©(Photo de STEPHANE DE SAKUTIN/AFP)
Rescapé du génocide arménien, apatride et communiste, Missak Manouchian est devenu une figure de la Résistance, dont le combat a permis de mettre en lumière le rôle essentiel joué par les étrangers en France dans la lutte contre le nazisme.
Il doit entrer mercredi au Panthéon, nécropole laïque des «Grands Hommes» français à Paris, dont la «patrie reconnaissante» entend honorer la mémoire.
Né le 1ᵉʳ septembre 1906 à Adiyaman, dans l'actuelle Turquie, et mort fusillé par les nazis le 21 février 1944 au Mont-Valérien, Missak Manouchian est issu d'une famille paysanne. Très jeune, il se retrouve orphelin, après la mort de son père tué lors du génocide arménien de 1915, puis de sa mère emportée par la famine.
Les massacres par l'Empire ottoman de jusqu'à 1,5 million d'Arméniens en 1915-1916 sont reconnus comme génocide par de nombreux historiens et une trentaine de pays mais pas par la Turquie.
Caché par une famille kurde, il est recueilli avec son frère Garabed dans un orphelinat de Jounieh, dans l'actuel Liban, où il se découvre un goût pour l'écriture et apprend le métier de menuisier.
Au milieu des années 1920, à bord du bateau qui le transporte de Beyrouth à Marseille, Missak s'épanche dans un long poème sur les espoirs que lui inspire sa future terre d'accueil.
Pendant un temps, Missak, surnommé Michel, exerce aux chantiers navals de La Seyne-sur-Mer, dans le sud de la France. Mais il n'apprécie guère ce travail et monte avec Garabed à Paris où il est embauché comme tourneur à l'usine Citroën du quai de Javel.
Ballotté de crise personnelle, avec la mort de son frère en 1927, en crise économique, avec la perte de son emploi lors de la Grande dépression du début des années 1930, Missak enchaîne les métiers tout en continuant d'explorer sa fibre artistique.
«Il s'intéressait aussi à la musique, à l'Histoire, il suivait des cours à la bibliothèque ouvrière, fréquentait la bibliothèque Sainte-Geneviève, écrivait des poèmes... Il avait même suivi des cours d'écriture de scénario !», raconte Katia Guiragossian, petite-nièce du résistant arménien.
En 1933, puis en 1940, Missak Manouchian fait des demandes de naturalisation française, qui lui seront refusées.
En 1934, le jeune homme rejoint le Parti communiste français (PCF) et le Comité de secours pour l'Arménie. C'est là qu'il rencontre Mélinée, elle aussi orpheline survivante du génocide arménien.
Née Mélinée Soukémian en 1913 à Constantinople, devenue Istanbul, elle est issue d'une famille aisée de fonctionnaires de l'Empire ottoman. Après la mort de ses parents, elle vit en Grèce, dans un orphelinat de Corinthe avant d'être envoyée en 1926 à Marseille pour poursuivre ses études.
Après une formation de comptable et de sténo-dactylographe, elle s'installe à Paris. Tous deux apatrides, Missak et Mélinée ont en commun un attachement à la culture française. Le couple se marie le 22 février 1936.
Trois ans plus tard, Missak Manouchian est interné comme communiste étranger dans un camp, puis incorporé dans l'armée. À son retour en 1940 dans Paris occupée, il poursuit clandestinement son activité militante, distribuant des tracts anti-hitlériens avec son ami historien Arsène Tchakarian.
Début 1943, il rejoint le groupe armé de la résistance communiste, les Francs-tireurs et partisans - main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI).
La soixantaine de Polonais, Italiens ou Arméniens dirigés à compter de l'été 1943 par Missak Manouchian mène une centaine d'actions contre l'occupant : sabotages, déraillements, attaques de soldats... Jusqu'à leur principal fait d'armes, le 28 septembre 1943 : le meurtre du général SS Julius Ritter, responsable du Service du travail obligatoire (STO), rue Pétrarque à Paris.
Le matin du 16 novembre 1943, alors que Missak Manouchian doit retrouver le chef des FTP de la région parisienne, Joseph Epstein, à la gare d’Evry-Petit-Bourg, les deux hommes sont arrêtés puis torturés et emprisonnés pendant plusieurs mois.
Au terme d'un simulacre de procès relaté dans la presse collaborationniste, Missak Manouchian est fusillé à l'âge de 37 ans, avec une vingtaine de ses camarades. Son épouse Mélinée décèdera en 1989.
Dix d'entre eux figuraient sur «l'Affiche rouge» placardée dans les rues par l'occupant allemand, qui les présentait comme «l'armée du crime» menée par le «chef de bande» Manouchian et leur imputait «56 attentats, 150 morts, 600 blessés».
«L'Affiche rouge voulait en faire des assassins, mais en a fait des héros», souligne l'historien Denis Peschanski, auteur du livre «Des étrangers dans la Résistance» et responsable scientifique du comité Missak Manouchian au Panthéon.
