Coup de théâtre! L’impensable s’est produit à l’issue des résultats du second tour des législatives françaises dimanche dernier. Contre toute attente, le Nouveau Front populaire, une alliance hétéroclite allant de l’ultragauche à la gauche socio-démocrate, a pris la tête du scrutin, obtenant une majorité relative à l’Assemblée nationale, bien loin cependant d’une majorité absolue. Le camp présidentiel macroniste a dû se contenter de la seconde place, tandis que le Rassemblement national, en décalage total avec les prévisions des sondages qui le voyaient en tête et proche d’une majorité absolue, n’a obtenu que la troisième position, loin derrière. Aujourd’hui, une incertitude plane sur le paysage politique français. L’ascension de l’alliance de la gauche et les instabilités profondes qui en découlent alimentent les débats et les spéculations. Emmanuel Macron, en annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale, a-t-il déclenché une crise politique majeure qui pourrait mener l’extrême gauche au pouvoir? Quels sont les comportements électoraux ayant conduit à ce résultat pour le moins surprenant? Que nous réservent les jours à venir? Et en quoi consiste le programme électoral du Nouveau Front populaire?
Les jours à venir seront cruciaux pour déterminer la composition du prochain gouvernement. Conformément à la tradition républicaine, le Premier ministre Gabriel Attal devra présenter sa démission au président de la République. Il est probable qu’Emmanuel Macron choisisse de reporter cette démission afin que le gouvernement sortant puisse continuer à gérer les affaires courantes. Cette période d’incertitude, vraisemblablement marquée par de nombreuses négociations politiques, pourrait s’étendre sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. La Constitution de la Cinquième République ne prévoit pas de solution légale précise pour une telle configuration politique. Selon les traditions républicaines, le plus grand bloc parlementaire, en l’occurrence l’union des gauches, pourrait se voir proposer les clés de Matignon. Cependant, cette situation pourrait évoluer si un autre bloc parlementaire se forme à travers des alliances électorales. La seule option envisageable à ce stade est celle de constituer un arc républicain réunissant la gauche socio-démocrate et modérée à la droite républicaine ou, au minimum, jusqu’au centre-droit macroniste. Dans ce scénario, la gauche serait amenée à exclure l’extrême gauche incarnée par La France insoumise et dirigée par Jean-Luc Mélenchon.
Un état de stupéfaction règne aujourd’hui en France face à la victoire inattendue de l’union de la gauche et à la défaite du Rassemblement national. D’autant plus que, selon des estimations, le Rassemblement national aurait recueilli environ 10 millions de votes, contre environ 9 millions pour le Nouveau Front populaire. Comment une telle configuration a-t-elle pu émerger à l’Assemblée nationale? Sans doute en raison du système électoral des législatives françaises, mais aussi des configurations politiques. Retour au 30 juin dernier, jour de la publication des résultats du premier tour des législatives. Le Rassemblement national s’imposait alors largement avec plus de 30% des suffrages. Par conséquent, une alliance électorale de circonstance a vu le jour, rassemblant diverses factions politiques pour barrer la route à l’arrivée de Jordan Bardella à Matignon. Cette coalition, qualifiée par de nombreux observateurs de «coalition immorale du déshonneur et de la honte», réunissait un bloc de centre-droit constitué par le camp présidentiel et un bloc parlementaire hétéroclite allant des socialistes socio-démocrates aux écologistes modérés, en passant par les communistes de valeur républicaine et les insoumis d’extrême gauche. Cette alliance, non déclarée, consistait à désister tout candidat arrivé en troisième position face à un candidat RN en première position et inversement pour le camp macroniste.
Un point de plus auquel il convient de se méfier est la configuration du Nouveau Front populaire. Cette coalition des quatre partis de gauche pourrait se fragiliser face aux défis du pouvoir. Les dissensions internes, en effet, risquent d’être profondes et de mettre à mal cette union. On parle ici d’une alliance contre-nature entre une gauche républicaine modérée et une extrême gauche qui, par ses positions radicales, bafoue les valeurs mêmes de la République. Dans cette alliance, on retrouve le groupe d’ultragauche NPA, dont le chef Philippe Poutou est condamné pour apologie du terrorisme. Sans compter les nombreuses controverses entourant La France insoumise: ce parti est souvent critiqué pour ses prises de position extrêmes, ses appels à la désobéissance civile et ses critiques virulentes envers les institutions démocratiques et les forces de l’ordre. De telles attitudes, en contradiction avec les principes fondamentaux de la démocratie et de la laïcité, suscitent des inquiétudes quant à leur capacité à gouverner de manière responsable et respectueuse des valeurs républicaines. Les divergences idéologiques au sein de cette coalition pourraient rapidement ressurgir, menaçant sa stabilité et son efficacité.
