L'invasion russe en Ukraine lui avait pris toute la lumière, la guerre entre Israël et le Hamas semblait l'avoir totalement remisé au placard. Mais l'attaque du Crocus City Hall à Moscou, vendredi 22 mars, l'a brutalement remis au centre de l'attention des cercles sécuritaires: le groupe jihadiste Daesh est toujours présent et semble décidé à poursuivre ses attaques.
Les opérations menées par le Kremlin contre Kiev ont notamment contribué à cette cécité. Concentré sur cette dernière, le Service fédéral de sécurité russe (FSB) a sans doute restreint les ressources allouées à la lutte contre le jihadisme sur son territoire, quand bien même celui-ci semble à présent reparti à la hausse.
Le 7 mars dernier, le principal organe de renseignement de Moscou affirmait avoir déjoué une autre tentative de Daech, visant une synagogue à Kaluga, dans la banlieue sud-ouest de la capitale russe. Autre fait marquant, l'avertissement communiqué par les renseignements américains à leurs homologues russes la même journée, doublé d'une consigne de sécurité pour leurs ressortissants sur place.
Moscow, Russia: The Embassy is monitoring reports that extremists have imminent plans to target large gatherings in Moscow, to include concerts, and U.S. citizens should be advised to avoid large gatherings over the next 48 hours. As a reminder, our Travel Advisory for Russia is… pic.twitter.com/J5oLgOvFY4
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— Travel - State Dept (@TravelGov) March 7, 2024
Daech-Khorassan
Tandis que la Russie panse ses plaies, son dirigeant, Vladimir Poutine, semble avoir décidé d'incriminer l'Ukraine par tous les moyens possibles. Pour autant, la menace de Daech demeure.
La cellule suspectée d'avoir frappé Moscou est, par ailleurs, similaire à celle qui a visé l'Iran presque trois mois plus tôt: il s'agit de la branche afghane de l'organisation jihadiste. Celle-ci est nommée Daech-Khorassan, du nom d'une ancienne province englobant l'Afghanistan et une partie de l'Asie centrale.
Un soldat afghan pointe son arme sur une bannière du groupe État islamique alors qu'il patrouille dans le district de Kot, dans l'est de la province afghane de Nangarhar, le 26 juillet 2016. (NOORULLAH SHIRZADA / AFP)
Cette filière fut officiellement créée en 2015, au moment où le «califat» d'Abou Bakr al-Baghdadi était au summum de sa puissance. Selon Hans-Jakob Schindler, directeur de l'ONG Counter Extremism project (CEP) et ancien expert des Nations unies sur le terrorisme, il s'agit du fait d'émissaires de l'organisation mère venus d'Irak et de Syrie. Son importance s'est depuis progressivement accrue. «Ils ont des liens très étroits avec la centrale, bien plus que les autres filiales» du groupe dans le monde, ajoute M. Schindler, dans une interview donnée au journaliste de l'AFP Didier Lauras.
Dans un rapport publié deux jours avant l'attaque de Moscou, le think tank américain Washington Institute for Near East Policy affirme quant à lui que l'annexe afghane est désormais devenue «le fer de lance des opérations extérieures» de l'organisation.
«Les complots Daech-Khorassan devraient être considérés comme la plus grande menace mondiale de l’organisation aujourd’hui», précise notamment ce rapport.
Résurgences syriennes et sahéliennes
Pour autant, l'activisme de Daech-Khorassan au niveau international ne doit pas faire oublier le regain d'activité des autres «provinces» de Daech. C'est d'abord le cas en Afrique de l'Ouest, où les reconfigurations politiques engendrées par une succession de coups d'États ont favorisé la résurgence de l'organisation régionalement.
Une tendance confirmée par les conclusions du Washington Institute: selon ce dernier, la zone géographique concernée regroupe le plus grand nombre d'attaques menées au nom du groupe jihadiste entre mars 2023 et mars 2024, soit 403 sur un total de 1.119. Une recrudescence des attaques qui a notamment mené le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à désigner la région comme «nouvel épicentre» du terrorisme global.
Les forces irakiennes participent à une opération contre le groupe État islamique à al-Miqdadiyah dans la province irakienne de Diyala, le 10 mars 2024. (Younis AL-BAYATI / AFP)
Quant à la «province» d'origine de l'organisation, elle ne demeure pas en reste, avec 158 attaques revendiquées en Irak et 189 en Syrie, toujours selon le Washington Institute. Concernant la seconde, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) fait régulièrement état d'embuscades contre des civils se rendant dans des zones isolées à la recherche de truffes. Dernier épisode en date: le massacre de onze prospecteurs du fameux champignon dans le désert syrien, dimanche 24 mars.
Vers une nouvelle vague d'attaques dans le monde?
Néanmoins, Daech-Khorassan a depuis supplanté son parrain syro-irakien comme principale plateforme, pour frapper non seulement la Russie et l'Iran, mais aussi l'Occident, et en particulier l'Europe.
L'exemple le plus récent en la matière remonte à mardi 19 mars, lorsque les autorités allemandes ont annoncé l'arrestation de deux présumés jihadistes afghans, soupçonnés de préparer un attentat près du Parlement suédois. D'autres réseaux similaires émanant de Daech-Khorassan avaient auparavant été démantelés en Europe en 2020, 2022 et 2023, indique Didier Lauras.
Même son de cloche du côté de Paris. Dans la foulée de l'attentat de Moscou, le président français, Emmanuel Macron, a annoncé que la filiale du groupe jihadiste «avait conduit ces derniers mois plusieurs tentatives sur notre propre sol». Et de décider en conséquence de «hausser la posture» du dispositif antiterroriste Vigipirate... qui avait pourtant été abaissée en janvier dernier.
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