Entre inquiétude, solidarité et impuissance, les réactions de la diaspora libanaise face aux récents raids israéliens
Les récentes frappes israéliennes sur le Liban, particulièrement dans le sud et à Beyrouth, ont suscité une profonde émotion au sein de la diaspora libanaise. Présents dans de nombreux pays à travers le monde, les Libanais expatriés observent avec anxiété la montée des tensions et l’escalade de la violence dans leur pays d’origine. Témoins de cette nouvelle crise qui secoue le Liban, ils expriment à la fois leur inquiétude pour leurs proches, leur colère face à la situation, mais aussi leur sentiment d’impuissance à distance.

La peur et l’inquiétude pour les proches restés au Liban


Pour de nombreux membres de la diaspora, la situation actuelle réveille des souvenirs douloureux des conflits passés. Daniela Stephan, une Libanaise installée à Londres, confie: «Je ressens tellement de choses que je n'arrive pas à les contenir en une seule émotion. De la tristesse, de la douleur, de l'impuissance.» Pour elle, chaque nouvelle frappe aérienne évoque des souvenirs des guerres que sa famille a déjà traversées. «Je les appelle en permanence et j'ai peur qu'ils revivent ça encore.» Ce besoin constant de maintenir le contact reflète une inquiétude partagée par de nombreux expatriés qui craignent pour la sécurité de leurs proches restés au Liban.

Lynn el-Bitar, qui a quitté le Liban pour s’installer en France il y a deux ans, exprime également son angoisse. «Toute ma famille, mes amis que j'ai quittés pour construire mon avenir en France sont en danger», explique-t-elle. Elle se souvient des souvenirs traumatisants des guerres précédentes, notamment celle de 2006, mais aussi de l’explosion du port de Beyrouth en 2020. «Le Liban n’a jamais été en paix et, maintenant, encore une fois, ils doivent faire face à ça. Je souhaite être au Liban en ce moment, même si cela mettrait ma vie en danger.» Ses mots expriment un sentiment d’impuissance qui semble commun à beaucoup d'expatriés qui, bien qu'en sécurité à l'étranger, se sentent émotionnellement fragilisés par la situation de leur pays.

Colère contre l’escalade des violences


Si l'inquiétude domine, la colère n'est pas en reste. Mike Habis, résident à Montréal, au Canada, s'indigne face aux pertes humaines causées par les raids israéliens. «Beaucoup de ces personnes n’avaient aucune association avec le Hezbollah, mais elles ont quand même été tuées», déplore-t-il, pointant du doigt les conséquences disproportionnées des attaques. Il exprime une colère profonde contre les deux parties impliquées dans le conflit, blâmant à la fois le Hezbollah et Israël pour leur rôle dans l’escalade des violences. Pour lui, la situation est le résultat de politiques irresponsables des deux camps, plaçant des civils innocents en première ligne.

De son côté, Marc-Elie Hayek, installé en Corse, adopte un ton encore plus sévère en dénonçant un manque de volonté de certains gouvernements à intervenir pour mettre un terme à la spirale de violence qui frappe le Liban. Miné par un mélange de tristesse et d’impuissance, il considère que «c’était prévisible» et assiste, impotent, à ce qu’il voit comme un «Eldorado courant à sa perte».

L’impuissance à distance: un dilemme pour la diaspora


Vivre à l’étranger, bien que loin du danger immédiat, n’atténue pas le sentiment d’impuissance pour la diaspora libanaise. Bien au contraire, il l’exacerbe. Dana Teresa, une Libanaise vivant à Paris, partage ce dilemme personnel. «Le sentiment qui domine est l’impuissance mêlée à de la révolte.» Si elle se trouve en sécurité physique dans son pays d’accueil, son esprit reste constamment tourné vers le Liban. «Je ne peux pas arrêter de travailler parce que mon pays est en guerre. Je ne peux pas rester cloîtrée chez moi», raconte-t-elle, illustrant la difficile conciliation entre une vie quotidienne à l’étranger et l’inquiétude pour un pays dévasté.


De son côté, Lynn el-Bitar évoque également la dissonance émotionnelle ressentie par les expatriés. «Le sentiment de sécurité est une illusion. Il n'y a aucun réconfort, aucune assurance que cette guerre prendra fin.» Elle déclare même souhaiter être auprès de sa famille, même si cela implique de prendre des risques. Ses propos révèlent une tension permanente entre la vie à l’étranger et le désir d'être solidaire de sa communauté d'origine dans ces moments critiques.

Un avenir incertain pour le Liban


Alors que les bombardements continuent de secouer le pays, la diaspora libanaise craint pour l'avenir du Liban. Pour Daniela Stephan, le spectre d’un conflit prolongé plane. «Après les événements à Gaza, j’ai peur que quelque chose de similaire se produise au Liban», confie-t-elle, redoutant une guerre de plus grande envergure.

Quant à Marc-Elie Hayek, il décrit une «perte de contrôle totale», où l’instabilité politique et économique actuelle empêche tout espoir de résolution pacifique à court terme. Pour beaucoup, cette nouvelle escalade des tensions ne fait que renforcer l’idée que le Liban est prisonnier d’un cycle de crises successives, difficile à briser.

En dépit de cette incertitude, la diaspora libanaise, marquée par des émotions profondes, demeure solidaire de son pays. À travers les initiatives humanitaires, les manifestations et les actions concrètes, les Libanais à l'étranger tentent d’apporter leur soutien, tout en espérant que ce cycle de violence prenne fin et que leur pays puisse enfin entrevoir un avenir apaisé.

 

Par Paul Guillot
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