Un point positif de la composition actuelle de l’union des gauches réside dans la position toujours moins dominante de La France insoumise d’extrême gauche et la progression du Parti socialiste socio-démocrate. Ce dernier, avec l’appui des écologistes, pourrait tenter de renverser la balance et d’imposer des concessions réelles à l’extrême gauche sur une base de modération. Le très controversé leader d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon, se voulant la figure principale de l’union des gauches, se voit alors contraint d’accepter une nouvelle donne politique qui lui est défavorable. En effet, l’extrême gauche, marginalisée de l’arc républicain, a tout à perdre face à une possible alliance entre la gauche républicaine et le camp présidentiel, ce qui semble être le souhait du président. C’est peut-être un pari remporté par le camp macroniste qui a dessiné la décadence électorale lepéniste mais qui semble avoir mené, par ses manigances politiques, l’extrême gauche à Matignon. Le bloc parlementaire, dans son état actuel, ne pourra probablement pas s’allier à d’autres factions politiques pour gouverner confortablement. La présence pesante de La France insoumise, un parti infréquentable et antirépublicain d’extrême gauche, y est sans doute pour beaucoup. Les responsables de la gauche modérée pourraient bien réaliser que se passer de l’extrême gauche et s’allier avec le camp présidentiel, dans le cadre d’un arc républicain, pourrait les mener au pouvoir et leur permettre de gouverner plus sereinement. La gauche socio-démocrate et républicaine pourra-t-elle se passer de la force politique de gauche majoritaire? Les rapports de force n’imposeront-ils pas la continuité du Nouveau Front populaire?
En tout état de cause, une grande partie des votes attribués au Nouveau Front populaire ne semblent pas être des votes de conviction, mais plutôt un vote de barrage au Rassemblement national. Selon un sondage réalisé par la chaîne télévisée LCI, 70% des Français sont opposés au programme de l’union des gauches. Mais en quoi consiste ce programme? Le programme du Nouveau Front populaire présente, selon maints spécialistes, des risques économiques significatifs en raison de son approche générale. L’un des principaux dangers résiderait dans le potentiel de complexification et de déséquilibre qu’il pourrait introduire dans l’économie. En visant des objectifs ambitieux sans tenir compte des contraintes budgétaires, le programme pourrait entraîner une aggravation des déficits publics et une instabilité économique. La gestion des finances publiques pourrait devenir encore plus problématique, surtout si les mesures proposées ne sont pas compensées par des économies adéquates ou des augmentations de recettes qu’il compte obtenir par une supertaxation. De plus, une mise en œuvre mal calibrée pourrait susciter des réactions défavorables sur les marchés financiers et décourager les investissements, compromettant ainsi la croissance économique. En outre, les risques de distorsion du marché et de perturbation des mécanismes économiques fondamentaux pourraient nuire à la stabilité à long terme, exacerbant les défis structurels auxquels le pays est confronté. De même source, on estime que le manque d’autorité du Nouveau Front populaire, exacerbé par l’idéologie d’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon, pourrait entraîner une réduction des effectifs de police et des moyens qui leur sont alloués, tout en continuant à remettre en question la légitimité républicaine des forces de l’ordre. Enfin, ces mêmes observateurs concluent par la politique d’immigration de masse qui pourrait accentuer les défis liés à la sécurité et à l’intégration, aggravant ainsi les tensions sociales et mettant en péril l’ordre public.
Aujourd’hui, la France semble être triplement ingouvernable. La décision injustifiée, incomprise et controversée d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale a plongé le pays dans une crise politique d’une profondeur telle qu’aucune issue claire ne se dessine. La nouvelle composition de l’Assemblée nationale révèle une tripolarisation de l’électorat français, mettant en lumière trois pôles politiques dont l’accession au pouvoir démontrerait l’ingouvernabilité du pays dans son état actuel. Tout d’abord, le Nouveau Front populaire semble incapable, inapte et non préparé à gouverner confortablement et durablement, en raison de la dominance de l’extrême gauche antirépublicaine et immorale au sein de cette coalition. Ensuite, le camp présidentiel macroniste, loin de toute majorité, se trouve dans une position d’impossibilité de gouverner sans former une alliance complexe et fragile, un «arc républicain». Enfin, le Rassemblement national, dont toute nouvelle alliance avec d’autres factions politiques semble de plus en plus improbable, se trouve dans l’incapacité d’assumer la responsabilité de la gouvernance.
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