Avec la crise économique et financière qui sévit dans le pays, de nouvelles marques de cosmétiques, entièrement fabriqués au Liban, ont émergé au cours des trois dernières années. Des produits qui font déjà la concurrence à des marques internationales.
https://youtu.be/zLLGktCj3Dc
C’est bien connu, en temps de crise, la consommation se tourne davantage vers la production locale. Un tropisme qui a vu au Liban l’émergence de nouvelles marques de cosmétiques naturels et écoresponsables. Moins onéreux que leurs pendants importés et répondant aux mêmes attentes, ces produits artisanaux fabriqués localement ont aujourd’hui le vent en poupe. Reste que dans un pays exsangue, le chemin vers la croissance est ardu.
Helwé, Salma Loves Beauty ou encore Atelier Beautanique sont quelques exemples de marques ayant éclos durant ces trois dernières années et dont la démarche écologique, intelligente, raisonnable et saine – sans ingrédients polémiques – les distingue dans un marché traditionnellement dominé par les labels conventionnels internationaux.
Un marché en floraison
Fondée par Josiane Riachi, docteure en pharmacie, Helwé est une gamme de cosmétiques écoresponsables, naturels et à hauts principes actifs, inspirée du concept du layering japonais, une méthode de soin du visage en six étapes. «Au moment du soulèvement populaire d’octobre 2019, j’ai senti le besoin d’aider mon pays en promouvant la production nationale, raconte l’entrepreneuse à Ici Beyrouth. Pour compléter mes acquis, j’ai suivi quelques formations en cosmétiques naturels en Europe, avant d’aller m’installer durant la période de confinement dans ma maison à Helwé, face à la mer. C’est là que j’ai monté mes 33 formules.»
S’ensuit l’aménagement d’un atelier-laboratoire à Badaro où elle se met à produire à petite échelle, au départ, pour son entourage, puis, chemin faisant et le succès aidant, les ventes décollent. Aujourd’hui, un peu plus d’un an après son lancement, la marque écoule environ 3.600 unités de soins traitants et anti-âge par mois (soit 120 unités vendues par référence) essentiellement à travers les ventes en ligne, mais aussi lors de consultations privées durant lesquelles Josiane Riachi établit des traitements dermatologiques adaptés.
Même impulsion teintée de fibre patriotique pour Rosemary Romanos. Cette jeune trentenaire crée Salma Loves Beauty quelques semaines avant le mouvement de contestation d’octobre 2019 et installe dans la foulée l’usine, ainsi que le centre de recherche et développement, dans son village de Lebaa. Aujourd’hui, près de 25 personnes travaillent pour la PME. «Nous avons commencé par cinq références de savons. Deux ans et demi plus tard, la marque compte plus de 100 produits allant du shampooing au démêlant en passant par les gels douche et les crèmes corporelles. Bientôt, nous lancerons les brumes pour cheveux et corps», raconte, enthousiaste, la jeune femme. «Soit une progression de 200% en volume par rapport à l’année dernière que nous espérons maintenir.»
En plus d’être 100% naturel, le label milite pour minimiser l’impact environnemental. «Nous œuvrons pour la réduction du plastique et encourageons, par des escomptes, notre clientèle à venir remplir ses bouteilles en boutique», insiste-t-elle. Diffusée dans une cinquantaine de points de vente, la marque a déjà une longueur d’avance dans les ventes en digital et détient le leadership sur le marché des hôtels et maisons d’hôtes.
Autre valeur montante, Atelier Beautanique. Fondée en 2020, elle propose deux gammes de produits également naturels, végans et certifiés sans cruauté envers les animaux. L’une, Sôp, comprend 40 références de savons et l’autre, Heal, 35 références de soins à base d’huiles naturelles. Des formules concentrées et innovantes qui ont rapidement gagné en notoriété et en parts de marché. Entre 750 et 1.000 unités sont vendues chaque mois, dont 60% via différentes plateformes numériques. Pour Marc Raphaël, un des deux fondateurs, l’expansion de la production locale s’explique par le besoin impératif du pays de générer de la croissance, et donc des revenus en dollars cash. «De plus, avec la dévaluation de la livre libanaise et l’effondrement du pouvoir d’achat, le consommateur a dû délaisser les signatures internationales pour se tourner vers les produits naturels libanais, plus accessibles», ajoute-t-il.
