«Comment gouverner un pays où il existe 258 sortes de fromages?»

La petite phrase du général de Gaulle n’a jamais été autant d’actualité.
Depuis dimanche dernier, tous les analystes politiques en France et dans le monde ont dû recharger les batteries de leurs… calculettes. Chacun tente de trouver la répartition la plus probable des sièges à l’Assemblée nationale à l’issue du second tour, ce 7 juillet. La grande question est de savoir si le Rassemblement national, mené par Jordan Bardella, aura ou non la majorité absolue pour aller s’installer à Matignon. En face, le Nouveau Front populaire rassemble une coalition de gauche et d’extrême gauche, unies pour la circonstance, mais qui ont peu de chances de décrocher le graal des 289 sièges. D’ailleurs, dans ce cas, qui pourrait prétendre au poste de Premier ministre? Jean-Luc Mélenchon assure qu’il ne demande rien, mais… qu’il est prêt. Pour le moment, ses alliés bottent en touche en affirmant qu’il s’agira d’une décision collégiale.
Au milieu, l’ex-majorité présidentielle brandit l’arc républicain et la nécessité de faire barrage à l’extrême droite. Le problème c’est que cet «arc» est fissuré et que les flèches qu’il décoche ratent parfois leur cible. Que va-t-il se passer? À l’issue des dépôts de listes pour le second tour, il reste 97 triangulaires et une quadrangulaire. Autant dire que le suspense demeure entier. Autre point d’interrogation, les appels des responsables des partis au report de voix vont-ils être suivis par les électeurs? Pas sûr.
Retour donc à la case départ.

Qui va gagner ces législatives anticipées? Anticipées, c’est le mot que l’on a presque oublié. Parce qu’à l’origine de la situation, il y a cette décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée, le soir même du résultat des élections européennes du 9 juin. Motif: le score historiquement élevé du RN.
Rien n’obligeait à la dissolution, d’autant plus que, dimanche dernier, le RN a confirmé sa position de premier parti de France. Erreur stratégique? Coup politique calculé? L’avenir le dira. La précédente dissolution, décidée à l’époque par Jacques Chirac, n’avait pas été heureuse pour l’ancien président et avait conduit à une cohabitation éprouvante.
Et maintenant, on va où? Le RN pourrait-il gouverner au nom d’une «coalition des droites» lui donnant la majorité absolue? Jordan Bardella sera-t-il confronté à des manifestations, à des grèves, voire à des appels à la désobéissance civile? Emmanuel Macron a brandi le spectre de la «guerre civile». Sans aller jusque-là, la France serait difficilement gérable.
Et si personne n’avait de majorité absolue, que se passerait-il? On entend parler de «gouvernement de technocrates», une arlésienne que les Libanais connaissent bien. À chaque blocage institutionnel, on ressort la formule du chapeau. Mais elle n’a jamais fonctionné.
Une nouvelle dissolution dans un an, qui redonnerait les rênes au président français et qui permettrait à son camp de gagner l’élection de 2027? Pari risqué. Parce que la France sortirait très affaiblie d’une période d’instabilité. Une solution serait que le président libanais, qui n’existe pas, nomme un «envoyé spécial pour la France». Sa mission: essayer de faire converger les idées, établir une table de dialogue et sortir de l’impasse. Le Liban doit bien cela à nos amis. L’exemple du système politique libanais pourrait faire des émules. Un modèle de stabilité, dans lequel tout le monde est certain que d’élections en élections, les mêmes seraient reconduits pour l’éternité. Personne, mais alors personne, ne souhaite cela à la France. Avec ses 258 fromages, elle restera le pays de la liberté dans la diversité.
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