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- Le Qatar, nouveau bouc émissaire de Netanyahou
© (AFP)
Depuis quelques jours, Netanyahou et ses alliés politiques enchaînent les attaques contre le Qatar. Une tendance loin d'être anodine, qui révèle un nouveau pan de la stratégie jusqu'au-boutiste du Premier ministre israélien, selon le politologue Karim Sader.
Mercredi 24 janvier, la chaîne israélienne 12 a diffusé un enregistrement audio du Premier ministre israélien avec des familles d'otages, dans lequel Benjamin Netanyahou juge «problématique» le rôle de Doha. «Je n'ai aucune illusion à leur égard», a-t-il déclaré. Les Qataris «ont des moyens de faire pression (sur le Hamas, ndlr). Pourquoi? Parce qu'ils les financent».
Le lendemain, c'est au tour du ministre des Finances et figure de l'extrême-droite israélienne, Bezalel Smotrich, d'accuser le riche émirat d'être «responsable» de l'attaque du 7 octobre. Le Qatar «est le parrain du Hamas et est largement responsable des massacres commis par le Hamas sur les citoyens israéliens», a-t-il notamment déclaré sur X (ex-Twitter).
Depuis le début du conflit, le Qatar est considéré comme le principal intermédiaire dans le cadre des négociations entre le Hamas et Israël.
Doha accueille non seulement la direction politique du groupe palestinien depuis 2012, mais il a aussi octroyé ces dernières années des centaines de millions de dollars en aide humanitaire à la population de Gaza. En outre, le Qatar finance le budget de l'administration de l'enclave.
Concomitamment, la pétromonarchie entretient aussi des liens indirects avec Israël. Entre 1996 et 2009, ce dernier disposait notamment d'un bureau de représentation commerciale à Doha.
Si ce canal fut fermé à la suite de l'offensive israélienne à Gaza en 2009, les deux pays ont continué d'entretenir des liens informels. Le Qatar est ainsi devenu le principal interlocuteur des deux parties à chaque montée soudaine des tensions.
Dans ce cadre, pourquoi le gouvernement Netanyahou les prend-il désormais pour cible? Pour le politologue et spécialiste des pays du Golfe Karim Sader, si le Premier ministre israélien «cherche à décrédibiliser le Qatar, cela relève avant tout d'un agenda personnel, car il a tout intérêt à faire échouer les négociations pour continuer sa fuite en avant».
En effet, M. Netanyahou fait ici «preuve de mauvaise foi», observe M. Sader. Car celui qui peut se targuer d'être le Premier ministre israélien à la plus grande longévité est parfaitement au courant de ces liens. «Israël est complice» du Qatar, observe le politologue, qui précise que la «domestication» du Hamas par Doha a longtemps fait le jeu de l'État hébreu, en octroyant aide humanitaire et salaires pour l'administration de l'enclave.
«Netanyahou est décrédibilisé en termes politiques par l'attaque du 7 octobre, la catastrophe humanitaire à Gaza et le sort des otages, dont plusieurs ont été tués par l'armée israélienne.
C'est pourquoi il «tente de faire porter le chapeau aux Qataris via le Hamas», estime M. Sader. Selon lui, il s'agit d'un coup politique pour que le Premier ministre israélien puisse se dédouaner de ses échecs, lorsque viendra l'heure de rendre des comptes.
«Il s'agit là de politique interne», précise le spécialiste du Golfe, rappelant au passage que dans la fameuse fuite d'enregistrement concernée, Netanyahou s'adressait aux familles des otages, particulièrement critiques à son égard.
Si M. Netanyahou réussit à faire échouer les négociations, «ce seront des points perdus par le Qatar», considère M. Sader. Selon lui, la légitimité de l'émirat sur le terrain diplomatique comme médiateur est en jeu, notamment avec cette posture de «grand écart».
En effet, d'un côté, Doha est l'interlocutrice de groupes islamistes à l'image du Hamas. De l'autre, elle accueille sur son territoire le CENTCOM, le commandement de l'armée américaine pour le Moyen-Orient, sur la base aérienne d'Al-Udeid. «Si cette initiative échoue, l'image de médiateurs construite par les Qataris pourrait en prendre un coup», note M. Sader.
D'autant que d'autres acteurs chercheraient à ravir la place des Qataris, note le politologue: Turquie, Jordanie, Égypte... nombreux sont les candidats attirés par la perspective d'un succès diplomatique. «Certains pays voudraient voir ce petit émirat remis à sa place, comme les Émirats arabes unis ou l'Arabie saoudite.» En effet, ces derniers sont récemment devenus de plus en plus actifs sur le «marché de la médiation», pour reprendre les mots de M. Sader.
En revanche, une victoire de Doha pourrait renforcer son rôle de médiateur star dans la région. L'un des exemples à ce niveau réside dans le dossier libanais. Étant une entreprise commune, un affaiblissement du Qatar n'aurait pas d'impact sur le Quintette (aussi constitué de l'Arabie saoudite, l'Égypte, la France et les États-Unis), considère Karim Sader.
«Depuis la fin du blocus de l'émirat par l'Arabie saoudite, en 2021, les deux parties se sont entendues pour n'avoir aucune concurrence d'agenda» à ce niveau, note le politologue. En revanche, une victoire diplomatique «renforcerait sa position» sur le dossier libanais, ajoute-t-il. M. Sader souligne, enfin, que Doha pourrait désormais se targuer non seulement d'avoir fait avancer les choses à Gaza, mais aussi d'être en mesure de pouvoir résoudre la crise le long de la Ligne bleue.
