La scène internationale est sujette à des retournements et des bouleversements qui remettent en question beaucoup de grilles de lecture en cours. Les lignes de partage géopolitiques, les imaginaires et les dynamiques d’alternance politiques sont en pleine mutation. Les succès électoraux des droites souverainistes en Europe et le retour symptomatique de Donald Trump aux États-Unis, quoique s’inscrivant dans des registres politiques différents et des cultures politiques propres aux deux grands ensembles géostratégiques des démocraties occidentales, dénotent non seulement un changement d’orientation politique, mais ils mettent en relief une nouvelle prise de conscience qui se démarque ostensiblement de la postmodernité et de ses indifférenciations catégorielles et leurs incidences multiples. On n’est plus dans le registre où «tout se vaut» et des indifférenciations notionnelles et stratégiques d’un libertarisme faussaire et de mauvais aloi.
L’affrontement entre les politiques souverainistes et les politiques de débridement prônées par la gauche altermondialiste et woke fixe, d’ores et déjà, les lignes de démarcation entre les deux pôles de la scène politique occidentale. En contrepartie, les acteurs du nouvel axe totalitaire réitèrent leur hostilité aux démocraties libérales, œuvrent activement à la réinstallation des rideaux de fer, à la réactivation des politiques de déstabilisation, à la militarisation des conflits et la relance des politiques de réarmement, et à la coalition des dictatures, alors que leurs sociétés civiles entrent en rébellion ouverte contre les verrouillages idéologiques et le terrorisme d’État.
La poursuite insensée de la guerre d’Ukraine relève d’un arbitraire politique qui répercute la paranoïa sécuritaire d’un dictateur qui s’est enferré dans une logique obsidionale alors que le conflit avec l’Ukraine aurait pu être réglé par la diplomatie interétatique la plus classique. Par ailleurs, son imaginaire néo-impérial se structure à partir d’une conscience fausse et d’une interprétation délirante des causes de l’effondrement de l’empire soviétique. Autrement dit, les pathologies politiques de l’ère postsoviétique n’ont fait que reproduire les blocages hermétiques d’une psyché russe schizophrène ballottée entre les pôles du «despotisme oriental» des steppes eurasiatiques et de l’Aufklärung européen. Poutine est un russe typique qui vit de manière viscérale les incertitudes d’une géopolitique hasardeuse, les lests d’une culture despotique et esclavagiste règlementée par des absolutismes impériaux, idéologiques et cléricaux, et une mémoire collective lourde de guerres, de révolutions et de terreur.
Cette guerre hautement meurtrière reproduit de manière tragique des peurs archaïques, des pratiques monstrueuses du pouvoir absolu et une esquive des réalités géopolitiques hasardeuses qui pointent plutôt dans la direction de la Chine et des républiques islamiques d’Asie centrale que dans celle de l’Europe et de la géopolitique transatlantique. La dictature absolutiste et mafieuse de Poutine s’arrange mieux avec les despotes asiatiques, qui veulent tronçonner le reste de l’héritage impérial russe, qu’avec les démocraties occidentales et le règne de l’État de droit qui remettent en cause la légitimité d’un État meurtrier et mettent à nu le caractère fallacieux de ses élucubrations stratégiques.
Les engagements atlantistes de Giorgia Meloni et de Jordan Bardella ont vite dissipé les équivoques au sujet de la position des droites souverainistes à l’égard de Poutine et des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient. La nouvelle droite souverainiste s’est démarquée des nébuleuses idéologiques et des anachronismes des droites extrêmes que Poutine et ses suppôts instrumentalisent en vue de saborder l’Union européenne. La réconciliation des droites souverainistes avec l’héritage libéral et démocratique de l’Europe et le renouement qui s’articule à partir du legs culturel et civilisationnel avec la république créent la plateforme préjudicielle à un nouveau départ politique qui transcende les enfermements et les apories du passé.
Jordan Bardella et Georgia Meloni ont amorcé un virage et ouvert la voie à des mutations du paysage politique qui pourraient avoir des répercussions dans l’ensemble des démocraties occidentales. Désormais, l’affrontement avec les guerres de subversion totalitaire en Ukraine et au Moyen-Orient bénéficie d’un consensus idéologique et d’une dynamique politique cohérente et résolue. Autrement, les transformations en cours du champ politique occidental vont inévitablement influencer les dynamiques politiques dans les diverses contrées géopolitiques et entraîner des alliances qui rendent caduques les glacis cryptocommunistes et leurs rééditions contemporaines.
Les stratégies d’endiguement et de défaite à l’endroit de la Russie et de l’Iran sont les préludes à toutes solutions négociées. Il est impossible d’aborder les scénarios de paix en l’absence d’un rétablissement des rapports de force, sinon les guerres vont poursuivre leur cours. Le «containment» de Poutine en Ukraine, la défaite du Hamas à Gaza, la mise au pas ou la défaite du Hezbollah au Liban sont les préliminaires d’une paix juste en Ukraine et d’une solution négociée entre israéliens et palestiniens. La mouvance néo-totalitaire pilotée par le tandem russo-chinois et ses épigones iraniens et leurs antennes terroristes poursuivront leurs politiques de déstabilisation tant que les rapports de force et leurs vecteurs de déploiement seront en mesure d’opérer et de poser des trajectoires. La terreur du blitzkrieg russe, les pogroms contre les civils israéliens du 7 octobre 2023 et la dynamique guerrière qu’ils ont déclenchée, et les délires de la terreur débridée du Hezbollah doivent prendre fin pour donner leur chance à la paix et aux politiques de stabilisation.
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