À peine l'initiative du bloc de la Modération avait-elle commencé à progresser vers la sortie de l'élection présidentielle du statu quo qu'elle a été brutalement contrecarrée par ceux-là mêmes qui l'avaient initialement approuvée. En effet, après avoir bénéficié du soutien de la plupart des forces de l’opposition, elle s'est rapidement heurtée à des obstacles de forme concernant l’entité chargée de convoquer les sessions de consultation, leur présidence, en plus de la convocation des sessions électorales avec la garantie qu'il n'y aurait pas de manipulation du quorum.
Sans oublier les obstacles de fond posés par le bloc de la «Loyauté à la Résistance» (Hezbollah), un pilier du duopole chiite, qui a répondu à l'initiative en affirmant son attachement à Sleiman Frangié comme candidat ultime, fermant ainsi la voie aux démarches en faveur de l'élection présidentielle. Jusqu'à présent, ce dernier n'a pas répondu aux questions du bloc de la Modération, à l'instar du courant des Marada et du bloc de «l’Entente nationale», rejetant ainsi implicitement l'initiative.
Partant, les FL affirment que la prise de position du Hezbollah en faveur de Frangié, ainsi que la volonté du président de la Chambre, Nabih Berry, de dialoguer comme préalable à l’élection constituent un signe clair de refus de l’élection, «le mot d'ordre n'ayant pas encore été donné par l’Iran».
De même, l’un des candidats à la présidence déclare: «Nous attendons le règlement de la situation dans la région, vu que le président en sera le produit et la concrétisation pratique».
Par ailleurs, la visite aux Émirats du responsable du «Comité de liaison et de coordination» du Hezbollah, Wafic Safa, s’inscrit dans le cadre des pourparlers en vue d’un règlement, même si elle est placée sous la rubrique de la libération de Libanais (chiites) des prisons, et ce, en exécution de jugements judiciaires. Il s’avère que la visite a été préparée en amont en Syrie, Damas ayant accueilli Safa et le conseiller émirati à la sécurité nationale, Tahnoun ben Zayed.
De son côté, Oman a organisé la visite de M. Safa aux Émirats dans le cadre des efforts pour parvenir à un règlement dans le nouveau Moyen-Orient auquel le Hezbollah s’intègrera.
En amont de la visite de Wafic Safa aux Émirats arabes unis, où la décorrélation des confrontations au Sud de la guerre à Gaza était au centre de ses discussions, les tensions au sud ont considérablement diminué après que le Hezbollah a réduit le nombre de ses combattants à la frontière.
Cette étape pourrait-elle être le prélude à l'arrêt des opérations en concomitance avec le cessez-le-feu prévu à Gaza, afin de mettre en œuvre la Résolution 1701 et régler les divergences concernant les points frontaliers contestés ?
Étant donné que l'élection du président sera le résultat du règlement et non d’un accord interne, il semblerait que les gesticulations à l’intérieur servent à combler le vide pendant cette attente. Voilà pourquoi le Hezbollah s’accroche à son candidat, sachant que le règlement n'est pas encore arrivé à maturité.
Pendant ce temps, Bkerké est entré en action en organisant une série de réunions entre les forces chrétiennes, auxquelles seul le courant des Marada manquait à l'appel. Avant la troisième réunion, les Forces libanaises (FL) ont remis au patriarche maronite un document de travail politique y exposant leur vision, tandis que le Courant patriotique libre (CPL) présentait le sien.
Selon un des participants aux réunions, le sujet le plus épineux concernait les armes du Hezbollah, alors que les participants ont convergé autour de 90% des autres sujets.
Cependant, il est impératif de trouver une solution consensuelle pour aborder la question des armes qui serait acceptable pour le CPL, en mettant l’accent sur la nécessité de respecter les résolutions internationales, en particulier la résolution 1559, dont le général Michel Aoun était l’artisan.
C'est d’ailleurs la raison pour laquelle les Marada n'ont pas participé aux réunions malgré les invitations répétées de Mgr Antoine Abou Najm.
Dans ce contexte, des cercles chrétiens répliquent aux accusations portées contre eux et, plus spécifiquement, contre les maronites, selon lesquelles ces derniers seraient responsables du blocage présidentiel en raison de leurs divisions, en déclarant: «Quand nous nous sommes mis d'accord sur un candidat et que le CPL a trouvé un terrain d’entente avec l’opposition et les forces souverainistes en proposant Jihad Azour, les députés du duopole chiite ont vite fait de torpiller le quorum de la deuxième séance du 24 juin, au cours de laquelle Azour avait obtenu 59 voix et Frangié 51, de peur de voir Azour remporter la victoire».
Des cercles diplomatiques occidentaux affirment que le dossier de l'échéance présidentielle est mis sur des charbons ardents. Partant, Doha convoque des personnalités libanaises à des consultations. Dans ce contexte, l’on rapporte que le président de la Chambre, Nabih Berry, s'est désisté de la visite et a chargé son adjoint, le député Ali Hassan Khalil, de transmettre un message aux responsables exposant sa vision de la solution.
L’on ajoute que la solution à l'étude dépasse les contours de l'accord de Doha et se situe en deçà des paramètres établis par l'accord de Taëf.
Il n’en reste pas moins que les forces souverainistes s'opposent à toute discussion sur le changement du système et l’amendement de Taëf dans le contexte actuel. Elles attendent plutôt que les conditions internes et externes soient propices; d'autant que la région se dirige vers un nouveau Moyen-Orient, avec comme mot d’ordre: «Pas d'armes en dehors de la légalité.»
En conséquence, un responsable arabe affirme que tout règlement s’inscrira dans le cadre de Taëf, tandis qu'un ancien député ayant participé aux réunions de Taëf rappelle que «la Constitution est un texte au service de l'État, et non des individus, qui prévoit le mécanisme de l'élection présidentielle. Nul besoin donc d’interprétation vu que le texte existe, et pas de pratiques hors du cadre défini par la Constitution».
Ce point de vue est soutenu par les forces souverainistes, rétives au changement des fondements intrinsèques de l'État, étant donné que Taëf consacre la formule de coexistence basée sur la parité entre chrétiens et musulmans et renforce l'unité nationale.
Telle est l'essence de Taëf qui ne peut être remise en cause de peur de porter atteinte à l'ordre et à l'unité nationale.
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