©Crédit photo: Julien De Rosa/AFP
Astrig Siranossian, talentueuse violoncelliste française d’origine arménienne, se consacre à la redécouverte et à la promotion des œuvres de compositrices longtemps négligées, comme Nadia et Lili Boulanger.
Astrig Siranossian, 35 ans, est une violoncelliste virtuose et engagée. Récemment, lors de la cérémonie d’entrée au Panthéon du résistant Missak Manouchian, c’est son violoncelle qui a retenti, interprétant Grounk l’oiseau d’Arménie, une mélodie populaire symbolisant la liberté et l’espoir. Un choix personnel pour cette musicienne française d’origine arménienne, dont les grands-parents ont fui le génocide arménien.
Mais, au-delà de cet engagement personnel, Astrig Siranossian se passionne pour la redécouverte et la promotion des compositrices oubliées. Elle lance ainsi, vendredi, à Trouville-sur-Mer, la première édition d’un festival dédié à Nadia et Lili Boulanger, deux sœurs compositrices du début du vingtième siècle qui ont marqué le monde de la musique classique, mais ont été «mises de côté pendant de très nombreuses années», selon la musicienne.
Pourtant, leur influence fut considérable: Nadia Boulanger compta, parmi ses élèves, de grands noms comme George Gershwin, Michel Legrand ou Quincy Jones, tandis que Lili fut la première femme à remporter le premier grand prix de Rome de composition en 1913. Astrig Siranossian souhaite donc «donner de la place» à ces «figures inspirantes», alors que les compositrices demeurent encore largement sous-représentées dans les programmations de musique classique.
En 2020, elle a enregistré un disque, Dear Mademoiselle, en hommage à Nadia Boulanger, avec Daniel Barenboïm et Nathanaël Gouin au piano. Le festival de Trouville est un pas supplémentaire dans cette démarche, où elle interprétera notamment les Trois pièces pour violoncelle et piano de Nadia Boulanger, ainsi que la Sonate pour violoncelle et piano de Marcelle Soulage, une élève de Nadia, une œuvre «jamais jouée» ces dernières décennies «ni enregistrée», souligne Astrig Siranossian, qui a déniché la partition.
Car son objectif est aussi d’aller à la recherche de partitions oubliées, notamment auprès de diverses fondations et de favoriser leur réédition par les maisons d’édition. «Cette période de redécouverte des compositrices est géniale: on a de la musique restée pliée sur papier pendant des années et, d’un coup, elle reprend vie! La musique ne vit que si elle est jouée», s’enthousiasme-t-elle.
Née dans une famille de musiciens, Astrig Siranossian se produit régulièrement sur de grandes scènes, en musique de chambre ou en soliste (Philharmonie de Paris, Carnegie Hall à New York, Berlin, Bruxelles, Buenos Aires…). Fille d’un pianiste et directeur de conservatoire, elle a choisi le violoncelle «à 4 ans» «par paresse», pour pouvoir «rester assise», sans «jamais le regretter». Elle est passée par les conservatoires de Lyon et de Bâle, dans la classe du professeur russe Ivan Monighetti.
Parallèlement à sa carrière, Astrig Siranossian a créé, en 2019, l’association Spidak Sevane, qui aide, à travers l’envoi de matériaux musicaux et de cours de musique, des enfants et adolescents en Arménie et au Liban, dont certains arrivent du Haut-Karabakh, traumatisés par la guerre de 2020 contre l’Azerbaïdjan. «Beaucoup sont devenus silencieux», confie-t-elle. Avec les enfants d’une école de musique d’Erevan, elle s’apprête à enregistrer une version transformée de La Bohème de Charles Aznavour. Ressentant une «émotion indescriptible», elle ajoute: «La musique aide beaucoup, c’est comme une thérapie. Ça peut apporter un sourire à ces enfants.»
Astrig Siranossian, par son talent, son engagement et sa détermination, contribue ainsi à faire revivre un patrimoine musical longtemps négligé, tout en apportant de la joie et de l’espoir à ceux qui en ont le plus besoin. Une artiste complète et inspirante.
Avec AFP
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