©Plusieurs milliers de partisans de l'opposition se sont rassemblés le 5 avril dans la capitale arménienne Erevan pour dénoncer la gestion par le gouvernement du conflit avec l'Azerbaïdjan au sujet du Haut-Karabakh. (AFP)
Dans l'indifférence de la part de la communauté internationale, le Haut-Karabakh, région peuplée d'Arméniens et sous contrôle azéri, subit une véritable guerre humanitaire avec un seul but : chasser les Arméniens de la région. Une population désespérée qui a perdu le soutien de Erevan et ne peut plus compter sur l'arbitre russe, mobilisé en Ukraine.
Alors que les yeux du monde entier sont rivés sur l’Ukraine, les autres conflits se poursuivent dans toute leur brutalité et leur tragédie, dans l’indifférence générale. C’est le cas du Haut-Karabakh, région revendiquée en même temps par l'Arménie et l’Azerbaïdjan, qui vit une véritable catastrophe humanitaire et une escalade militaire qui pourrait bien coûter la vie à ses 110.000 habitants.
Le Haut-Karabakh est une région montagneuse dont l’histoire est tâchée de sang. Peuplée en majorité d’Arméniens, la région a fait sécession de l’Azerbaïdjan et était militairement et économiquement soutenue par Erevan depuis 1991. Il convient de rappeler que l’URSS avait rattaché administrativement le Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan dans le but de fidéliser les élites de la région face à la République turque, au mépris de sa composition ethnique.
Le conflit a été ravivé en septembre 2020, dans un conflit de 44 jours qui a vu l’Azerbaïdjan reprendre le contrôle sur 300 localités et villages et anéantir les forces arméniennes et du Haut-Karabakh. Une guerre qui a fait plus de 6500 morts et d’innombrables réfugiés, interrompue par un cessez-le-feu garanti par les forces de maintien de la paix russe, stationnées autour de la région.
La communauté internationale s’est peu impliquée dans le conflit, d’une part en raison du faible intérêt stratégique de la région, d’autre part tiraillée entre le principe d’autodétermination des peuples (incarné par le Haut-Karabakh) et celui d’intangibilité des frontières (incarné par l’Azerbaïdjan).
Un conflit latent qui pourrait à nouveau exploser
La défaite de l’Arménie a placé les habitants du Haut-Karabakh à la merci de l’armée azérie, qui a violé l’accord de cessez-le-feu le 24 mars 2022 pour la première fois depuis la fin des hostilités. Moscou, garant du cessez-le-feu, a alors accusé l’Azerbaïdjan d’être entré dans la zone sous responsabilité du contingent russe de maintien de la paix, tandis que l’Arménie, elle, dénonçait une « invasion » marquée par des « tirs d’artillerie constants ». Des propos démentis par le ministère de la Défense azéri.
Territoire enclavé, isolé, d’à peine 3000 km², le Haut-Karabakh subit une pression extrêmement forte de la part des forces azéries. « On assiste tous les jours à de l’intimidation, des enlèvements, du vol de bétail, des coupures de gaz et de courant » nous explique Tigrane Yégavian, chercheur au Centre Français de Recherche sur le Renseignement et spécialiste de l’Arménie « Le but des autorités azerbaïdjanaises est simple : vider le Haut-Karabakh/Artsakh (nom arménien donné au Haut-Karabakh) de sa population arménienne autochtone », ajoute-t-il.
Une population particulièrement vulnérable, privée de son protecteur arménien et à présent de la garantie de protection russe, alors que la guerre en Ukraine concentre toutes les ressources du Kremlin. « Les Azéris ont pris des positions stratégiques, normalement sous contrôle russe. Les troupes russes sont insuffisantes pour garantir la sécurité des habitants » explique Tigrane Yégavian.
En effet, les demandes des autorités du Haut-Karabakh d’augmenter le nombre de soldats russes d’interposition dans la région (actuellement à 2000) sont restées lettres mortes. Lors de l’intrusion azerbaïdjanaise, la Russie s’est contentée de condamner l’évènement, sans agir davantage.
Une opération d’épuration ethnique
Une situation d’impuissance qui permet aux Azerbaïdjanais de prendre place et organiser un véritable ethnocide : dès que les Arméniens reculent, les Azéris prennent leur place et effacent toute trace de la présence arménienne, notamment de nombreuses églises et monastères millénaires.
Une véritable épuration ethnique que ne peut combattre l’Arménie autrement que par la diplomatie. Les habitants du Haut-Karabakh se sentent abandonnés par le pouvoir à Erevan, alors que l’Arménie semble plier face aux revendications azéries et demande à présent une simple reconnaissance des droits de la minorité arménienne dans le cadre d’un statut spécial.
