Crimes et châtiments
Alors que les images de nombreux corps à Boutcha ont suscité un tollé international, plusieurs responsables internationaux ont réclamé justice pour les victimes en évoquant les notions de "crime de guerre" ou "crime contre l'humanité". Le président Zelensky allant même jusqu'à dénoncer un "génocide" envers son peuple.


Images poignantes du plus fidèle ami de l'homme. Ce chien est resté au chevet du corps de son maître pendant plusieurs jours, bravant le froid et la faim. Il n'a bougé que lorsque les secouristes sont venus retirer la dépouille pour l'enterrer.

 

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Nées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en même temps que la mise en place du Tribunal international de Nuremberg pour juger les crimes nazis, ces trois incriminations sont au coeur des compétences de la Cour pénale internationale (CPI).

Elles peuvent aussi relever de juridictions nationales lorsque celles-ci ont des compétences en matière de justice universelle comme c'est le cas en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en France ou encore en Suisse.

Les crimes de guerre

Les "crimes de guerre" se définissent comme des violations graves du droit international commises à l’encontre de civils ou de combattants à l’occasion d’un conflit armé et qui entraînent la responsabilité pénale individuelle de leurs auteurs, selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme (HCDH).

Ces crimes correspondent à des violations des Conventions de Genève, adoptées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en 1949.

Leur codification la plus récente se trouve à l’article 8 du Statut de Rome de 1998, fondateur de la Cour pénale internationale (CPI).

Cet article définit plus de 50 exemples de crimes de guerre, parmi lesquels l'homicide, la torture, les prises d'otages, l'utilisation d'enfants soldats, les déportations illégales, les attaques intentionnelles contre des civils, les viols, le pillage ou encore des attaques intentionnelles contre des missions d'aide humanitaire ou de maintien de la paix.

 



 

 

L'utilisation de gaz, ou d'armes généralement interdites qui peuvent causer "des souffrances inutiles" ou "frapper sans discrimination" comme des armes à sous-munitions, sont également considérées comme crimes de guerre.

Les crimes de guerre relèvent de la CPI. Cette juridiction internationale dont le siège est à La Haye est née en 2002, précisément pour juger ce type de crimes ainsi que les crimes contre l'humanité, les génocides et plus récemment les crimes d'agression.

Exemple récent de condamnation: en novembre 2019, l'ex-chef de guerre congolais Bosco Ntaganda, surnommmé "Terminator", a été condamné à 30 ans de prison ferme, peine la plus lourde alors jamais prononcée par la CPI, pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité dont des crimes sexuels, massacres, persécutions et transfert forcé de la population civile en RDC au début des années 2000.

 



 

 


Les crimes contre l'humanité

La notion de crime contre l'humanité a été créée et définie le 8 août 1945 par l'article 6 des statuts du Tribunal international de Nuremberg.

Ce crime se définit comme "l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toute population civile, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs raciaux ou religieux".

Il a été créé a posteriori pour juger les criminels nazis dont les crimes n'avaient pas été imaginés antérieurement.

Cette notion a ensuite été codifiée dans l'article 7 du Statut de Rome de la CPI qui stipule que les crimes contre l’humanité sont des actes tels que le meurtre, l'extermination, le viol, la persécution et tous autres actes inhumains, commis "dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque".
Génocide

Le terme "génocide" a été utilisé, d'un point de vue juridique, pour la première fois lors des procès de Nuremberg pour désigner l'extermination des Juifs.

Il est ensuite devenu partie intégrante du droit international en 1948 en vertu de la convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide. Elle décrit le génocide comme un "crime commis dans l'intention de détruire, ou tout, ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux".

Exemple de condamnations pour génocide:

- en novembre 1994, l'ONU crée le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) basé à Arusha (Tanzanie) et quatre ans plus tard le TPIR prononce les premières peines de réclusion à perpétuité qui constituent une première reconnaissance du génocide contre la minorité tutsie rwandaise.


