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- Incursion israélienne terrestre au Liban, une opération à haut risque, mais stratégique pour Tel Aviv
À la vitesse à laquelle vont les développements politiques et sécuritaires au Liban et dans la région, et même si Tel Aviv a réussi à décapiter et à affaiblir le Hezbollah, l’éventualité d’une opération terrestre israélienne, encore envisageable, demeure, sur le plan militaire et stratégique, risquée pour l’État hébreu.
À en croire le Wall Street Journal, les Israéliens auraient envoyé des troupes dans les tunnels du Hezbollah, le long de la frontière, dans le cadre d’une opération ponctuelle de renseignements. L’armée libanaise a également fait part, selon une source sécuritaire, de «mouvements (israéliens) près de la Ligne bleue». Des informations que nous n’avons pas pu vérifier mais qui, selon une source militaire bien informée, «n’auraient rien d’étonnant».
«Ce que privilégient les Israéliens à l’heure actuelle, ce sont les opérations spéciales, avec des raids sur les cachettes, les dépôts d’armes et les positions du Hezbollah au sud du Liban», dans la Békaa et le Hermel, estime-t-on de même source. «Le cas échéant, si jamais une opération terrestre d’envergure est lancée, l’État hébreu se contenterait d’envoyer ses forces spéciales terrestres (commandos, parachutistes, etc.) dans la zone qu’il chercherait à «nettoyer» plutôt que d’effectuer une incursion par chars, jugée dangereuse», poursuit-on.
Mais, d’après cette même source, ce scénario présente des risques «pour toutes les parties prenantes qui préfèrent toujours un règlement diplomatique par le biais de négociations».
Pourquoi? Parce qu’en cas d’incursion, une intervention de l’armée libanaise serait inéluctable pour protéger le territoire national, ce qui aurait des répercussions sur la suite, lorsque le moment sera venu de discuter de la sécurité de toute la zone frontalière, de laquelle le Hezbollah serait repoussé. «On sait que seule, la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) n’est pas capable d’assumer cette mission et a besoin de l’apport de l’armée. En cas d’affrontements cependant entre les deux armées libanaise et israélienne, Tel Aviv pourrait s’opposer à ce que les forces régulières libanaises assurent la sécurité d’une éventuelle force tampon», explique-t-on toujours de même source.
À cette analyse adhère le général Dominique Trinquand, expert militaire et ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU. «Étant donné l’échec partiel de l’application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies depuis 2006 et vu l’incapacité de l’armée libanaise à imposer le retrait du Hezbollah jusqu’au nord du Litani, les Israéliens pourraient avoir tendance à prendre la place des forces régulières et à occuper la zone de sécurité qu’ils chercheraient à imposer en cas d’invasion terrestre», signale le général Trinquand.
Or, quand bien même cette opération reste envisagée, puisque deux brigades sont positionnées au niveau de la frontière et attendent l’ordre de se mobiliser, une telle opération n’est pas sans rappeler celle qui, en 2006, a engendré la mort de 200 soldats israéliens, mais aussi le retrait des forces de l’État hébreu sous la protection de l’ONU. «Une opération terrestre aurait le triple inconvénient de mettre en danger la vie des soldats israéliens, de ne pas être suffisante pour la préparation de l’après-guerre et de provoquer une levée de boucliers de la communauté internationale et donc un isolement d’Israël dans la durée, même si le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, ne tient pas vraiment compte de ce dernier élément», explique Dominique Trinquand.
Quel plan de bataille en cas d’offensive terrestre?
Si l’opération terrestre devait avoir lieu, elle serait entreprise selon un plan de bataille qui «se limiterait à la région sud du pays», assure à son tour le général à la retraite Khalil Hélou, c’est-à-dire jusqu’au Litani. Cette offensive se ferait, selon lui, tant à partir du Golan syrien qu’à partir du nord israélien. Elle serait, de son avis, «ponctuelle» et finirait par un «retrait» une fois tous les objectifs israéliens atteints.
