«Ya Omri» de Hady Zaccak ne prend pas une ride

Dans le cadre de la 4e édition du festival Anbar wa Godot pour la culture et les arts, la projection du film Ya Omri de Hady Zaccak a eu lieu le 16 juillet 2024. L’événement, qui s’est tenu à Beit el-Fan, la maison d’Adham Dimashki à Beyrouth, s’est déroulé dans une ambiance intime et chaleureuse. Le festival se poursuit jusqu'au 19 septembre 2024.
Les adeptes du cinéma ont assisté au film de Hady Zaccak Ya Omri, à Beit el-Fan, la maison d’Adham Dimashki, organisateur du festival Anbar wa Godot pour la culture et les arts. La projection a été suivie d’une séance de questions-réponses avec le réalisateur.
Assister à la projection de Ya Omri, sorti en 2017, ressemblait à un voyage dans le temps sur grand écran, dans le cadre pittoresque d’une ancienne maison de Beyrouth, où les murs étaient tapissés des peintures d’Adham Dimashki. Le film de Hady Zaccak reprenait une tout autre dimension, tout en conservant l’essence de sa première projection. Les réactions qu’il suscitait chez l’audience étaient identiques à celles de sa sortie initiale, empreintes de rires, de larmes et d’émotion.
L’histoire, sur l’axe du temps, avait parsemé les cailloux du Petit Poucet en petits événements et vécus personnels, mais aussi en un grand déchaînement de la vie entre les deux projections: la première en 2017 et la plus récente en 2024. Une des grandes dates marquantes entre ces deux années est le 4 août 2020. À Beyrouth, la mémoire collective a reconnu l’odeur de la mort. De cette grande mort d’une ville amnésique se sont ramifiées les morts personnelles dans chaque famille, puis des morts intérieures et des renaissances à la vie, comme dans un air de piano que jouait Henriette, la grand-mère du réalisateur que sa caméra a suivie pas à pas, des années durant, jusqu’à son dernier départ.
Ya Omri raconte l’histoire d’une femme exilée qui retourne au pays et fonde une famille. C’est l’histoire d’une grand-mère – et de toutes les grand-mères –, celle qui enfante la mère, celle qui vénère son petit-fils comme la prunelle de ses yeux. Dans la prunelle de la caméra du réalisateur, se révèle un hommage à cette femme née de l’exil, qui a connu l’arrachement à sa terre d’adoption, le Brésil, puis est retournée au Liban où elle a vécu une histoire de mariage dans sa mémoire fragmentée. Dans cette grande histoire à dimension universelle, sont incrustées nos petites histoires, chacun la sienne, l’amour, la vie, le mariage, l’amitié, la famille, la mort, le pays et les horizons d’ailleurs.

Questions au réalisateur Hady Zaccak 

Si vous deviez monter ce film aujourd’hui plutôt qu’en 2017, quelles séquences choisiriez-vous d’enlever par rapport à la version originale ? Quelles images d’archives additionnelles intégreriez-vous pour enrichir et actualiser le propos du film ?
J’enlèverais les images qui me dérangent personnellement, c’est-à-dire les gros plans sur la peau, les mains… et le sommeil. Je serais plus prudent. Mais ce ressenti naît avec l’âge; j’ai l’impression aujourd'hui que j’ai quelque part brûlé les frontières. En ce qui concerne les archives, j’aurais rajouté des passages des personnes qui ne sont plus là. J’ai récemment visionné une prise de ma mère lorsqu’elle avait visité la maison, une scène qui a complètement été omise. Aujourd’hui, elle aurait pris une tout autre dimension. Les films changent avec le temps. Cependant, ils reflètent aussi une période particulière. Ce film-là représente une partie de mon histoire, c'est-à-dire l’âge, la maturité ou la perception du réalisateur quand son œuvre est sortie.
Pourquoi avoir choisi d’échapper à la chronologie typique du récit, du passé au présent et inversement?
Parce que la mémoire n’a pas de chronologie. Ses souvenirs connaissent des va-et-vient. Je me suis toujours demandé pourquoi, lorsque l’on dresse une biographie, on respecte un certain ordre chronologique, depuis que la personne est née jusqu’à son évolution dans le temps. De plus, je n’avais pas l’intention de retracer la biographie de «téta», mais de redynamiser la mémoire avec elle. Je lui ramenais à chaque fois une photo, un livre, un texte ou une vidéo dans le but de revitaliser sa mémoire.
Quels sont vos projets futurs?
Après ce film, je n’avais pas l’intention de créer de projet ou de film personnel. Voilà pourquoi j’ai eu recours à la distanciation. J’ai travaillé sur une ville qui m’a pris autant d’années de travail qu'aurait pris un film. Quant au prochain film, cela fait quatorze ans que je travaille consciemment ou inconsciemment sur la biographie: que ce soit une voiture, ma grand-mère, un zaïm, une ville ou une personnalité. La biographie retrace aussi la mémoire collective et l’Histoire.
 
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