L’annihilation du Parti conservateur et la victoire écrasante du Parti travailliste ont bel et bien eu lieu. Comme prévu, Sir Keir Starmer a été nommé Premier ministre britannique par le roi Charles III. Face à ce moment d’alternance politique, les Britanniques souhaitent reprendre espoir en un changement après quatorze années de gouvernement conservateur. Alors, comment interpréter de tels résultats? Comment expliquer les comportements électoraux qui ont conduit à cette déroute? À quoi ressembleront les cent premiers jours de Starmer au pouvoir?
Avec le résultat de deux circonscriptions non finalisées, la nouvelle composition parlementaire de Westminster se divise ainsi: 412 sièges pour les travaillistes, 121 pour les conservateurs, 71 pour les libéraux démocrates, 9 pour le Parti national écossais, 4 pour les verts, 4 pour Reform UK et d’autres répartis entre divers groupes. Sur un total de 648 circonscriptions dont les résultats ont été officialisés, les travaillistes obtiennent une majorité de 86 députés, marquant ainsi la seconde plus grande majorité parlementaire travailliste après celle de Tony Blair en 1997. Quant aux Tories, ils enregistrent leur pire résultat historique et le plus petit nombre de sièges parlementaires depuis la création du parti. Parallèlement, les libéraux démocrates sortent victorieux de ce scrutin, ayant multiplié par sept leur nombre de sièges, réalisant ainsi leur meilleur score depuis plus de cent ans. En revanche, le Parti national écossais subit une défaite cuisante, divisant par quatre son nombre de sièges. Enfin, Reform UK, parti dissident de l’aile extrême droite du Parti conservateur dirigé par Nigel Farage, bien que n’ayant remporté que quatre sièges, a su attirer un grand nombre de votes conservateurs, se plaçant en deuxième position dans 98 circonscriptions.
Cependant, ce résultat électoral ne saurait être perçu comme une adhésion inconditionnelle à l’ensemble des propositions du Parti travailliste. Les dynamiques politiques tumultueuses et fluctuantes témoignent d’un électorat versatile, déterminé avant tout à sanctionner les gouvernements en place dans chaque région de la Grande-Bretagne. Partout, les électeurs expriment leur désaveu des gouvernements existants – conservateur à Westminster, SNP (Parti national écossais) en Écosse ou travailliste au Pays de Galles, enregistrant tous des baisses de soutien significatives. Il s’agit indubitablement d’un vote de sanction. La victoire travailliste repose sur seulement 35% des suffrages, soit une hausse de 1,4 point de pourcentage par rapport à 2019 et cinq points de moins que sous Jeremy Corbyn en 2017. Comment expliquer cela, surtout que les travaillistes subissaient leur plus grande défaite en 2019? Peut-être par la diversité des partis et la répartition plus variable des votes. Aussi par la diminution considérable du soutien de la communauté musulmane – qui lui est normalement attribué – du fait de la position de M. Starmer à l’égard de Gaza. En tout état de cause, en Angleterre, la part de voix du Parti travailliste demeure inchangée, tandis qu’au Pays de Galles, elle a diminué de quatre points, n’augmentant au total que grâce à une forte progression en Écosse, où elle a crû de plus de 17 points.
C’est plutôt l’effondrement des conservateurs et la montée de Reform UK qui, dans de nombreux cas, ont permis au Parti travailliste de s’imposer dans des régions où il n’avait jamais bien performé auparavant. En effet, il est très probable que Reform UK ait pu capitaliser sur la déception des conservateurs et ait repris des votes normalement attribués au Premier ministre sortant. Cette élection a offert aux Britanniques l’opportunité d’exprimer leur désarroi face à la gestion du pays après quatorze années de gouvernement conservateur à Downing Street. Le public britannique a ainsi signifié à Rishi Sunak qu’électoralement, il est le pire chef des Tories de l’histoire. Le parti n’a pu mobiliser que 22% de l’électorat, enregistrant ainsi la plus forte baisse de part de vote jamais observée par rapport à la victoire de Boris Johnson en 2019. Jusqu’à présent, 11 ministres ont perdu leur siège – le précédent record étant de sept en 1997 – avec des figures notables telles que Grant Shapps ou Penny Mordaunt. L’ancienne Première ministre Liz Truss, connue pour son tumultueux passage au pouvoir de 44 jours seulement, s’est aussi inclinée face aux travaillistes dans sa circonscription avec un écart d’environ 650 voix.
Les cent premiers jours de Sir Keir Starmer à Downing Street s’annoncent extrêmement chargés. Après l’officialisation de sa nomination en tant que Premier ministre au Palais de Buckingham le 5 juillet, Starmer devra se consacrer à la formation d’un nouveau gouvernement au nom de Sa Majesté le Roi. Il est probable qu’il s’appuie sur son cabinet fantôme pour constituer le cabinet officiel. Le 9 juillet, le nouveau Premier ministre participera à un sommet international de l’Otan à Washington en présence du président américain Joe Biden et du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Le nouvel exécutif pourra utiliser ces premiers jours pour abroger certaines législations de l’ancien parlement conservateur, notamment le très controversé «Rwanda Bill». Il est envisageable, mais peu probable, que Starmer et la potentielle chancelière de l’Échiquier, Rachel Reeves, appellent à un budget d’urgence pour introduire de nouvelles réformes économiques et ajuster le niveau de taxation. Le 17 juillet, M. Starmer devra également se concentrer sur la rédaction du discours annuel du roi à l’occasion de la cérémonie d’ouverture officielle de Westminster, où Sa Majesté devra énoncer les priorités de son gouvernement. Le 18 juillet, Starmer participera au sommet du Comité politique européen organisé dans l’Oxfordshire, au Royaume-Uni. Enfin, après la pause parlementaire estivale, le budget sera introduit par la chancelière de l’Échiquier en octobre, officialisant certaines réformes économiques et financières, telles que des hausses de taxes.
L’élection récente marque un tournant décisif dans l’histoire politique du Royaume-Uni. Sir Keir Starmer franchit aujourd’hui le pas de Downing Street, mettant fin à une ère de quatorze années de domination conservatrice. Cette victoire écrasante du Parti travailliste, avec la plus grande majorité parlementaire depuis Tony Blair en 1997, symbolise un profond désir de changement au sein de l’électorat britannique. Les résultats témoignent d’un rejet sans équivoque des politiques conservatrices et d’une aspiration collective à un renouveau politique et économique. La transition ne sera pas sans défis, car Starmer hérite d’un pays marqué par des divisions internes et des crises multiples. Les premiers jours de son mandat seront cruciaux pour définir la direction de son gouvernement et instaurer la confiance dans sa capacité à apporter des solutions efficaces et durables. L’attente est immense, tant sur le plan national qu’international, où les regards sont tournés vers le nouveau Premier ministre et son approche face aux enjeux globaux. Cette élection est bien plus qu’un simple changement de garde; elle représente une opportunité historique pour redéfinir les priorités nationales et rétablir le Royaume-Uni sur une voie de progrès et de stabilité. Starmer et son équipe sont désormais à la croisée des chemins, avec la responsabilité de concrétiser les espoirs de millions de Britanniques et de transformer les promesses électorales en réalités tangibles.
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