Cercle vertueux
Un des principes fondamentaux défendus par cette consommation alternative de la beauté est le travail en circuit court. Rappelons que la nature libanaise regorge de plus de 2.600 espèces végétales. «Nous tenons fermement compte de cette offre naturelle lorsque nous travaillons nos formules», insiste Marc Raphaël. Même topo pour Rosemary Romanos qui s’inspire de cette biodiversité pour composer ses senteurs. Mais, au-delà de cette démarche écologique, le but à terme est d’appuyer le développement durable pour toute la filière. «Très clairement, une des missions prioritaires de Salma Loves Beauty est de mettre en place une économie circulaire en maximisant l’apport de matières premières provenant du travail des fermiers libanais, explique la jeune cheffe d’entreprise. Le second volet serait d’offrir à ces producteurs les outils nécessaires pour se faire certifier eux-mêmes et, par conséquent, l’opportunité de voler de leurs propres ailes sur le marché à l’export.»
Même son de cloche chez Josiane Riachi. «J’encourage la production locale en passant mes commandes spéciales d’hydrolats dans de petits ateliers au Liban.» Reste que cette politique a ses limites puisque nombre de composants, utilisés par certains fabricants, comme l’eau distillée ou l’éthanol, ne sont pas disponibles sur place. Plus concrètement, sur le nombre total d’ingrédients constituant un produit, environ 30 à 40% seulement proviennent de producteurs locaux. «Les matières telles que la vitamine C, le bakuchiol ou l’acide hyaluronique sont importées, signale la fondatrice de Helwé. Du coup, j’essaie toujours d’utiliser dans mes formules un maximum d’huiles végétales méditerranéennes en espérant pouvoir un jour les produire toutes ici.»
Contrôle qualité
Fabriquer et commercialiser des produits cosmétiques n’est pas quelque chose d’anodin. La réglementation dans ce domaine est d’ailleurs très pointilleuse et requiert des procédures souvent onéreuses et fastidieuses. «Chaque ingrédient entrant dans la composition d’un sérum doit détenir une carte d’identité et un numéro de lot, indique Josiane Riachi. Parce que les producteurs locaux n’en ont souvent pas les moyens, c’est moi qui prends à ma charge l’examen en laboratoire.»
Chez Salma Loves Beauty, l’usine jouit déjà de la certification «ISO bonnes pratiques de fabrication», nécessaire à l’exportation, à laquelle s’ajoute la mise en place du processus d’assurance qualité. «Ce système veille à ce que les produits obéissent à des standards et soient constamment améliorés, déclare de son côté le fondateur d’Atelier Beautanique. Des tests sont pratiqués sur des échantillonnages, et ce, à toutes les étapes de la fabrication, de la matière brute jusqu’au produit fini.»
La course aux certifications ne s’arrête pas là. L’exportation étant un enjeu majeur pour ces petits fabricants, car source additionnelle de revenus et levier de croissance conséquent, ils doivent là encore obtenir plusieurs certificats prouvant que le produit est conforme aux normes internationales. «Le sérum doit être examiné entièrement par des toxicologues en Europe, puis réexaminé et stabilisé sur plusieurs mois. C’est beaucoup de temps, de paperasse et d’argent», explique la patronne de Helwé.
Un chemin semé d’embûches
Pour espérer grandir, sans aide ni financement, ces petites entreprises ne peuvent compter que sur elles-mêmes. Mais, entre instabilité monétaire, coupures de courant, pénuries de carburant et difficultés d’approvisionnement, les défis auxquels elles font face sont légion.
«Avec tous les aléas et les soubresauts de la livre libanaise, je n’ai pu vendre mes produits qu’en dollars ou en monnaie locale au cours du jour car une bonne partie des ingrédients est importée», annonce Josiane Riachi. Des difficultés endémiques qui ont achevé de convaincre la marque Salma Loves Beauty de basculer toute sa comptabilité en devise américaine. «Pour pérenniser l’activité de l’entreprise, nous avons dû modifier notre modèle économique en passant, par exemple, la production en flux tendu et nos modes de paiement avec nos clients au contre-remboursement», détaille Rosemary Romanos. Pour rester concurrentielles, les marques compressent aussi leurs marges de profit. «J’essaie constamment de trouver un équilibre profitable à la fois pour moi et le consommateur, déclare Josiane Riachi. Dans une situation normale, j’aurais vendu mon sérum avec une plus grande marge de gain qui correspond à 1,5 du prix de revient. Aujourd’hui, comparativement aux signatures internationales de même qualité, je suis 50% moins chère.» Une compétitivité qui témoigne, très clairement, du dynamisme d’un secteur qui cherche, envers et contre tout, à libérer tout son potentiel.
https://youtu.be/zLLGktCj3Dc
C’est bien connu, en temps de crise, la consommation se tourne davantage vers la production locale. Un tropisme qui a vu au Liban l’émergence de nouvelles marques de cosmétiques naturels et écoresponsables. Moins onéreux que leurs pendants importés et répondant aux mêmes attentes, ces produits artisanaux fabriqués localement ont aujourd’hui le vent en poupe. Reste que dans un pays exsangue, le chemin vers la croissance est ardu.
