Huit mois après la disparition du président tchadien, Idriss Deby Itno, le Tchad n’a pas basculé dans l’embrasement mis en avant par la communauté internationale pour se ranger derrière la prise de pouvoir par son fils Mahamat. Derrière cette stabilité de façade, apparaissent des difficultés qui prouvent que le pays n’est pas encore tiré d’affaire.
La thèse avait fait consensus presque unanimement. Au Tchad, l’enjeu essentiel, après la mort subite en avril dernier du président Idriss Deby, suite à des blessures reçues au front, n’était pas de veiller à la démocratie et au respect de l’État de droit, mais d’assurer la stabilité du pays à tout prix.
Jurisprudence tchadienne
Au nom du principe que le monde avait besoin d’un Tchad stable pour lutter, avec de meilleures chances, contre le terrorisme au Sahel et dans le bassin du Lac Tchad, Mahamat Idriss Deby a été adoubé par la France et le G5 Sahel pour succéder à son père par des moyens non constitutionnels. L’Union africaine s’est très vite rangée à cette idée, alors que les États-Unis et l’Union européenne, d’habitude plus regardants sur le respect de l’État de droit et la démocratie, n’avaient rien trouvé à redire à ce que Deby fils succède à Deby père.
La communauté internationale avait poussé l’exception tchadienne jusqu’à ne pas demander la moindre garantie à la transition militaire : ni sur le partage équitable du pouvoir avec les civils, comme au Soudan après le renversement d’Omar el-Béchir en avril 2019, ni sur la clause de non-participation des dirigeants de la transition aux élections à venir, comme au Mali et en Guinée après les coups d’États militaires d’août 2020 et de septembre 2021.
Mahamat à l’école d’Idriss
Avec cette bienveillance inespérée et inédite de la communauté internationale pour une prise de pouvoir par la force, le Conseil militaire de transition a facilement déroulé sa stratégie de stabilisation du pays. Comme sous son père, Mahamat a manié la carotte et le bâton dans ses relations avec les partis politiques et la société civile. Profitant de la formation du gouvernement, il a offert des strapontins aux deux principales forces politiques de l’opposition tchadienne : le Parti pour la liberté et le développement (PLD) de feu Ibni Oumar Mahamat Saleh et l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR) de Saley Kebzabo. Quelques seconds couteaux issus des groupes politico-militaires ont, quant à eux, été autorisés à rentrer d’exil, tant qu’ils ne menacent pas la stabilité du régime. Certains parmi eux ont d’ailleurs été recasés dans le Conseil national de transition (CNT) qui fait office de Parlement pendant la transition.
Pour les autres, le CMT n’a pas hésité, comme sous Deby père, à sortir l’artillerie de la répression. Sur ce plan, on peut même dire que le fils est allé beaucoup plus loin que le père. En attestent les foudres du pouvoir qui se sont abattus le 2 octobre dernier sur le parti « Les transformateurs » de Succès Masra. Selon un décompte établi par cette jeune formation tchadienne, ce jour-là, près de 48 personnes ont été blessées, pour certaines d’entre elles par balles réelles. Le siège du parti a essuyé le jet, d’après toujours la même source, de près de 200 étuis de gaz lacrymogène. Outre « les Transformateurs », le régime de Deby fils déroule le rouleau compresseur de la répression contre la plate-forme « Wakitama » qui, comme le parti de succès Masra, revendique une transition consensuelle et la non-participation des dirigeants de la transition, y compris Deby fils, aux prochaines élections générales.
Mouvements rebelles en embuscade
Alors qu’il ne maîtrise le front intérieur que par la répression brutale, le débauchage ou la cooptation, le Conseil militaire de transition surveille, comme le lait sur le feu, l’agenda des groupes politico-militaires. Replié dans le Sud libyen après son revers militaire, le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), de Mahmat Mahdi, qui a tué en avril le président Deby Itno, s’est depuis lors réorganisé. Son agenda de conquérir le pouvoir par la force n’a pas changé. Faute de garantie que la transition actuelle gravera dans le marbre le principe de l’alternance Tchad, d’autres groupes rebelles tels que l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD) du général Mahamat Nouri ou le Rassemblement des forces du changement (RFC) de Timan Erdimi pourraient, eux aussi, revenir à l’option de la lutte armée.
Une hypothèse d’autant plus envisageable que le Soudan et la Libye, les deux voisins du Tchad d‘où partent habituellement les rébellions armées, sont confrontés à de graves crises internes. Ensemble, le front intérieur et la menace extérieure des politico-militaires pourraient ébranler la stabilité de façade affichée par le CMT, au grand dam de la communauté internationale qui n’aurait alors ni la démocratie, ni la stabilité. Comme dans un marché des dupes.