Sur la question de la durée, tout dépendrait, d’après le général Hélou, du potentiel opérationnel actuel du Hezbollah. «Il est vrai que la formation pro-iranienne a été largement affaiblie, que ses ripostes restent maigres, mais elle conserve toujours des capacités (militaires) au Liban-Sud, notamment dans les tunnels», précise-t-il. Et d’ajouter: «Nous assisterions, le cas échéant, à une guérilla interminable, comme nous l’avait promis le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avant d’être assassiné», le 27 septembre dernier, au moyen de 80 bombes anti-bunker GBU-72, larguées par les Israéliens sur le quartier général du Hezb, dans la banlieue sud de Beyrouth.
Dans ce cas de figure, l’invasion terrestre servirait non pas à garantir uniquement le retour chez eux des 68.000 déplacés du nord d’Israël (un objectif que s’est fixé M. Netanyahou), mais aussi à démanteler totalement le Hezbollah. «Les Israéliens ont dépassé aujourd’hui le stade où ils exigeaient seulement le retrait du Hezbollah au-delà du fleuve du Litani et où ils plaidaient pour l’application de la 1701», affirme le général Hélou. «Ce à quoi nous assistons est tout à fait semblable à ce qui a eu lieu à Gaza et jusque-là, rien ne pourra arrêter les Israéliens, sauf une intervention des États-Unis qui, à l’heure actuelle, sont concentrés sur les élections présidentielles prévues en novembre», note-t-il.
Si le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, s’opposait à l’idée d’une opération terrestre d’envergure et privilégiait des attaques ciblées contre les capacités du Hezbollah, ça ne semble plus le cas aujourd’hui. En date du 11 septembre dernier, il avait lui-même supervisé des exercices militaires dans le nord d’Israël. Il avait ainsi demandé aux troupes de s’apprêter à une opération terrestre imminente avant d’annoncer, le 18 septembre dernier, que le «centre de gravité» de la guerre menée contre le Hamas depuis le 7 octobre 2023 «se déplace vers le nord».
Il y a quelques jours, il tenait aussi une réunion axée sur les préparatifs de l'armée israélienne pour «étendre l'activité offensive» au front nord. L’évaluation se déroulait avec le chef d'état-major de l’armée israélienne, Herzi Halevi, le chef de la direction des opérations, Oded Basiuk, et le chef de la direction du renseignement, Shlomi Binder. Aujourd’hui, c’est aux côtés de Gideon Saar, député de centre-droit et ancien ministre de la Justice, que M. Gallant devrait mener le «jeu».
M. Saar, qui a rejoint dimanche le gouvernement israélien en tant que ministre sans portefeuille, avait été pressenti pour succéder à Yoav Gallant, après des dissensions qui avaient éclaté entre ce dernier et Benjamin Netanyahou au sujet notamment de la stratégie militaire à adopter dans le cadre de la guerre avec le Hezbollah. Aujourd’hui, les deux hommes semblent sur la même longueur d’ondes, alors qu’il se confirme de plus en plus que le Hezbollah est livré à lui-même, par les bons soins de l’Iran.
«Nous n’enverrons pas d’aide au Hezbollah au Liban» et «nous ne n’y déploierons pas de combattants pour faire face à Israël», a déclaré lundi le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanani, lors d’une conférence de presse.
Il a clairement fait comprendre que le «Hezbollah est capable d’affronter seul l’État hébreu» et que l’Iran «ne craint pas la guerre, mais ne veut pas la déclencher».
Dans le même temps, le secrétaire général adjoint du Hezb, Naïm Qassem, affirmait que sa formation «poursuivra, sur les pas de Hassan Nasrallah, sa guerre contre Israël pour soutenir la Palestine et défendre le Liban», promettant à ses partisans une victoire «similaire à celle de 2006». Avec quels moyens, cependant, lorsque l’on sait que le Hezbollah, en plus d’être affaibli, voit ses ressources financières et militaires diminuer à cause du barrage de feu imposé par Israël, qui empêche même les avions civils iraniens d’atterrir à l’aéroport?
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