Le sort des parties aux baux commerciaux anciens demeure incertain, en dépit de la décision du Conseil d'État du 5 avril 2023 de suspendre le décret-loi no 12835 relatif au renvoi par le gouvernement au Parlement de la loi sur les baux commerciaux.
Jusqu’à ce que le Conseil d’État statue sur le fond du décret-loi n°12835 sur les baux commerciaux anciens en l’annulant ou en rejetant la demande de son annulation, le contentieux entre les parties au contrat de bail commercial ancien demeure entier. Quant au droit en la matière, il reste considéré comme un droit protecteur du locataire, mettant en avant ses intérêts au nom «d’une certaine justice sociale».
En revanche, le Rassemblement des propriétaires de biens immobiliers loués au Liban a considéré la décision préliminaire du Conseil d'État, suspendant la mise en œuvre du décret-loi n°12835 comme «un pas en avant vers le renvoi par le gouvernement au Parlement de la loi sur les baux commerciaux, visant à la libéralisation des ces derniers et la préservation des droits des anciens propriétaires».
Recevable dans la forme
Le Conseil d’État a considéré «recevable dans la forme» la requête du Rassemblement des propriétaires de biens immobiliers loués au Liban. En d’autres termes, la juridiction administrative a considéré que le requérant a suffisamment d’intérêt pour agir. Ainsi, elle s’est écartée quelque peu de sa jurisprudence restrictive concernant le sujet du recours devant le tribunal administratif.
La contestation administrative
Le Rassemblement des propriétaires de biens immobiliers loués au Liban a mis en cause l’Exécutif pour n’avoir pas respecté le Législatif en s’appuyant sur la Constitution libanaise. Le débat se situe davantage sur un plan fondamental que sur l’opposition de deux points de vue individuels.
Autorité de la chose jugée
Dans les faits, le litige est en cours et le Conseil d’État aura besoin de plusieurs mois avant de trancher et d’émettre son jugement définitif qui revêtira le caractère d’autorité de la chose jugée.
Entre-temps, de fortes pressions sont exercées sur le Premier ministre sortant, Najib Mikati, pour récupérer le décret-loi et procéder à sa publication afin de devenir exécutoire.
Une interprétation restrictive de la décision préliminaire du Conseil d’État n’oblige pas le chef du gouvernement d’expédition des affaires courantes à faire quoi que ce soit.
Acte de gouvernement
Dans ce cas de figure précis, la décision préparatoire du Conseil d’État a consacré sa compétence à trancher sur le fond, écartant l’hypothèse selon laquelle le renvoi par le Premier ministre du décret-loi au Parlement pour une seconde lecture est un acte de gouvernement. Pour rappel, un acte de gouvernement est celui pris par le pouvoir exécutif, et qui ne peut pas être remis en question par les tribunaux parce qu’il nécessite une expertise politique plutôt que juridique pour être évalué.
Violation en série
Le Parlement a voté, article par article, la loi du 15 décembre 2023 sur les baux commerciaux anciens. En janvier 2024, le Premier ministre sortant, Najib Mikati, a retiré par décision unilatérale le décret-loi sur les baux commerciaux d’une liste de décrets-lois supposés être publiés au Journal officiel et l’a renvoyé à la Chambre pour une relecture. Il a ignoré le fait que cette prérogative revient au seul président de la République, d’une part, et il a passé outre le consentement du gouvernement, d’autre part.
Le décret-loi n°12835 avait mis une fin progressive, étalée sur une période de quatre ans, au blocage des loyers commerciaux anciens. Elle a ainsi emboîté le pas à la loi sur la libéralisation progressive, étalée sur neuf ans, des baux résidentiels votée en 2014 et légèrement amendée en 2017.
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