de son bref passage à Beyrouth, M. Mélenchon a tenu à s’abstenir de qualifier le Hamas d’organisation terroriste. Ses propos laissent transparaître une certaine complaisance à peine voilée, pour ne pas parler d’empathie camouflée, avec le mouvement fondamentaliste palestinien. Il se pose en porte-étendard de l’extrême gauche française, adoptant comme stratégie d’action politique un acharnement continu à «conflictualiser» toute situation, en affichant – en bon tribun – une rhétorique fiévreuse, particulièrement enflammée, tirant à boulets rouges, sans retenue, sur tout ce qui bouge en politique.         
En langage «libanais», cette stratégie serait perçue comme une opération de «déconstruction» à tous les niveaux et dans tous les domaines. Telle est, convient-il de le relever, la ligne de conduite constante aussi bien du Hamas que du Hezbollah. Comment s’étonner, de ce fait, que Jean-Luc Mélenchon fasse preuve de complaisance à l’égard de ces deux organisations qui, comme lui, s’emploient à entretenir dans la durée un climat de conflit permanent, soutenu par des discours belliqueux.

Dans une récente interview, le fondateur de la LFI soulignait que «le Hezbollah est une composante importante du Liban»… Une affirmation qui reflète une méconnaissance totale du parti pro-iranien. M. Mélenchon n’a-t-il pas été informé, à titre d’exemple, que la charte politique du Hezbollah stipule explicitement que la formation chiite fait acte d’allégeance absolue et inconditionnelle au Guide suprême de la Révolution islamique iranienne pour toute décision à caractère stratégique, dont notamment la décision de guerre et de paix?    
M. Mélenchon n’a-t-il pas été interpellé par la déclaration du leader du Hezbollah qui a souligné, en toute transparence, que c’est un «honneur» pour lui d’être un «simple soldat dans l’armée du waliy el-faqih» (le Guide de la République islamique à Téhéran)? Comment le chef de LFI peut-il estimer, à l’ombre de cette donne, que le parti pro-iranien est «une composante importante du Liban»? Comment M. Mélenchon peut-il occulter le fait que le Hezbollah applique depuis plusieurs années une stratégie de déconstruction au Liban et qu’au niveau régional, il représente l’élément-moteur de la politique expansionniste déstabilisatrice mise en place dans plusieurs pays de la région par les Gardiens de la Révolution islamique?    
Quant au Hamas, M. Mélenchon a-t-il pris note des déclarations de Khaled Machaal et d’autres hauts responsables de l’organisation fondamentaliste palestinienne qui tiennent ouvertement, publiquement, sans détours, un discours de haine, clairement raciste, allant jusqu’à lancer sans sourciller des appels au meurtre collectif? Comment M. Mélenchon peut-il, dans de telles circonstances, refuser de qualifier le Hamas de mouvement terroriste?
En pleine guerre libanaise, un journaliste belge recueillait une interview de Béchir Gemayel. Il lui reprochait dans ce cadre de vouloir provoquer le départ des Palestiniens du Liban, lui lançant à ce sujet: «Où voulez-vous que les Palestiniens aillent»? Et Béchir Gemayel de répondre spontanément à son interlocuteur: «Vous les prenez en Belgique, Monsieur»? Aujourd’hui, certains milieux évoquent la possibilité d’une évacuation des hauts responsables et des cadres du Hamas assiégés à Gaza vers des pays tiers. Jean-Luc Mélenchon devrait peut-être proposer à cet égard d’accueillir dans sa région française ces responsables et ces cadres de l’organisation jihadiste palestinienne, de manière à faire preuve d’un minimum de cohérence dans sa stratégie de «conflictualisation» tous azimuts!      
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