Un air de Venise au nord de l’Albanie
©Crédit photo: Elie-Joe Bassil
Niché dans la périphérie de la ville de Shköder, au nord de l’Albanie, l’atelier Venice Art Mask s’avère être l’épicentre d’une industrie artistique à portée mondiale qu’on ne penserait pas retrouver en dehors de la ville de Venise.
C’est dans une rue perdue à Shköder, au nord de l’Albanie, qu’une affiche portant le nom de Venice Art est discrètement suspendue à un portail donnant sur une cour bien calme. À l’intérieur, deux bâtiments blancs font l’exception dans le décor de maisons délabrées du quartier. Il s’agit de l’atelier et de la galerie Venice Art Mask, une entreprise fondée en 1997 par Edmond Angoni, un artiste qui a appris le métier après avoir vécu à Venise.
Aujourd’hui, l’atelier compte une dizaine de salariés dans la ville et exporte ses masques à travers le monde. Le site est devenu une référence touristique lors des passages à Shköder, berceau de la culture albanaise.
Erton Rrukaj, manager de l’entreprise, nous ouvre les portes de la galerie. Une explosion de couleurs s’offre à nos yeux. Partout dans la pièce, des centaines de masques sont exposés, prêts à être vendus. Simples, avec des plumes, des visages d’animaux, des tableaux entiers dessinés sur les têtes, des cristaux… Il y en a pour tous les goûts.
Le parcours d’un artiste
Derrière cette œuvre d’art se cache un homme qui pratique ce métier depuis près de trente ans. Edmond Angoni, l’artiste et fondateur de cet atelier, nous rejoint dans la salle d’exposition, sa veste tachée de peinture.
Ayant émigré à Venise dans sa jeunesse, il revient sur ce qui l’a poussé à se convertir à l’art de la fabrication de masques il y a 28 ans. «Je travaillais dans un secteur différent de celui-ci, mais en regardant les artistes travailler à Venise, j’ai retenu ce qu’ils faisaient. En retournant en Albanie, je me suis mis à essayer de reproduire les masques de la Comedia Dell’Arte, c’est comme ça que j’ai commencé», raconte-t-il.
D’année en année, cette industrie a grandi. Aujourd’hui, l’entreprise possède 8 magasins à Venise et emploie 25 personnes dans la capitale de la Vénétie.

Une production artistique de plusieurs étapes
En entrant dans l’atelier, où les photos sont interdites, nous rencontrons une dizaine d’artistes, majoritairement des femmes, à l’ouvrage sur leurs tables. Chaque table consiste en une étape du long processus pour l’aboutissement d’un masque. Ici, la production à la chaîne n’existe pas. Chaque masque est quasi unique et il n’en existe aucune copie.

Tout commence par le moule en argile, la négative, comme le souligne Edmond Angoni qui fabrique lui-même les moules. Le papier mâché, matière première des masques, est placé dans le moule et y est laissé pendant près de 24 heures afin de sécher. Puis le processus de peinture et de décoration commence.
Chaque artiste se charge d’une tâche: la peinture, la mise en place des plumes, des ornements avec des perles de Swarovski, des tableaux et même de la disposition des fractures du masque… Il s’agit d’une série de douze étapes avant d’aboutir à un masque prêt à être exposé et vendu.
«Nous ne calculons pas les jours, un masque ne se termine pas en un seul jour, les phases font que cela nécessite du temps», indique Edmond Angoni. Lors des dernières années, l’atelier a produit près de 1.700 modèles de masques différents. «Ici, nous ne forçons pas les employés à travailler à un certain rythme, insiste Erton Rrukaj. Si un employé est fatigué, il ne fera pas de bon boulot. Il faut qu’il se repose afin que son travail soit optimal et qu’il ait la force d’être inspiré.»
Une clientèle internationale et une concurrence chinoise
Les masques les plus petits se vendent à partir de 25 euros. Mais la taille fait grimper les prix qui peuvent atteindre les 25.000 euros selon les dimensions du masque, le matériel utilisé pour le produire, pour les modèles les plus prestigieux.
L’atelier fournit des masques pour le carnaval de Venise où il vend 80% de sa production, mais l’atelier ne compte pas que sur cet événement qui ne dure qu’une dizaine de jours. Les masques fabriqués à Shköder sont devenus des produits de luxe partout dans le monde, ce qui fait augmenter la demande.
«Je ne peux pas vous dire combien de masques je vends chaque année, pas parce qu’il s’agit d’un secret, mais je suis un artiste», minimise-t-il. «Notre clientèle est répartie dans différentes régions du monde comme Las Vegas, La Nouvelle-Orléans, la France, l’Espagne», indique Edmond Angoni.
«Contrairement aux masques produits en Chine, nous utilisons la technique traditionnelle au papier mâché, souligne Erton Rrukaj, le manager. «Il suffit de toucher pour connaître la différence: un masque en plastique est reconnaissable du bruit dur qu’on entend lorsqu’on le touche, alors qu’un masque authentique en papier mâché résonnera d’un bruit sec.»
Il s'agit d'ne industrie artistique qui se fait aussi au bénéfice de sa région. «Les gens viennent à l’atelier puis vont à la citadelle», revendique Edmond Angoni. Sa galerie attire de plus en plus de touristes chaque année à Shköder, dans le nord du pays.
Avec Le courrier de l'aigle
 
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