«Allers-Retours»: une exposition à trois voies

L'exposition Allers-Retours a été inaugurée le 16 juillet 2024 à la galerie Tanit Beyrouth et se tiendra jusqu’au 1er août. Elle propose un dialogue entre les courts textes poétiques non publiés de Noël Fattal et leurs transcriptions libres en peinture et encre acrylique par Frédéric Husseini. Une troisième voie ou voix, celle de Rita Husseini, enrichit cette expérience par sa lecture, apportant une nouvelle dimension à l'ensemble.
L’exposition Allers-Retours est un projet inédit et séduisant combinant texte, peinture et voix, selon Naila Kettaneh Kunigk à la tête de la galerie Tanit. Il correspond à un travail collectif dont chaque étape est solitaire. Noël Fattal pour qui la poésie «c’est respirer» a commencé à écrire à l’adolescence sans jamais publier ses poèmes. Le projet artistique est né en 2014, au retour d’un voyage de Rita et Frédéric Husseini à Budapest où Noël Fattal était ambassadeur. Frédéric Husseini, architecte et artiste peintre, s’est livré à un exercice «qui, dit-il, consistait à choisir un texte de Noël et à dessiner sur papier soit en fonction, avec, à côté, soit contre ce texte, comme une écriture automatique». Puis le projet s’est arrêté jusqu’au jour où, des années plus tard, tous les trois décident de le poursuivre, «mais une vingtaine de transcriptions libres se sont trouvées orphelines de leurs poèmes correspondants, explique-t-il. Il a fallu que Noël écrive des textes en s’inspirant de mes dessins ce qui, dans ce cas, renvoie à un dialogue dans l’autre sens».
En 2024, le projet prend forme avec des contraintes de choix de 72 textes courts sélectionnés parmi des centaines, ayant le même format et dont les thèmes évoquent la ville, la mer, le cosmos, l’amour, la guerre.


Pour Frédéric Husseini «le processus de création commence par une lecture rapide du poème où je saisis soit le concret tel que la ville, soit l’abstrait tel que l’amour ce qui m’incite à dessiner des lignes s’il s’agit de la ville, ou un cœur quand le poète parle d’amour. Comme support, j’ai utilisé du papier imprimé d’impressions d’anciens catalogues que je laisse transparaître ou camoufle. Tout cela vous pousse dans une direction plus ou moins colorée, géométrique et le coup de peinture est rapide. En même temps, il y a une unité du support et une variation plus ou moins foncée ou claire, toujours avec du blanc et du noir».
Une osmose s’établit entre le poète et l’artiste tous deux passionnés d’urbanisme mais selon des perspectives différentes. Comment traduit-on tout cela? «C’est, poursuit l’artiste, soit par de l’abstrait et c’est géométrique, soit par quelque chose de plus figuratif en lien avec un élément du poème. Parfois, c’est par des oppositions comme dans le cas du poème Noir ou blanc où je dessine des couleurs. Il s’agit d’un jeu et c’est cela qui est intéressant.»
La voix de Rita Husseini, professeure de lettres et de théâtre, propose une troisième dimension par les couleurs qu’apporte sa lecture. «C’est, dit-elle, une interprétation parmi des milliers lorsqu’on parle des lectures plurielles d’un texte, et j’en propose une. Je communique ma sensibilité à travers ma lecture imprégnée de celle de Noël et de celle de Frédéric mais je donne mon empreinte. J’ai participé au choix des textes parce que, à ce moment-là, je pensais à la lecture. Celle-ci sollicite un autre sens que celui de la vue. L’audio apporte ma voix, un ton, un timbre, un rythme qui sont autant de processus d’engagement dans un texte.»
Le spectateur est la quatrième voie. À côté de chaque planche, un code QR permet d’écouter grâce au smartphone le texte lu. «Le spectateur peut se prendre au jeu de l’art, affirme Frédéric Husseini, dériver à sa manière, sur la trame mise en place par l’artiste», ajoutant que la poésie, parfois perçue comme hermétique, partage cette caractéristique avec la peinture. Lorsque peinture, poésie et lecture se rencontrent, elles tissent un dialogue qui engendre une multitude de significations, enrichissant et nuançant à la fois l’expérience esthétique. Selon Noël Fattal, «il n’existe pas d’ordre thématique ou structuré dans l’agencement des tableaux, ce qui engendre des associations intéressantes».  L’exposition Allers-Retours se poursuivra jusqu’au 1er août 2024 à la galerie Tanit et c’est l’occasion de découvrir cette combinaison d’arts qui stimule non seulement les sens mais aussi l’imagination, incitant à une exploration plus intime de chaque œuvre et offrant des perspectives nouvelles aux spectateurs-auditeurs.
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