Le Trésor américain, via une délégation en visite au Liban la semaine dernière, a pressé le Liban d’entreprendre des réformes structurelles nécessaires pour être aidé. Il a surtout exigé d’endiguer les flux monétaires passant par le Liban et envoyés à des organisations jugées terroristes.
Une délégation du Trésor américain menée par un haut fonctionnaire s’est entretenue la semaine dernière, loin des feux de la rampe, avec le président de la Commission parlementaire des finances et du budget, Ibrahim Kanaan, et les députés Fouad Makhzoumi, Ghassan Hasbani et Ghada Ayoub. La délégation a également rencontré le Premier vice-gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Wassim Mansouri. Il convient toutefois de noter que cette réunion n’est pas une première, puisque le Trésor américain effectue régulièrement de telles rencontres.
Des sources ont indiqué à Ici Beyrouth que les inquiétudes du Trésor américain portent sur l'économie croissante du cash qui pourrait être utilisée pour financer des organisations désignées comme terroristes dans la région. Le Trésor US aurait même insinué que, sans mesures prises pour contrer ces flux monétaires, il serait quasiment impossible pour le Liban d'obtenir des financements pour sortir de la crise économique et financière dans laquelle il est plongé.
La délégation a par ailleurs réclamé une réforme du secteur bancaire afin de recouvrer la confiance et réduire cette économie du cash. À noter que, selon la Banque mondiale, l’économie du cash représente au Liban 47% du PIB, soit 9,5 milliards de dollars.
Elle a, en outre, exprimé le risque que le Liban soit inscrit sur la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI), ce qui aurait pour conséquence que les banques correspondantes cessent de traiter avec les banques libanaises. «Toutefois, une telle mesure constituerait un élément supplémentaire pour aider l’économie du cash et non l’inverse», explique la source. Et celle-ci d’ajouter qu’«une répression contre les prestataires de services en espèces consisterait à renforcer la réglementation sur les points de transfert et de change et à intensifier immédiatement l'application des lois. Parce qu'une réforme du secteur bancaire prendrait plus de temps et pourrait ne pas conduire aux résultats escomptés à court terme ».
Rappelons que le GAFI, un organisme de surveillance de la criminalité financière, a publié en juin dernier sa «liste grise» des pays faisant l’objet d’une surveillance particulière en raison de pratiques inadéquates au niveau de la prévention du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. Le Liban ne figurait pas sur cette liste, alors qu’une première évaluation avait fait craindre le contraire.
De plus, dans son rapport paru en décembre dernier, l'organisation a révélé que le Liban est conforme ou largement conforme à 34 recommandations sur 40.
«Cela veut dire que le secteur bancaire au Liban, malgré la grande étendue de l’économie du cash, fait de son mieux pour être compatible avec les normes internationales pour combattre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme», a expliqué l’économiste en chef de la Byblos Bank.
Des transferts de fonds au Hamas et au Hezbollah
Tout a commencé lorsqu’en mars 2020, le Liban a opté pour un défaut de paiement sur 32 milliards de dollars de dette souveraine et ignoré par la suite les conséquences d’un défaut de paiement. Cette négligence a permis la prolifération d’une économie du cash dans des domaines aussi divers que l’immobilier, l’énergie solaire, les produits pharmaceutiques et le commerce illicite du Captagon.
Selon les sources précitées, le Trésor s’est montré particulièrement préoccupé par les mouvements de fonds au Hamas via le Liban, ainsi que les fonds du Hezbollah provenant d'Iran et arrivant au Liban d'où ils sont redirigés. Aussi, a-t-il demandé que des mesures efficaces soient prises par les autorités libanaises pour lutter contre les sociétés de services financiers illégales qui ont profité de l'effondrement du système bancaire. Il a par ailleurs exigé que le Liban respecte les normes mondiales de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
Une chose demeure certaine: l’économie libanaise nécessite une refonte totale, une fois que l'État et ses institutions seront eux-mêmes réformés et restructurés.
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