Le cannabis libanais, un or vert

On entend souvent dire que le cannabis libanais est parmi les meilleurs au monde. Cette affirmation a été soutenue par l’ancien ministre de l’Économie Raed Khoury, le député de Baalbek-Hermel Antoine Habchi, ainsi qu’un rapport de l’agence de conseil McKinsey & Co. publié en 2018. Il s’agit donc de mettre en lumière, dans ce qui suit, les bénéfices potentiels de la légalisation du cannabis à des fins médicales en termes de rentabilité.
Un atout national
Commençons par jeter un coup d’œil sur les données de l’ONU. Elles indiquent que le Liban est classé au troisième rang des principaux fournisseurs de résine de cannabis dans le monde, et le cinquième plus grand fournisseur de graines de cannabis en Asie, selon un rapport publié en 2019. L’ONU estime également que près de 40.000 hectares sont dédiés à la culture de cannabis au Liban, la plupart du temps exporté tel quel ou industrialisé.
Malgré la prohibition toujours en vigueur, la production de cannabis a atteint des niveaux records pendant la guerre du Liban (1975-1990). Ce n’est que le 21 avril 2020 que la culture de cannabis à des fins médicales a été légalisée au Liban, mais sans résultats concrets. Abbas al-Hajj Hassan, ministre sortant de l'Agriculture et proche du Hezbollah, a lui-même admis que les obstacles étaient principalement politiques plutôt que techniques, reconnaissant les bénéfices potentiels de cette loi, même si le parti chiite s'était opposé à sa légalisation il y a quatre ans.
Mais qu’est-ce qui rend donc le cannabis libanais attrayant? Interviewé par Ici Beyrouth, Antoine Habchi a souligné deux critères majeurs: la géographie et la compétitivité au niveau des prix. En effet, le climat et la qualité du sol sont idéaux pour la culture du cannabis, notamment dans la Békaa. Cela permet au Liban de réaliser des économies d’échelle, c’est-à-dire de réduire les coûts à mesure que la production augmente. Antoine Habchi indique que le coût de cannabis au Liban ne représente qu’un cinquième de celui du Canada, ce qui donne au Liban un avantage comparatif par rapport à d’autres pays.
En termes d’utilisation, plusieurs médicaments à base de cannabis sont approuvés chaque année par les autorités publiques dans les pays industrialisés, et des dizaines d’autres sont actuellement en phase d’essai. «Plusieurs études internationales ont prouvé l’intérêt de la légalisation, ce qui fait que le marché du cannabis thérapeutique s’annonce prometteur au Liban», affirme M. Habchi.
Un marché dynamique
La production actuelle mondiale de cannabis est bien inférieure aux besoins. Quand la demande est plus importante que l’offre, il y a pression sur les prix vers la hausse, ce qui doit attirer les producteurs, qui seront cette fois dans la plus claire légalité.
En plus de l'industrie pharmaceutique, plusieurs autres secteurs tels que le textile (notamment pour les fibres de chanvre), l'agroalimentaire (pour les produits comestibles à base de cannabis), et même la technologie liée à la culture ou à la distribution de cannabis pourraient bénéficier d'un essor. Cette diversification stimulerait la division du travail et offrirait l'opportunité à de nombreuses entreprises libanaises de se spécialiser dans leur domaine respectif au sein de l'économie.
Laissez faire le privé

La question demeure de savoir comment assurer les capitaux nécessaires pour amorcer les investissements dans ce secteur. Avec les conditions idéales disponibles au Liban pour le développement d'une telle industrie, de nombreuses entreprises privées pourraient être intéressées à investir, ce qui serait préférable à un éventuel monopole privé ou étatique. En effet, l'État ne dispose pas des ressources financières, techniques ou humaines nécessaires pour entreprendre une telle entreprise.
D’ailleurs, c’est la concurrence qui force les entreprises à s’adapter aux besoins de leurs clients. M. Habchi déplore l’absence d’un cadre régulatoire qui permettrait au secteur privé d’exercer son activité. «La loi a été promulguée il y a quatre ans; qu’est-ce qui empêche sa mise en place?», se demande-t-il.
Plus encore, la légalisation du cannabis pourrait favoriser la recherche et l’innovation dans le secteur, ce qui ferait naître des industries annexes.
Une aubaine pour les agriculteurs
Une conséquence intuitive de la légalisation du cannabis est la création de nouveaux emplois et de débouchés pour les agriculteurs, notamment pour les plus petits et dans des régions défavorisées. Cela est d'autant plus pertinent puisqu'ils seront libérés de l'influence des trafiquants qui sévit actuellement. De plus, avec les prévisions d'exportation, estimées à 1 milliard de dollars selon McKinsey, cela pourrait assainir la balance commerciale du pays.
Et l’État dans tout ça?
La légalisation du cannabis à des fins médicales pourrait augmenter aussi les recettes fiscales, étant donné que la production illégale actuelle ne rapporte rien à l’État.
Quant aux règlementations, il vaut mieux les limiter au strict minimum. En effet, ces dernières érigent souvent des barrières à l'entrée que seules les grandes entreprises peuvent contourner, ce qui favorise la création de monopoles et limite la concurrence.
L’économiste George Stigler (prix Nobel en 1982) soutenait que les agences publiques de règlementation finissent souvent par être «capturées» par les entités qu’elles sont supposées réglementer, et finissent par favoriser les intérêts de ces dernières. Hélas, on sait tous qui est le maître de céans au Liban, alors on ne peut pas espérer grand-chose de la création éventuelle d’une telle agence publique.
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