L’écrivain albanais Ismaïl Kadaré, figure majeure de la littérature mondiale, s’est éteint lundi. Son œuvre puissante, traduite dans 40 langues, a marqué des générations de lecteurs et placé l’Albanie sur la carte littéraire internationale.
Ismaïl Kadaré, géant albanais des lettres, s’est éteint lundi, laissant derrière lui une œuvre monumentale qui a transcendé les frontières et les époques. Auteur prolifique et engagé, Kadaré a su faire de sa plume une arme redoutable contre les dictatures, tout en captivant des lecteurs du monde entier par la puissance de son imagination et la finesse de son style.
La nouvelle de sa disparition a suscité une vague d’hommages, tant dans son pays natal qu’à l’international. Le Premier ministre albanais Edi Rama a salué sur Facebook «le plus grand monument de la culture albanaise», soulignant la capacité unique de Kadaré à transporter ses lecteurs «dans un monde d’événements, de personnages, d’émotions» avec «l’aisance d’un magicien». Cette déclaration reflète l’impact profond que l’écrivain a eu sur la société albanaise, bien au-delà du simple domaine littéraire.
L’œuvre de Kadaré, riche d’une cinquantaine d’ouvrages comprenant romans, essais, nouvelles, poèmes et pièces de théâtre, a été traduite dans pas moins de 40 langues. Cette diffusion massive témoigne de l’universalité de ses écrits et de sa capacité à toucher des lecteurs de cultures diverses. Sa production littéraire, en partie réalisée sous la dictature d’Enver Hoxha, illustre le pouvoir des mots à transcender les barrières politiques les plus hermétiques.
Persida Asllani, responsable du département de littérature à l’Université de Tirana, souligne le rôle crucial de Kadaré dans le «redimensionnement» de la littérature et de la société albanaise. Ses œuvres, publiées «au milieu des ténèbres» de la dictature et après, ont ouvert de nouvelles perspectives pour tout un peuple. Albin Kurti, Premier ministre du Kosovo, a quant à lui rappelé la capacité de l’écrivain à être «la lueur de la créativité, de la liberté, du génie» malgré les contraintes politiques et artistiques de son époque.
La présidente kosovare, Vjosa Osmani, n’a pas hésité à qualifier Kadaré de «voix monumentale» et de «trésor qui n’existe qu’une fois par génération», soulignant ainsi le caractère exceptionnel de son talent et de son influence. Ces réactions émanant de dirigeants politiques démontrent à quel point l’écrivain avait su transcender le simple statut d’auteur pour devenir une figure emblématique de toute une région.
La maison d’édition française Fayard, qui a eu le privilège de publier l’œuvre de Kadaré, a exprimé son honneur d’avoir travaillé avec «l’un des plus grands écrivains de notre temps». Cette reconnaissance internationale s’était déjà manifestée en 2005 lorsque Kadaré est devenu le premier lauréat de l’International Booker Prize pour l’ensemble de son œuvre, une distinction qui a définitivement consacré sa place dans le panthéon de la littérature mondiale.
Au-delà des cercles littéraires et politiques, la disparition de Kadaré a également ému le grand public. Dans les rues de Tirana, de nombreux Albanais ont tenu à exprimer leur admiration pour celui qui a su faire vivre leur histoire et dire la vérité sur le passé communiste du pays. Katerina Hysenllari, une étudiante de 24 ans, a souligné la capacité de l’écrivain à aborder des thèmes qui dépassaient les frontières de l’Albanie, faisant de lui un «fin connaisseur de la région et des Balkans».
Le professeur Shezai Rrokaj a comparé Kadaré aux grands hommes célébrés au Panthéon de Paris, soulignant son rôle dans l’apprentissage de la littérature albanaise et l’appréciation de l’art d’écrire. Cette comparaison illustre l’importance de l’écrivain dans la construction de l’identité culturelle de son pays.
Si la disparition physique de Kadaré est une perte immense, nombreux sont ceux qui, comme Zylyftar Bregu, passionné de littérature, rappellent que l’œuvre d’un écrivain survit à son créateur.
En France, Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, a rendu hommage à «un homme de lettres passionné» dont l’engagement pour la liberté a nourri une plume inlassable. Ce témoignage souligne une fois de plus la portée universelle de l’œuvre de Kadaré, capable de toucher des lecteurs bien au-delà des frontières de son pays natal.
Avec la disparition d’Ismaïl Kadaré, c’est une page de la littérature mondiale qui se tourne. Mais son héritage, fait de mots puissants et libres, continuera longtemps à éclairer les consciences et à nourrir les imaginaires, perpétuant ainsi la mémoire d’un écrivain hors du commun.
Avec AFP
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