- le massacre de Srebrenica dans l'est de la Bosnie, lors duquel près de 8.000 garçons et hommes musulmans ont été assassinés en 1995 par les Serbes de Bosnie, a été reconnu en 2007 comme génocide par la Cour internationale de justice (CIJ). Les ex-chefs politique et militaire des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, ont été condamnés à la prison à vie.
Un nouveau venu: le crime d'agression

En décembre 2017, les 123 pays membres de la CPI (à savoir ceux ayant ratifié le Statut de Rome, les Etats-Unis et la Russie n'ont pas ratifié) ont ajouté "le crime d'agression" à la compétence de la juridiction internationale.

Ce chef d'inculpation revient à reconnaître l'attaque de la souveraineté d'un pays par un autre et à permettre de poursuivre ses dirigeants.

Le "crime d'agression" était prévu dans les statuts de la CPI, mais n'était jamais entré en vigueur en raison de son caractère politique.

 



 


Que faire pour le moment?

Pour le moment, les seules décisions concrètes concernent le renforcement des sanctions. Seules la France et les Etats-Unis, à part l'Ukraine bien sûr, ont présenté des mesures concrètes pour lancer la procédure d'investigation dans le but de produire un dossier d'accusation.

La France a annoncé mardi soir qu’elle allait offrir des moyens financiers et humains pour soutenir les enquêtes sur les massacres imputés aux forces russes en Ukraine, après un entretien entre le président Emmanuel Macron et son homologue Zelensky.

Le président Biden a déclaré qu'il faut "rassembler les informations" et "avoir tous les détails" pour "avoir un procès pour crimes de guerre".

Le conseiller à la sécurité nationale US Jake Sullivan a indiqué que la Cour pénale internationale - dont les Etats-Unis ne font pas partie - était "l'un des lieux" où des crimes de guerre avaient été jugés mais a estimé qu'il existait aussi "d'autres mécanismes."

Il a par ailleurs déclaré: "Nous avons vu des atrocités, nous avons vu des crimes de guerre, nous n'avons pas vu jusqu'ici un niveau d'attaque de la vie du peuple ukrainien qui atteigne le niveau du génocide. Mais c'est quelque chose que nous continuons à surveiller."

A présent, en plus d'être économique et militaire, la réponse à la Russie doit aussi être judiciaire, estiment les Américains.

 

 




Sanctions

Le président américain Joe Biden a promis "des sanctions supplémentaires" contre la Russie.

Elles seront annoncées "cette semaine", a précisé Jake Sullivan, insistant sur la volonté de "consensus" avec l'Union européenne, qui de son côté discute en "urgence" de nouvelles représailles économiques contre Moscou.  Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken se rend d'ailleurs à Bruxelles, mercredi et jeudi pour participer à des réunions de l'Otan et du G7.Après avoir déjà annoncé plusieurs trains de mesures, il ne reste plus guère d'options aux Occidentaux, à part celle, majeure, qui consisterait à attaquer les ventes d'énergie russe à l'Europe, pour l'instant largement épargnées.
 

 



 
Renforcer la défense ukrainienne

Lundi, Jake Sullivan est venu devant la presse détailler ce que seront, selon les Américains, les prochains mouvements de l'armée russe.

Selon lui, la Russie "est en train de repositionner ses forces pour concentrer son offensive sur l'est et des parties du sud de l'Ukraine". Elle "a essayé de soumettre toute l'Ukraine et a échoué", a-t-il jugé, estimant que cette nouvelle phase "pourrait durer des mois ou plus".

Selon Washington, "Moscou va continuer les frappes aériennes et les tirs de missiles sur le reste du pays pour causer des dégâts militaires et économiques et aussi, clairement, pour semer la terreur".

Au-delà des sanctions économiques, Jake Sullivan a promis "d'autres annonces d'assistance militaire supplémentaire dans les prochains jours" pour l'Ukraine, notant que les équipements pouvaient provenir des Etats-Unis eux-mêmes ou être acheminés depuis d'autres pays.

Il a évoqué des "systèmes de défense aérienne de longue portée, des systèmes d'artillerie et des système de défense côtière", sans donner plus de détails mais en assurant que déjà, les livraisons d'armes et de matériel à l'armée ukrainienne se déroulaient "à un rythme jamais vu."

 

Avec AFP
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