Jean Malaurie, pionnier de l'étude des peuples premiers, s'est éteint

L'ethnologue, éditeur et explorateur Jean Malaurie, une figure emblématique de l'étude des peuples du Grand Nord et fervent défenseur de l'écologie, nous a quittés à l'âge de 101 ans, laissant derrière lui un héritage riche et diversifié.
Jean Malaurie, éminent ethnologue et fervent défenseur des peuples premiers, en particulier ceux habitant les confins glacés du Grand Nord, n’est plus. Sa disparition marque la fin d’une ère pour l’étude des cultures arctiques et la défense de l’environnement contre l’intrusion de la modernité occidentale. Son œuvre et sa vie ont été une célébration de la connexion profonde entre l’homme et la nature, ainsi qu’un plaidoyer pour une approche plus respectueuse des savoirs traditionnels et des modes de vie autochtones.
Malaurie, dont la passion pour le Grand Nord a pris la forme d’une véritable obsession, a consacré sa vie à documenter et à protéger ces territoires et leurs habitants. Auteur de douze ouvrages et fondateur de la collection influente «Terre humaine», il a toujours cherché à transcender les frontières disciplinaires, mélangeant géographie, ethnologie et histoire pour mieux comprendre l’humanité dans son ensemble.
Son parcours, marqué par une méfiance envers les systèmes philosophiques et les idéologies rigides, reflète un esprit libre et critique. Malaurie lui-même défiait les catégorisations simplistes, se définissant à la fois comme explorateur, scientifique, aventurier, écrivain et éditeur. Son engagement sur le terrain, notamment au Groenland et en Sibérie, ainsi que sa collaboration historique avec l’Inuit Kutsikitsoq pour atteindre le pôle Nord géomagnétique en 1951, témoignent de son approche immersive et respectueuse des cultures qu’il étudiait.

Son travail a également eu un impact significatif sur la reconnaissance des menaces écologiques pesant sur ces régions, notamment à travers sa critique de l’implantation d’une base nucléaire américaine au Groenland au début des années 1950. Cette expérience a été le catalyseur de la création de «Terre humaine», une collection visant à sensibiliser le public aux conséquences de l’industrialisation et à l’importance de préserver la diversité culturelle et écologique.

Grand défenseur du chamanisme, Malaurie voyait dans cette pratique une source de sagesse et un moyen de rétablir le lien perdu entre l’Occident et la nature. Il critiquait vivement la modernité pour avoir rendu les sens humains «fatigués», arguant que la dépendance à la technologie avait éloigné l’homme de sa capacité innée à interagir harmonieusement avec son environnement.
Né en Allemagne et ayant grandi dans une famille bourgeoise, Malaurie a trouvé sa vocation dans l’exploration des terres gelées dès son enfance. Sa résistance pendant la guerre et ses études ultérieures à Paris en lettres et en géographie l’ont préparé à sa future carrière au CNRS, où son travail de cartographe et de géocryologue au Groenland a façonné sa compréhension des dynamiques environnementales et culturelles du Grand Nord.
Malaurie laisse derrière lui un héritage durable, non seulement dans ses écrits et ses contributions académiques mais aussi dans son influence sur les générations futures d’ethnologues et d’écologistes. Sa vision, celle d’un monde où les cultures et les écosystèmes sont préservés et respectés, continue d’inspirer ceux qui luttent pour la protection de notre planète et de ses peuples les plus vulnérables.
En février 2021, il a choisi de se retirer de ses fonctions de président d’honneur de la collection «Terre humaine», mais son engagement et sa passion pour le sujet n’ont jamais faibli. Jusqu’à la fin de sa vie, Malaurie espérait que ses cendres seraient dispersées au-dessus de Thulé, au Groenland, un ultime geste symbolisant son lien indéfectible avec cette terre qui a tant marqué son existence.
Reconnu pour sa conscience écologique avant-gardiste, Malaurie a été salué par des personnalités telles que le prince Albert II de Monaco, qui l’a décrit comme un modèle pour tous ceux engagés dans la protection de notre planète. Sa disparition est une perte pour la communauté scientifique et pour tous ceux qui partagent son amour pour les régions polaires et leurs habitants.
Avec AFP
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