©Moment fort de la rencontre œcuménique: les patriarches orientaux entre la chorale et l’orchestre philharmonique.
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Sortant des sentiers battus, fruit d’une étroite coopération entre la hiérarchie maronite et des fidèles laïcs, la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens (18-25 janvier) a été marquée, cette année, par une rencontre œcuménique extraordinaire, animée par une chorale de 250 chanteurs et l’Orchestre philharmonique du Liban. Moitié concert liturgique, moitié réunion de prière, la rencontre, qui a embaumé le ciel de la capitale, s’est tenue dans une immense salle du front de mer, le Forum de Beyrouth, en présence des patriarches catholiques et orthodoxes d’Orient, du nonce apostolique, Paolo Borgia et de près de 9.000 fidèles venus des quatre coins du Liban.
La rencontre œcuménique était animée par une chorale de 250 chanteurs et l’orchestre philharmonique du Liban.
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Au cœur de l’événement, un audacieux jeune Libanais, Marc Merhej (29 ans), aussi bon avocat que musicien et dirigeant de chorale. En coordination avec l’évêque maronite d’Antélias, Mgr Antoine Bou-Najem, son ancien professeur d’éducation religieuse, Marc Merhej a réussi un tour de force qui lui a pris deux ans de préparation. Appuyée par l’orchestre symphonique, sa chorale a fait merveille, alternant prières et chants liturgiques en onze langues (arabe, français, anglais, latin, slavon, syriaque, arménien, chaldéen, espagnol, grec et swahili), sans compter la langue des signes pour les malentendants et celle du silence, cette «prière du cœur» ou encore cette «oraison mentale» telle que les Pères et les grands priants nous l’ont transmise.
La réunion a réussi à transfigurer les conventions du genre. Venus assister à «un concert de plus», les patriarches et évêques présents ont été bouleversés par la force de la louange trinitaire qui s’est élevée de l’assemblée, où les orthodoxes ont retrouvé l’écho de leurs cantillations et d’autres les harmonieuses modulations du chant en langues.
«On ne peut encore célébrer l’eucharistie ensemble, mais ne pouvait-on louer ensemble?» affirme Marc Merhej, qui dit avoir voulu «ajouter à l’unité dans la charité, dans le témoignage et dans le martyre, celle de l’unité dans la louange».
Au Liban, la Semaine de l’unité est prise en charge par le Conseil des Églises du Moyen-Orient (CEMO) [en anglais: Middle East Council of Churches (MECC)], un rassemblement d’Églises du Moyen-Orient comprenant presque toutes les traditions chrétiennes, notamment orthodoxes orientales, orthodoxes, catholiques (latine et orientales), anglicanes et protestantes.
La Vierge Marie, explique Marc Merhej, a trouvé sa place centrale dans cette prière œcuménique, non pas dans son rôle d’intercession, si cher aux doctrines catholique et orthodoxe, mais à travers la prière de louange qu’elle-même élève au Père pour la réalisation de «ce dessein bienveillant qu’il avait formé par avance pour le réaliser quand les temps seraient accomplis, ramener toutes choses sous un seul chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres». (Ephésiens 1:9+).
La rencontre œcuménique était animée par une chorale de 250 chanteurs et l’orchestre philharmonique du Liban.
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Toutes les portes s’ouvrent
«Marc est venu solliciter mon autorisation pour une initiative qui, en somme, est un projet d’Église, explique Mgr Bou-Najem. C’est bien simple, lui ai-je répondu. Le pays est en crise et les difficultés économiques s’accumulent. À la première porte qui se ferme, on abandonne ce projet.»
«J’avais mille autres choses à faire, explique ingénument l’évêque. Mais toutes les portes se sont ouvertes, même pour la location du Forum de Beyrouth. Devant la candeur d’un jeune qui lui avoue être venu à sa rencontre 'en comptant sur la providence', le propriétaire de la salle a fait un geste de grande générosité inespéré.»
Encouragées par l’évêque, d’autres fortunes ont également mis la main à la poche. Il fallait bien, tout de même, payer l’orchestre symphonique, la location des chaises, le plateau, l’éclairage, le son et tout le reste.
«Le succès a été tel qu’il s’est trouvé des personnes pour dire qu’on aurait pu donner cet argent aux pauvres, commente Mgr Bou-Najem. À quoi j’ai répondu avec les paroles mêmes de Notre Seigneur: les pauvres vous les aurez toujours avec vous.»
L’évêque se félicite que l’assemblée ait prié pour Beyrouth, «ville de mort» divisée par la guerre et en partie détruite par l’explosion du 4 août 2020 au port.
Il faut également savoir gré aux organisateurs d’avoir prié pour Gaza, détruite jour après jour sous le regard indigné du monde entier.
«La prière de louange unit les chrétiens», résume l’évêque, qui songe à créer dans tous les diocèses du Liban des groupes de prière de louange. Nous devons dépasser l’hostilité et l’indifférence signalée dans prière pour l’unité et passer sur des offenses remontant à plusieurs centaines d’années, qui font que des frères ne se parlent plus», dit Mgr Bou-Najem.
«La rancune tue. Sur le chemin de l’unité, le peuple chrétien nous a précédés», conclut-il.
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