Pendant des décennies, les analystes ont qualifié les relations américano-israéliennes de fortes et inébranlables, reposant sur des intérêts régionaux et internationaux partagés.
Depuis la fondation de l'État hébreu, les États-Unis ont été son principal soutien, notamment à travers les cinq guerres régionales, incluant la Nakba de 1948 et la création d'Israël, ainsi que les conflits de 1967 avec l'Égypte d'Abdel Nasser, allié de la Syrie et de la Jordanie, et de 1973 avec l'Égypte et la Syrie, où Israël a démontré sa supériorité militaire.
Le soutien américain semblait inconditionnel jusqu’à la guerre à Gaza, déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, surnommée «Déluge d'Al-Aqsa». En réponse, Tel-Aviv a lancé une invasion dévastatrice de l’enclave, entraînant la mort de plus de 37.000 Palestiniens. Huit mois après le début du conflit, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, n'a toujours pas atteint son principal objectif, à savoir l'élimination du Hamas.
Le rejet répété par Netanyahou des appels américains en faveur d’un cessez-le-feu et de la prévention de l'escalade a provoqué des tensions dans les relations américano-israéliennes. Le président américain, Joe Biden, a mis en garde Netanyahou contre l'invasion de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, menaçant de suspendre les livraisons de bombes et d'obus d'artillerie à Israël.
L’ancien ambassadeur Ed Gabriel, président et directeur général de l'American Task Force for Lebanon (ATFL), souligne qu'«avant la guerre de Gaza, les administrations américaines actuelles et passées ainsi que le Congrès américain apportaient un soutien inconditionnel à Israël. Les différends entre les deux pays étaient rarement rendus publics, et les dirigeants ne manifestaient presque jamais leur mécontentement à l'égard de leurs homologues».
Dans une interview accordée à Ici Beyrouth, M. Gabriel affirme qu'«après la guerre de Gaza, les appels à la responsabilité dans les relations se sont multipliés. Bien que les relations entre les États-Unis et Israël continuent de bénéficier d'un large soutien bipartisan, de plus en plus de législateurs expriment le besoin d’avoir une relation plus définie, voire conditionnée, entre le soutien des États-Unis à Israël et le bilan d'Israël en matière de droits de l'homme. Ces divergences sont désormais publiques entre les deux gouvernements et les deux chefs d'État. Cela ne signifie pas pour autant que les relations israélo-américaines ont été fondamentalement modifiées, vu qu’Israël conserve un large soutien à Washington.
«Je pense que les États-Unis sont en train de réévaluer leur approche en cherchant à la fois à maintenir leur soutien à Israël en tant qu'allié régional, tout en envoyant des messages fermes au gouvernement israélien actuel sur la nécessité de soutenir une solution viable à deux États», affirme-t-il. Il ajoute que «la campagne à Gaza a violé le droit humanitaire international à de nombreuses reprises», tout en soulignant que «la question essentielle pour les États-Unis est de déterminer quelles sont les actions concrètes qu'ils sont prêts à prendre, au-delà de la rhétorique, pour contraindre Israël à adopter une nouvelle stratégie et approche».
Une source politique ayant requis l'anonymat estime que «le fossé actuel entre les États-Unis et Israël n'est pas si profond».
Selon cette source, les relations tendues «résultent principalement d’une mauvaise entente entre l'administration américaine et le gouvernement de Netanyahou, qui persiste dans la poursuite de la guerre pour servir ses propres intérêts politiques». Les États-Unis peuvent désapprouver certaines actions de Netanyahou, mais ils ne renonceront jamais à leur soutien inconditionnel à l'État hébreu, qu'ils considèrent presque comme leur 51ᵉ État.
«Les deux nations sont des alliés historiques et ne divergeront jamais. Les États-Unis peuvent avoir des problèmes avec Netanyahou, mais cela ne signifie pas qu'elles retirent leur soutien aux Israéliens. À l’heure actuelle, les États-Unis exercent des pressions pour préserver leur image de défenseurs de la paix et de la liberté, tout en maintenant leur relation inébranlable avec Israël», explique la source.
S’agissant du Liban, les choses deviennent plus claires. Le 7 octobre, le Hezbollah, soutenu par l'Iran, a ouvert un «front de soutien» au Hamas dans le sud du Liban. Les États-Unis ont à plusieurs reprises exhorté Israël à éviter une escalade à la frontière libanaise car le Hezbollah dispose de capacités militaires supérieures à celles du Hamas et pourrait mobiliser d'autres milices en cas de conflit prolongé. Dans un tel scénario, les États-Unis pourraient être contraints de s’engager militairement aux côtés d'Israël, qui se retrouverait alors à combattre sur plusieurs fronts.
Pour l’instant, Israël a suivi les recommandations américaines de limiter les affrontements avec la formation pro-iranienne au Liban-Sud et, ponctuellement, dans la Bekaa. Contrairement à la guerre de 2006, où des infrastructures libanaises comme des ponts ont été détruites et la banlieue de Beyrouth intensément bombardée, Israël a privilégié les assassinats ciblés de membres du Hezbollah et de ses alliés.
M. Gabriel affirme qu'«Israël n'acceptera pas le statu quo d'avant le 7 octobre avec le Hezbollah à ses portes. Des deux côtés de la frontière, les acteurs impliqués ont manifesté leur soutien à la résolution 1701 des Nations unies pour assurer la stabilité de la région frontalière».
«Israël a clairement indiqué qu'il souhaitait la création d'une zone tampon au Liban-Sud et qu'il était prêt à atteindre cet objectif par la diplomatie ou par la force», a-t-il ajouté, soulignant qu'«il est dans l'intérêt des États-Unis, et même d'Israël, que cet objectif soit atteint par la voie diplomatique».
«Israël et le Hezbollah devraient cesser leurs provocations et profiter de cette opportunité potentielle», a-t-il ajouté.
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