Helwé, Salma Loves Beauty ou encore Atelier Beautanique sont quelques exemples de marques ayant éclos durant ces trois dernières années et dont la démarche écologique, intelligente, raisonnable et saine – sans ingrédients polémiques – les distingue dans un marché traditionnellement dominé par les labels conventionnels internationaux.
Un marché en floraison
Fondée par Josiane Riachi, docteure en pharmacie, Helwé est une gamme de cosmétiques écoresponsables, naturels et à hauts principes actifs, inspirée du concept du layering japonais, une méthode de soin du visage en six étapes. «Au moment du soulèvement populaire d’octobre 2019, j’ai senti le besoin d’aider mon pays en promouvant la production nationale, raconte l’entrepreneuse à Ici Beyrouth. Pour compléter mes acquis, j’ai suivi quelques formations en cosmétiques naturels en Europe, avant d’aller m’installer durant la période de confinement dans ma maison à Helwé, face à la mer. C’est là que j’ai monté mes 33 formules.»
S’ensuit l’aménagement d’un atelier-laboratoire à Badaro où elle se met à produire à petite échelle, au départ, pour son entourage, puis, chemin faisant et le succès aidant, les ventes décollent. Aujourd’hui, un peu plus d’un an après son lancement, la marque écoule environ 3.600 unités de soins traitants et anti-âge par mois (soit 120 unités vendues par référence) essentiellement à travers les ventes en ligne, mais aussi lors de consultations privées durant lesquelles Josiane Riachi établit des traitements dermatologiques adaptés.
Même impulsion teintée de fibre patriotique pour Rosemary Romanos. Cette jeune trentenaire crée Salma Loves Beauty quelques semaines avant le mouvement de contestation d’octobre 2019 et installe dans la foulée l’usine, ainsi que le centre de recherche et développement, dans son village de Lebaa. Aujourd’hui, près de 25 personnes travaillent pour la PME. «Nous avons commencé par cinq références de savons. Deux ans et demi plus tard, la marque compte plus de 100 produits allant du shampooing au démêlant en passant par les gels douche et les crèmes corporelles. Bientôt, nous lancerons les brumes pour cheveux et corps», raconte, enthousiaste, la jeune femme. «Soit une progression de 200% en volume par rapport à l’année dernière que nous espérons maintenir.»
En plus d’être 100% naturel, le label milite pour minimiser l’impact environnemental. «Nous œuvrons pour la réduction du plastique et encourageons, par des escomptes, notre clientèle à venir remplir ses bouteilles en boutique», insiste-t-elle. Diffusée dans une cinquantaine de points de vente, la marque a déjà une longueur d’avance dans les ventes en digital et détient le leadership sur le marché des hôtels et maisons d’hôtes.
Autre valeur montante, Atelier Beautanique. Fondée en 2020, elle propose deux gammes de produits également naturels, végans et certifiés sans cruauté envers les animaux. L’une, Sôp, comprend 40 références de savons et l’autre, Heal, 35 références de soins à base d’huiles naturelles. Des formules concentrées et innovantes qui ont rapidement gagné en notoriété et en parts de marché. Entre 750 et 1.000 unités sont vendues chaque mois, dont 60% via différentes plateformes numériques. Pour Marc Raphaël, un des deux fondateurs, l’expansion de la production locale s’explique par le besoin impératif du pays de générer de la croissance, et donc des revenus en dollars cash. «De plus, avec la dévaluation de la livre libanaise et l’effondrement du pouvoir d’achat, le consommateur a dû délaisser les signatures internationales pour se tourner vers les produits naturels libanais, plus accessibles», ajoute-t-il.
