Grève en Israël: une menace pour Netanyahou?

Cela fait des mois que le mécontentement à l’égard du gouvernement sévit au sein de la société israélienne. Mais la colère semble avoir atteint son paroxysme ce dimanche, avec Arnon Bar-David, le chef de la Histadrout (la principale confédération syndicale de travailleurs israéliens) qui appelle à la grève générale. Mais que se passe-t-il au juste?
Pourquoi la grève?
Après l'annonce par l'armée israélienne de la découverte des corps de six otages dans la bande de Gaza, un chef de l'opposition israélienne, Yair Lapid (du parti centriste Yesh Atid), a exhorté la Histadrout et les employeurs israéliens à se mettre en grève dimanche.
«Ils étaient vivants. [Le Premier ministre israélien Benjamin] Netanyahou et le cabinet de la mort ont décidé de ne pas les sauver. Il y a encore des otages vivants, un accord peut encore être conclu. Netanyahou ne le fait pas [un accord] pour des raisons politiques», a déclaré M. Lapid.
Plus tard dans la journée, c’est le chef de la puissante centrale syndicale qui déclare qu’à partir de 06h lundi, «toute l’économie israélienne sera en grève générale», car «nous devons mettre un terme à cet abandon des otages».
Cet appel, qui représente la première incursion de la Histadrout dans la sphère politique depuis le 7 octobre, a suscité la colère du gouvernement. Le ministre des Finances d'extrême droite, Bezalel Smotrich, a même qualifié la grève d'illégale, déclarant que le syndicat faisait le jeu du Hamas.
Quant aux familles des otages, elles espèrent que la grève contribuera à mobiliser les foules et à faire pression sur M. Netanyahou pour qu'il renonce à sa nouvelle exigence, à savoir que les forces armées israéliennes restent déployées le long du corridor de Philadelphie, à la frontière entre l'Égypte et la bande de Gaza.
Cette condition est devenue l'un des principaux points d'achoppement des négociations sur un accord entre Israël et le Hamas. D’ailleurs, M. Bar-David a lui-même dit que «l'accord sur les otages est bloqué en raison de considérations de politique intérieure».
Néanmoins, le tribunal du travail israélien de Bat Yam a ordonné la levée de la grève à 14h30, soit trois heures et demie plus tôt que prévu par la Histadrout. M. Bar-David a appelé au respect de cette décision.

La Histadrout est-elle si forte que ça?
Si M. Smotrich s’inquiète tellement de l’appel à la grève générale, c’est que la Histadrout ne doit pas être sous-estimée.
Créée en 1920 dans le but de donner un «visage humain» au socialisme israélien, la Histadrout est constituée aujourd’hui de 28 syndicats et comprend 800.000 membres. Avec une telle influence dans l’économie israélienne, cette puissance syndicale peut paralyser le pays.
Les ministères, les autorités et les services gouvernementaux sont en grève, bien que certains aient résisté et déclaré qu'ils travailleraient normalement. Toutes les grandes banques sont également en grève, ainsi que l'Israel Business Forum, qui représente la plupart des travailleurs du secteur privé issus de 200 des plus grandes entreprises du pays.
Il convient de noter qu’en avril, le ministère des Finances a annoncé que le déficit budgétaire du pays sur douze mois avait marqué une escalade à 132,2 milliards de shekels (35,4 milliards de dollars), soit 7% du PIB. Une grève générale pourrait donc peser lourdement sur les finances publiques.
La grève pourrait-elle changer la donne?
Pourtant, cela fait des mois que les Israéliens organisent des manifestations et des grèves afin d’essayer de remuer le gouvernement, vraisemblablement en vain. La grève générale pourrait-elle aboutir à quelque chose?
Contacté par Ici Beyrouth, le politologue Barah Mikaïl, spécialiste en politique israélienne, affirme que «le fait que le tribunal du Travail de Tel-Aviv ait statué sur la nécessité de mettre fin à cette grève du fait de son caractère politique et de son inadéquation avec les orientations d’un syndicat semble devoir avoir un impact sur la portée effective de la manifestation».
«Mais cela n’annule en rien ni le caractère certes symbolique mais non moins fort de cette manifestation, ni le fait que le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, essuie effectivement des pressions considérables sur les plans politique et populaire», poursuit-il. Selon M. Mikaïl, «cette grève, et la colère qui la sous-tend devant l’inadéquation de la stratégie de libération des otages pour laquelle M. Netanyahou a opté, ne devrait pas aboutir à la destitution de celui-ci. Elle ne semble pas plus menacer la survie politique de son gouvernement».
M. Mikaïl conclut en disant qu’«il y aura probablement d’autres manifestations populaires; mais je ne crois pas que cette grève convoquée par la Histadrout change fondamentalement le paysage israélien. C’est un indicateur, certes, mais très honnêtement, il ne préjuge pas de l’orientation de la majorité de la population israélienne».
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