Shou Ya Ashta est une comédie noire en arabe libanais qui explore la violence basée sur le genre et les sujets tabous. La pièce se jouera à partir du 30 mai 2024 au théâtre Le Monnot.
Shou Ya Ashta est une pièce écrite par Wafa’a Halawi et Riad Chirazi, produite par Michèle Fenianos et Wafa’a Halawi, et mise en scène par Riad Chirazi. Les rôles principaux sont interprétés par Cynthya Karam, Wafa’a Halawi, Salma Chalabi et Katy Younes.
Les productrices Michèle Fenianos et Wafa’a Halawi, qui avaient déjà travaillé ensemble sur la pièce Mafroukeh, ont découvert, à cette occasion, qu’elles partageaient une sensibilité culturelle commune. «Il est rare que deux femmes s’offrent un support mutuel», souligne Michèle Fenianos. Elle explique que l’idée développée par Wafa’a Halawi traitait de harcèlement sexuel, mais en explorant ce thème, d’autres formes de violence ont émergé. «Il est important de divulguer les violences contre les femmes, les violences conjugales, verbales, le viol des mineurs et le viol par inceste», ajoute-t-elle. «Il est également important de relever des sujets tabous tels que la sexualité saine ou abusive et de saisir la différence.»
Cynthya Karam, actrice indomptable, estime que «le théâtre ne pourra pas opérer de changement radical, mais il peut changer les idées, à commencer par le titre de la pièce qui est une expression normalisée dans le langage parlé libanais. Il faudrait peut-être commencer par une sensibilisation, afin que l’on se pose les bonnes questions». Et si elle se mettait de l’autre côté du marteau du juge? Cynthya Karam répond: «Une femme qui a été verbalement abusée pourrait ne pas s’en rendre compte parce que sa mère aurait vécu ainsi, alors que l’homme qui l’aurait abusée pourrait lui aussi avoir été victime d’un environnement où il avait appris que c’est de cette manière-là que l’on prouve sa masculinité. Nous vivons dans une société masculine qui regorge de pervers narcissiques, inconscients de l’impact de leurs actions. Je crois fermement que la société est le plus grand problème, à commencer par les familles où l’on tait l’abus, l’inceste et le viol parce que c’est un sujet tabou. Ce n’est certainement pas aux artistes de trouver une solution, mais de soulever le débat, encourageant ainsi de nouvelles lois au sein du gouvernement. La loi 205 est certainement importante, mais elle contient des clauses à repenser. Le rôle des juges est également de mettre la main à la pâte.»
Salma Chalabi, quant à elle, trouve que «le plus grand défi est de respecter les sentiments des personnes que nous représentons». Elle a dû se plonger dans des expériences de vie différentes des siennes pour donner vie à son personnage. «Je joue le rôle d’une femme qui a été verbalement abusée. Je dois respecter ses sentiments et les raisons derrière sa décision dans la pièce pour respecter son vécu et le faire parvenir au public. C’est un sujet social délicat. Je n’ai jamais été abusée personnellement. Je me suis inspirée de différentes personnes autour de moi qui l’ont été sans le savoir. D’habitude, les femmes fortes savent comment gérer les abus verbaux, mais parfois, elles ne le réalisent même pas. Mon plus grand défi a été de construire un personnage qui ne me ressemble en rien, en m’inspirant du contexte social et du vécu d’une autre personne.»
Katy Younes, qui joue un rôle basé sur des expériences vécues par elle ou par d’autres, s’exprime: «Nous mettons en scène une réalité. Mon objectif est d’incarner le personnage tout en respectant son histoire, sans qu’il soit moi. Ensuite, en tant que femme et actrice, j’ai parfois dû faire face à cela. Je voudrais être la voix de celles qui n’ont pas eu la chance de s’exprimer.»
Wafa’a Halawi incarne Nour, une jeune femme qui contacte anonymement le docteur Jouni pour parler d’un problème sexuel qui cache un traumatisme profond. «Ce personnage est basé sur des interviews avec des jeunes femmes victimes de viol. Émotionnellement, ce n’est pas un rôle facile à jouer... Il y a quelques jours, j’étais épuisée. Une des femmes qu’on a interviewées m’a envoyé un message pour me remercier me disant: ‘j’ai vu la campagne, merci d’être notre voix.’ Cela me rappelle l’importance de la pièce, celle de porter la voix de celles qui ne parlent pas.»
Shou Ya Ashta promet d’être une pièce poignante et éclairante, encourageant le dialogue sur des sujets délicats mais cruciaux.
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