Dans sa dernière lettre adressée à Mélinée, quelques heures avant d'être passé par les armes, Missak écrivait : «je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement».
Avec AFP
Il doit entrer mercredi au Panthéon, nécropole laïque des «Grands Hommes» français à Paris, dont la «patrie reconnaissante» entend honorer la mémoire.
Né le 1ᵉʳ septembre 1906 à Adiyaman, dans l'actuelle Turquie, et mort fusillé par les nazis le 21 février 1944 au Mont-Valérien, Missak Manouchian est issu d'une famille paysanne. Très jeune, il se retrouve orphelin, après la mort de son père tué lors du génocide arménien de 1915, puis de sa mère emportée par la famine.
Les massacres par l'Empire ottoman de jusqu'à 1,5 million d'Arméniens en 1915-1916 sont reconnus comme génocide par de nombreux historiens et une trentaine de pays mais pas par la Turquie.
Caché par une famille kurde, il est recueilli avec son frère Garabed dans un orphelinat de Jounieh, dans l'actuel Liban, où il se découvre un goût pour l'écriture et apprend le métier de menuisier.
Au milieu des années 1920, à bord du bateau qui le transporte de Beyrouth à Marseille, Missak s'épanche dans un long poème sur les espoirs que lui inspire sa future terre d'accueil.
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Poète ouvrier
Pendant un temps, Missak, surnommé Michel, exerce aux chantiers navals de La Seyne-sur-Mer, dans le sud de la France. Mais il n'apprécie guère ce travail et monte avec Garabed à Paris où il est embauché comme tourneur à l'usine Citroën du quai de Javel.
Ballotté de crise personnelle, avec la mort de son frère en 1927, en crise économique, avec la perte de son emploi lors de la Grande dépression du début des années 1930, Missak enchaîne les métiers tout en continuant d'explorer sa fibre artistique.
«Il s'intéressait aussi à la musique, à l'Histoire, il suivait des cours à la bibliothèque ouvrière, fréquentait la bibliothèque Sainte-Geneviève, écrivait des poèmes... Il avait même suivi des cours d'écriture de scénario !», raconte Katia Guiragossian, petite-nièce du résistant arménien.
En 1933, puis en 1940, Missak Manouchian fait des demandes de naturalisation française, qui lui seront refusées.
En 1934, le jeune homme rejoint le Parti communiste français (PCF) et le Comité de secours pour l'Arménie. C'est là qu'il rencontre Mélinée, elle aussi orpheline survivante du génocide arménien.
Née Mélinée Soukémian en 1913 à Constantinople, devenue Istanbul, elle est issue d'une famille aisée de fonctionnaires de l'Empire ottoman. Après la mort de ses parents, elle vit en Grèce, dans un orphelinat de Corinthe avant d'être envoyée en 1926 à Marseille pour poursuivre ses études.
Après une formation de comptable et de sténo-dactylographe, elle s'installe à Paris. Tous deux apatrides, Missak et Mélinée ont en commun un attachement à la culture française. Le couple se marie le 22 février 1936.
Trois ans plus tard, Missak Manouchian est interné comme communiste étranger dans un camp, puis incorporé dans l'armée. À son retour en 1940 dans Paris occupée, il poursuit clandestinement son activité militante, distribuant des tracts anti-hitlériens avec son ami historien Arsène Tchakarian.
«Chef de bande»
Début 1943, il rejoint le groupe armé de la résistance communiste, les Francs-tireurs et partisans - main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI).
La soixantaine de Polonais, Italiens ou Arméniens dirigés à compter de l'été 1943 par Missak Manouchian mène une centaine d'actions contre l'occupant : sabotages, déraillements, attaques de soldats... Jusqu'à leur principal fait d'armes, le 28 septembre 1943 : le meurtre du général SS Julius Ritter, responsable du Service du travail obligatoire (STO), rue Pétrarque à Paris.
Le matin du 16 novembre 1943, alors que Missak Manouchian doit retrouver le chef des FTP de la région parisienne, Joseph Epstein, à la gare d’Evry-Petit-Bourg, les deux hommes sont arrêtés puis torturés et emprisonnés pendant plusieurs mois.
Au terme d'un simulacre de procès relaté dans la presse collaborationniste, Missak Manouchian est fusillé à l'âge de 37 ans, avec une vingtaine de ses camarades. Son épouse Mélinée décèdera en 1989.
Dix d'entre eux figuraient sur «l'Affiche rouge» placardée dans les rues par l'occupant allemand, qui les présentait comme «l'armée du crime» menée par le «chef de bande» Manouchian et leur imputait «56 attentats, 150 morts, 600 blessés».
«L'Affiche rouge voulait en faire des assassins, mais en a fait des héros», souligne l'historien Denis Peschanski, auteur du livre «Des étrangers dans la Résistance» et responsable scientifique du comité Missak Manouchian au Panthéon.
Dans sa dernière lettre adressée à Mélinée, quelques heures avant d'être passé par les armes, Missak écrivait : «je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement».
Avec AFP
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