La thèse avait fait consensus presque unanimement. Au Tchad, l’enjeu essentiel, après la mort subite en avril dernier du président Idriss Deby, suite à des blessures reçues au front, n’était pas de veiller à la démocratie et au respect de l’État de droit, mais d’assurer la stabilité du pays à tout prix.
Jurisprudence tchadienne
Au nom du principe que le monde avait besoin d’un Tchad stable pour lutter, avec de meilleures chances, contre le terrorisme au Sahel et dans le bassin du Lac Tchad, Mahamat Idriss Deby a été adoubé par la France et le G5 Sahel pour succéder à son père par des moyens non constitutionnels. L’Union africaine s’est très vite rangée à cette idée, alors que les États-Unis et l’Union européenne, d’habitude plus regardants sur le respect de l’État de droit et la démocratie, n’avaient rien trouvé à redire à ce que Deby fils succède à Deby père.
La communauté internationale avait poussé l’exception tchadienne jusqu’à ne pas demander la moindre garantie à la transition militaire : ni sur le partage équitable du pouvoir avec les civils, comme au Soudan après le renversement d’Omar el-Béchir en avril 2019, ni sur la clause de non-participation des dirigeants de la transition aux élections à venir, comme au Mali et en Guinée après les coups d’États militaires d’août 2020 et de septembre 2021.
Mahamat à l’école d’Idriss
Avec cette bienveillance inespérée et inédite de la communauté internationale pour une prise de pouvoir par la force, le Conseil militaire de transition a facilement déroulé sa stratégie de stabilisation du pays. Comme sous son père, Mahamat a manié la carotte et le bâton dans ses relations avec les partis politiques et la société civile. Profitant de la formation du gouvernement, il a offert des strapontins aux deux principales forces politiques de l’opposition tchadienne : le Parti pour la liberté et le développement (PLD) de feu Ibni Oumar Mahamat Saleh et l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR) de Saley Kebzabo. Quelques seconds couteaux issus des groupes politico-militaires ont, quant à eux, été autorisés à rentrer d’exil, tant qu’ils ne menacent pas la stabilité du régime. Certains parmi eux ont d’ailleurs été recasés dans le Conseil national de transition (CNT) qui fait office de Parlement pendant la transition.
Pour les autres, le CMT n’a pas hésité, comme sous Deby père, à sortir l’artillerie de la répression. Sur ce plan, on peut même dire que le fils est allé beaucoup plus loin que le père. En attestent les foudres du pouvoir qui se sont abattus le 2 octobre dernier sur le parti « Les transformateurs » de Succès Masra. Selon un décompte établi par cette jeune formation tchadienne, ce jour-là, près de 48 personnes ont été blessées, pour certaines d’entre elles par balles réelles. Le siège du parti a essuyé le jet, d’après toujours la même source, de près de 200 étuis de gaz lacrymogène. Outre « les Transformateurs », le régime de Deby fils déroule le rouleau compresseur de la répression contre la plate-forme « Wakitama » qui, comme le parti de succès Masra, revendique une transition consensuelle et la non-participation des dirigeants de la transition, y compris Deby fils, aux prochaines élections générales.
Mouvements rebelles en embuscade
Alors qu’il ne maîtrise le front intérieur que par la répression brutale, le débauchage ou la cooptation, le Conseil militaire de transition surveille, comme le lait sur le feu, l’agenda des groupes politico-militaires. Replié dans le Sud libyen après son revers militaire, le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), de Mahmat Mahdi, qui a tué en avril le président Deby Itno, s’est depuis lors réorganisé. Son agenda de conquérir le pouvoir par la force n’a pas changé. Faute de garantie que la transition actuelle gravera dans le marbre le principe de l’alternance Tchad, d’autres groupes rebelles tels que l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD) du général Mahamat Nouri ou le Rassemblement des forces du changement (RFC) de Timan Erdimi pourraient, eux aussi, revenir à l’option de la lutte armée.
Une hypothèse d’autant plus envisageable que le Soudan et la Libye, les deux voisins du Tchad d‘où partent habituellement les rébellions armées, sont confrontés à de graves crises internes. Ensemble, le front intérieur et la menace extérieure des politico-militaires pourraient ébranler la stabilité de façade affichée par le CMT, au grand dam de la communauté internationale qui n’aurait alors ni la démocratie, ni la stabilité. Comme dans un marché des dupes.
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