Cercle vertueux
Un des principes fondamentaux défendus par cette consommation alternative de la beauté est le travail en circuit court. Rappelons que la nature libanaise regorge de plus de 2.600 espèces végétales. «Nous tenons fermement compte de cette offre naturelle lorsque nous travaillons nos formules», insiste Marc Raphaël. Même topo pour Rosemary Romanos qui s’inspire de cette biodiversité pour composer ses senteurs. Mais, au-delà de cette démarche écologique, le but à terme est d’appuyer le développement durable pour toute la filière. «Très clairement, une des missions prioritaires de Salma Loves Beauty est de mettre en place une économie circulaire en maximisant l’apport de matières premières provenant du travail des fermiers libanais, explique la jeune cheffe d’entreprise. Le second volet serait d’offrir à ces producteurs les outils nécessaires pour se faire certifier eux-mêmes et, par conséquent, l’opportunité de voler de leurs propres ailes sur le marché à l’export.»
Même son de cloche chez Josiane Riachi. «J’encourage la production locale en passant mes commandes spéciales d’hydrolats dans de petits ateliers au Liban.» Reste que cette politique a ses limites puisque nombre de composants, utilisés par certains fabricants, comme l’eau distillée ou l’éthanol, ne sont pas disponibles sur place. Plus concrètement, sur le nombre total d’ingrédients constituant un produit, environ 30 à 40% seulement proviennent de producteurs locaux. «Les matières telles que la vitamine C, le bakuchiol ou l’acide hyaluronique sont importées, signale la fondatrice de Helwé. Du coup, j’essaie toujours d’utiliser dans mes formules un maximum d’huiles végétales méditerranéennes en espérant pouvoir un jour les produire toutes ici.»
Contrôle qualité
Fabriquer et commercialiser des produits cosmétiques n’est pas quelque chose d’anodin. La réglementation dans ce domaine est d’ailleurs très pointilleuse et requiert des procédures souvent onéreuses et fastidieuses. «Chaque ingrédient entrant dans la composition d’un sérum doit détenir une carte d’identité et un numéro de lot, indique Josiane Riachi. Parce que les producteurs locaux n’en ont souvent pas les moyens, c’est moi qui prends à ma charge l’examen en laboratoire.»
Chez Salma Loves Beauty, l’usine jouit déjà de la certification «ISO bonnes pratiques de fabrication», nécessaire à l’exportation, à laquelle s’ajoute la mise en place du processus d’assurance qualité. «Ce système veille à ce que les produits obéissent à des standards et soient constamment améliorés, déclare de son côté le fondateur d’Atelier Beautanique. Des tests sont pratiqués sur des échantillonnages, et ce, à toutes les étapes de la fabrication, de la matière brute jusqu’au produit fini.»
La course aux certifications ne s’arrête pas là. L’exportation étant un enjeu majeur pour ces petits fabricants, car source additionnelle de revenus et levier de croissance conséquent, ils doivent là encore obtenir plusieurs certificats prouvant que le produit est conforme aux normes internationales. «Le sérum doit être examiné entièrement par des toxicologues en Europe, puis réexaminé et stabilisé sur plusieurs mois. C’est beaucoup de temps, de paperasse et d’argent», explique la patronne de Helwé.
Un chemin semé d’embûches
Pour espérer grandir, sans aide ni financement, ces petites entreprises ne peuvent compter que sur elles-mêmes. Mais, entre instabilité monétaire, coupures de courant, pénuries de carburant et difficultés d’approvisionnement, les défis auxquels elles font face sont légion.
«Avec tous les aléas et les soubresauts de la livre libanaise, je n’ai pu vendre mes produits qu’en dollars ou en monnaie locale au cours du jour car une bonne partie des ingrédients est importée», annonce Josiane Riachi. Des difficultés endémiques qui ont achevé de convaincre la marque Salma Loves Beauty de basculer toute sa comptabilité en devise américaine. «Pour pérenniser l’activité de l’entreprise, nous avons dû modifier notre modèle économique en passant, par exemple, la production en flux tendu et nos modes de paiement avec nos clients au contre-remboursement», détaille Rosemary Romanos. Pour rester concurrentielles, les marques compressent aussi leurs marges de profit. «J’essaie constamment de trouver un équilibre profitable à la fois pour moi et le consommateur, déclare Josiane Riachi. Dans une situation normale, j’aurais vendu mon sérum avec une plus grande marge de gain qui correspond à 1,5 du prix de revient. Aujourd’hui, comparativement aux signatures internationales de même qualité, je suis 50% moins chère.» Une compétitivité qui témoigne, très clairement, du dynamisme d’un secteur qui cherche, envers et contre tout, à libérer tout son potentiel.
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