John Kennedy: «L'humanité devra mettre fin à la guerre, ou c'est la guerre qui mettra fin à l'humanité.»
«Aide-toi, le ciel t’aidera.» Contrairement à une idée reçue, ce proverbe, fourvoyé dans la morale et utilisé à temps et à contretemps, ne trouve pas son origine dans les Écritures saintes. Il figure dans la fable Le Chartier embourbé de Jean de La Fontaine.
Dans celle-ci, un homme invoque la providence, en l’occurrence de «dieu» Hercule, pour tirer son char de la boue; en réponse, une voix issue des cieux l’invite à faire sa part de travail nécessaire, avant d’invoquer le ciel. Chose faite, l’homme parvient à dégager son char de lui-même. D’où le proverbe. Ainsi, le salut terrestre est offert, encore faut-il que l’homme tende la main pour le saisir.
«Aucun système constitutionnel ne se prolonge sans être soutenu par une volonté de vivre ensemble qui est en acte de chaque jour, même si on l’oublie. Lorsque ce vouloir s’effondre, toute l’organisation politique se défait, très vite. Jamais la Cité n’existe par la seule inertie de son système institutionnel. La continuité et la rénovation de ce vouloir font l’objet de notre responsabilité», dit le philosophe chrétien Paul Ricœur dans son ouvrage Philosophie, éthique et politique.
Morale de l’histoire pour nous: si le dialogue est bloqué, si le sort du Liban est en jeu, il faut se parler. Assumons-nous. Négocions avec réalisme, faisons preuve d’imagination. Le Liban ne peut pas continuer à dériver comme un navire sans capitaine. À notre niveau aussi, le «drapeau blanc» du compromis dont vient de parler le pape François à propos de l’Ukraine, et qui a fait polémique, doit être hissé.
Détournement de finalité
Pour commencer, dénonçons cette hérésie constitutionnelle qui consiste à s’absenter d’une séance parlementaire et à provoquer un défaut de quorum, au nom d’un hypothétique «droit» démocratique. On n’a pas le droit de bloquer la démocratie au nom de la démocratie. Le bulletin blanc n’a pas été inventé pour rien. Ce faisant, les députés utilisent «leur droit» contre leur devoir; ils détournent l’institution de sa finalité. Il y a là une forme d’imposture juridiquement légitimée qui doit être sanctionnée, puisque l’abus de démocratie entraîne un recul de la démocratie, un accroissement du désordre, à la fois individuel, constitutionnel et social; puisqu’au principe de vie démocratique est opposé un principe de blocage, de destruction, de désordre et, somme toute, de mort.
Sur le fond, «loin d’être une idée faible», le compromis «est une idée extrêmement forte», dit Ricœur. C’est «une barrière entre l’accord et la violence ». À notre échelle, comme à l’échelle mondiale, tout en invoquant la Providence et en multipliant les invocations, il faudra suivre les conseils de La Fontaine, si nous voulons éviter l'apocalypse.
Une adresse récente du pape à l’Ukraine a été interprétée par Kiev comme un appel à la reddition. Or, en demandant à l’Ukraine d’avoir le courage de hisser «le drapeau blanc de la négociation», le pape ne lui demandait pas de capituler, mais de penser au coût humain de la poursuite du conflit; d’un conflit qui fait la prospérité de l’industrie des armements et des marchands d’armes.
Ce coût humain alarmant a été évoqué en 1965, du haut de la tribune des Nations unies, par le pape Paul VI. «Écoutez, tonnait-il, les paroles lucides d'un grand disparu, John Kennedy, qui proclamait, il y a quatre ans: 'L'humanité devra mettre fin à la guerre, ou c'est la guerre qui mettra fin à l'humanité.' Il n'est pas besoin de longs discours pour proclamer la finalité suprême de votre institution. Il suffit de rappeler que le sang de millions d'hommes, que des souffrances inouïes et innombrables, que d'inutiles massacres et d'épouvantables ruines sanctionnent le pacte qui vous unit en un serment qui doit changer l'histoire future du monde: jamais plus la guerre, jamais plus la guerre. C'est la paix, la paix, qui doit guider le destin des peuples et de toute l'humanité.»
Le «jamais plus la guerre» a été lancé par des hommes et des femmes effrayés par le coût humain des guerres mondiales du XXe siècle. Cette frayeur devrait être, a fortiori, la nôtre, nous qui vivons à l’ère des tyrans, des drones, des têtes atomiques et de la «guerre des étoiles». Emmanuel Macron, qui propose d’envoyer des troupes européennes au sol pour assister l’Ukraine en difficulté, semble l’avoir oublié.
À notre échelle, combien d’odieux massacres d’enfants et de femmes, combien de morts innocentes va encore coûter le rêve d’une victoire totale d’Israël contre le Hamas? Combien d’hommes vont encore tomber au Liban-Sud, et combien de maisons et de champs seront détruits, avant que la guerre préventive lancée par le Hezbollah ne prouve son inutilité? Combien de temps faudra-t-il encore attendre avant de s’asseoir, de se parler et de parvenir à un compromis?
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