Mercredi 24 janvier, la chaîne israélienne 12 a diffusé un enregistrement audio du Premier ministre israélien avec des familles d'otages, dans lequel Benjamin Netanyahou juge «problématique» le rôle de Doha. «Je n'ai aucune illusion à leur égard», a-t-il déclaré. Les Qataris «ont des moyens de faire pression (sur le Hamas, ndlr). Pourquoi? Parce qu'ils les financent».
Le lendemain, c'est au tour du ministre des Finances et figure de l'extrême-droite israélienne, Bezalel Smotrich, d'accuser le riche émirat d'être «responsable» de l'attaque du 7 octobre. Le Qatar «est le parrain du Hamas et est largement responsable des massacres commis par le Hamas sur les citoyens israéliens», a-t-il notamment déclaré sur X (ex-Twitter).
L'interlocuteur privilégié d'Israël et du Hamas
Depuis le début du conflit, le Qatar est considéré comme le principal intermédiaire dans le cadre des négociations entre le Hamas et Israël.
Doha accueille non seulement la direction politique du groupe palestinien depuis 2012, mais il a aussi octroyé ces dernières années des centaines de millions de dollars en aide humanitaire à la population de Gaza. En outre, le Qatar finance le budget de l'administration de l'enclave.
Concomitamment, la pétromonarchie entretient aussi des liens indirects avec Israël. Entre 1996 et 2009, ce dernier disposait notamment d'un bureau de représentation commerciale à Doha.
Si ce canal fut fermé à la suite de l'offensive israélienne à Gaza en 2009, les deux pays ont continué d'entretenir des liens informels. Le Qatar est ainsi devenu le principal interlocuteur des deux parties à chaque montée soudaine des tensions.
Manœuvre politique de Netanyahou
Dans ce cadre, pourquoi le gouvernement Netanyahou les prend-il désormais pour cible? Pour le politologue et spécialiste des pays du Golfe Karim Sader, si le Premier ministre israélien «cherche à décrédibiliser le Qatar, cela relève avant tout d'un agenda personnel, car il a tout intérêt à faire échouer les négociations pour continuer sa fuite en avant».
En effet, M. Netanyahou fait ici «preuve de mauvaise foi», observe M. Sader. Car celui qui peut se targuer d'être le Premier ministre israélien à la plus grande longévité est parfaitement au courant de ces liens. «Israël est complice» du Qatar, observe le politologue, qui précise que la «domestication» du Hamas par Doha a longtemps fait le jeu de l'État hébreu, en octroyant aide humanitaire et salaires pour l'administration de l'enclave.
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Netanyahou, la guerre ou la chute
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«Netanyahou est décrédibilisé en termes politiques par l'attaque du 7 octobre, la catastrophe humanitaire à Gaza et le sort des otages, dont plusieurs ont été tués par l'armée israélienne.
C'est pourquoi il «tente de faire porter le chapeau aux Qataris via le Hamas», estime M. Sader. Selon lui, il s'agit d'un coup politique pour que le Premier ministre israélien puisse se dédouaner de ses échecs, lorsque viendra l'heure de rendre des comptes.
«Il s'agit là de politique interne», précise le spécialiste du Golfe, rappelant au passage que dans la fameuse fuite d'enregistrement concernée, Netanyahou s'adressait aux familles des otages, particulièrement critiques à son égard.
Légitimité qatarie en jeu
Si M. Netanyahou réussit à faire échouer les négociations, «ce seront des points perdus par le Qatar», considère M. Sader. Selon lui, la légitimité de l'émirat sur le terrain diplomatique comme médiateur est en jeu, notamment avec cette posture de «grand écart».
En effet, d'un côté, Doha est l'interlocutrice de groupes islamistes à l'image du Hamas. De l'autre, elle accueille sur son territoire le CENTCOM, le commandement de l'armée américaine pour le Moyen-Orient, sur la base aérienne d'Al-Udeid. «Si cette initiative échoue, l'image de médiateurs construite par les Qataris pourrait en prendre un coup», note M. Sader.
D'autant que d'autres acteurs chercheraient à ravir la place des Qataris, note le politologue: Turquie, Jordanie, Égypte... nombreux sont les candidats attirés par la perspective d'un succès diplomatique. «Certains pays voudraient voir ce petit émirat remis à sa place, comme les Émirats arabes unis ou l'Arabie saoudite.» En effet, ces derniers sont récemment devenus de plus en plus actifs sur le «marché de la médiation», pour reprendre les mots de M. Sader.
Renforcement qatari si Netanyahou échoue
En revanche, une victoire de Doha pourrait renforcer son rôle de médiateur star dans la région. L'un des exemples à ce niveau réside dans le dossier libanais. Étant une entreprise commune, un affaiblissement du Qatar n'aurait pas d'impact sur le Quintette (aussi constitué de l'Arabie saoudite, l'Égypte, la France et les États-Unis), considère Karim Sader.
«Depuis la fin du blocus de l'émirat par l'Arabie saoudite, en 2021, les deux parties se sont entendues pour n'avoir aucune concurrence d'agenda» à ce niveau, note le politologue. En revanche, une victoire diplomatique «renforcerait sa position» sur le dossier libanais, ajoute-t-il. M. Sader souligne, enfin, que Doha pourrait désormais se targuer non seulement d'avoir fait avancer les choses à Gaza, mais aussi d'être en mesure de pouvoir résoudre la crise le long de la Ligne bleue.
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