La stratégie de l’irrationnel bat son plein dans la région. Plus que jamais. Dans la nuit du 17 juillet, la Knesset israélienne adoptait, sans tambour ni trompette, une résolution rejetant la création d’un État palestinien… Une façon insidieuse de couper l’herbe sous les pieds de l’administration Biden qui reçoit, cette semaine, le Premier ministre Benjamin Netanyahou à qui les dirigeants américains devraient réitérer leur soutien à la solution à deux États, prévue dans le cadre des accords d’Oslo signés le 13 septembre 1993 par le chef du gouvernement israélien (travailliste) Yitzhak Rabin et le leader historique de l’OLP, Yasser Arafat, sous l’égide de Washington.
Le processus d’Oslo avait été torpillé par … M. Netanyahou et la droite israélienne, ainsi que par le Hamas! En l’occurrence, les deux parties qui se livrent aujourd’hui à Gaza à une guerre sans merci, déclenchée par le Hamas dans le but de torpiller, encore une fois, un autre processus de paix, les accords d’Abraham de septembre 2020, lesquels avaient abouti à la réalisation d’une paix entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn. L’apogée de ces accords d’Abraham devait se traduire par une normalisation entre l’État hébreu et l’Arabie saoudite. Elle sera cependant vite sabotée par la République islamique iranienne qui, pour s’imposer comme puissance régionale incontournable sur l’échiquier de la région, n’a rien trouvé de mieux que d’inciter le Hamas à lancer l’attaque meurtrière du 7 octobre contre Israël.
Pour ceux qui en doutaient encore, le régime des mollahs en place à Téhéran a apporté ainsi la preuve par quatre qu’il instrumentalise sans état d’âme, par le biais de ses proxys (le Hamas, le Hezbollah et les Houthis, notamment), le problème palestinien dans le seul et unique but d’assouvir ses ambitions hégémoniques sur la scène moyen-orientale. La cause palestinienne en est réduite, de ce fait, à un simple slogan populiste qui cache mal des desseins réels, sans aucun rapport avec la posture médiatique affichée comme un écran de fumée à des fins de consommation interne. Quant aux épreuves et aux massacres subis par les populations de Gaza, du Liban-Sud ou du Yémen, ce ne sont que des dommages collatéraux, aux yeux des Gardiens de la révolution islamique. La finalité de ce jeu diabolique, savamment orchestré, est le torpillage du projet d’État palestinien. D’où la convergence d’intérêts, objective et conjoncturelle, entre la droite israélienne et le camp iranien, au grand dam des pays arabes et des instances internationales qui ne cessent de souligner qu’il ne saurait y avoir de paix et de stabilité durables dans la région en dehors de la solution à deux États.
C’est donc sans doute pour éviter ce sujet qui fâche que la Knesset aurait pris les devants en rejetant, d’emblée, avant la visite de Netanyahou à Washington, la création d’un État palestinien. Mais les dirigeants de la droite israélienne ne précisent pas quel pourrait être le sort de la population de Gaza et de Cisjordanie. D’aucuns à Tel-Aviv prônent sur ce plan un État binational. Cela reviendrait à condamner la population israélienne à vivre dans une situation de guerre civile permanente ou dans un climat d’instabilité sécuritaire chronique. D’autres, sans foi ni loi, se prononcent pour un «transfert», purement et simplement, des habitants de Gaza vers l’Égypte et ceux de Cisjordanie vers la Jordanie, ce qui aurait pour conséquence inéluctable une grave et dangereuse déstabilisation aussi bien de l’Égypte que de la Jordanie. On aurait ainsi déplacé uniquement le problème au lieu de le résoudre à la base, sachant qu’il est désormais établi que la clé du déblocage du processus de paix se trouve à Téhéran et nécessite d’imposer aux mollahs une solution qu’ils ne pourraient refuser…
Il n’est pas difficile d’imaginer qu’en se contentant de déplacer le problème du P.O., par le fer et dans le sang, on aboutirait à une radicalisation encore plus profonde de la population palestinienne et à l’émergence de nouveaux courants islamistes qui redoubleraient de violence aveugle. Il se créerait de la sorte un terreau d’extrémisme beaucoup plus vaste, géographiquement, que le précédent; un terreau fertile que les Pasdaran auront vite fait d’exploiter et de manipuler pour consolider davantage leur influence dans la région. Le résultat serait de condamner encore plus la population israélienne à subir des cycles interminables de violence, sans fin et sans horizon.
La résolution de la Knesset sur le rejet de l’État palestinien pourrait être perçue par certains comme une manœuvre cynique adoptée délibérément en amont des entretiens de M. Netanyahou à Washington. Cette hypothèse est cependant battue en brèche par la stratégie de l’irrationnel, couplée à la déraison, adoptée par l’extrême droite israélienne depuis des décennies. Une déraison largement perceptible également dans les rangs des courants islamistes télécommandés par Téhéran ainsi que dans certains milieux arabes, et dont les premières victimes au quotidien sont les populations des pays pris en otage par les Gardiens de la révolution islamique.
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