L’Arménie, incapable à présent de jouer son rôle de garant de la sécurité du Haut-Karabakh, compte totalement sur les Russes qui se sont désintéressés de cette partie du monde au profit de l’Ukraine. Tigrane Yégavian résume la situation en comparant les habitants du Haut-Karabakh à des « brebis enfermées dans une cage entourée de loups ».
Une véritable guerre humanitaire pour chasser les habitants du Haut-Karabakh
Depuis de nombreux mois, les habitants du Haut-Karabakh vivent un véritable enfer orchestré par les autorités azéries pour les chasser de leurs terres. Alors que la température atteignait les – 15 degrés Celsius, les habitants ont été privés de gaz deux fois en deux semaines durant le mois de Mars, les laissant sans aucun moyen de se réchauffer.
« Ils ont coupé le gaz à plusieurs reprises, prétextant qu’ils travaillent à réparer les infrastructures, mais en réalité ils utilisent le gaz comme moyen de pression pour faire fuir les habitants » explique Mira Antonyan, directrice de l’ONG « FAR Children support » basée en Arménie et active dans le Haut-Karabakh. « La situation est inimaginable, la vie est totalement interrompue ici, il y a très peu d’électricité, les personnes âgées sont laissées dans des températures glaciales ».
Bakou aurait, selon nos sources, installé des valves dans les tuyaux d’acheminement de gaz pour contrôler le flux selon son bon vouloir.
Tous les moyens semblent bons pour affecter le moral des habitants et les inciter à la sortie. Des mégaphones ont ainsi été installés près des lieux d’habitation diffusant des messages en arménien appelant les habitants à partir du territoire azéri. Fin mars, des attaques azéries sur les villages arméniens ont causé 14 blessés et plusieurs morts, suivies d'un pillage systématique des biens des habitants.
Une véritable guerre psychologique selon Mira Antonyan, qui explique que les forces azéries sont parfois stationnées à quelques dizaines de mètres à peine des maisons. « Ils ont affirmé récemment qu’ils allaient bombarder la capitale du Haut-Karabakh. Les gens ont peur, ils ne dorment plus, ils s’installent dans des abris anti-missiles. C’est une atmosphère de terreur» nous raconte-t-elle.
Une véritable tragédie qui se déploie au milieu de l’indifférence de la part de la communauté internationale. Rares sont les médias traitant la question et les journalistes étrangers ne sont pas autorisés à se rendre à l’intérieur du Haut-Karabakh. Alors que les yeux du monde sont rivés sur l’Ukraine, les Arméniens se sentent abandonnés face à ce qu’ils voient comme un véritable risque de génocide.
Alors que les yeux du monde entier sont rivés sur l’Ukraine, les autres conflits se poursuivent dans toute leur brutalité et leur tragédie, dans l’indifférence générale. C’est le cas du Haut-Karabakh, région revendiquée en même temps par l'Arménie et l’Azerbaïdjan, qui vit une véritable catastrophe humanitaire et une escalade militaire qui pourrait bien coûter la vie à ses 110.000 habitants.
Le Haut-Karabakh est une région montagneuse dont l’histoire est tâchée de sang. Peuplée en majorité d’Arméniens, la région a fait sécession de l’Azerbaïdjan et était militairement et économiquement soutenue par Erevan depuis 1991. Il convient de rappeler que l’URSS avait rattaché administrativement le Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan dans le but de fidéliser les élites de la région face à la République turque, au mépris de sa composition ethnique.
Le conflit a été ravivé en septembre 2020, dans un conflit de 44 jours qui a vu l’Azerbaïdjan reprendre le contrôle sur 300 localités et villages et anéantir les forces arméniennes et du Haut-Karabakh. Une guerre qui a fait plus de 6500 morts et d’innombrables réfugiés, interrompue par un cessez-le-feu garanti par les forces de maintien de la paix russe, stationnées autour de la région.
La communauté internationale s’est peu impliquée dans le conflit, d’une part en raison du faible intérêt stratégique de la région, d’autre part tiraillée entre le principe d’autodétermination des peuples (incarné par le Haut-Karabakh) et celui d’intangibilité des frontières (incarné par l’Azerbaïdjan).
Un conflit latent qui pourrait à nouveau exploser
La défaite de l’Arménie a placé les habitants du Haut-Karabakh à la merci de l’armée azérie, qui a violé l’accord de cessez-le-feu le 24 mars 2022 pour la première fois depuis la fin des hostilités. Moscou, garant du cessez-le-feu, a alors accusé l’Azerbaïdjan d’être entré dans la zone sous responsabilité du contingent russe de maintien de la paix, tandis que l’Arménie, elle, dénonçait une « invasion » marquée par des « tirs d’artillerie constants ». Des propos démentis par le ministère de la Défense azéri.
Territoire enclavé, isolé, d’à peine 3000 km², le Haut-Karabakh subit une pression extrêmement forte de la part des forces azéries. « On assiste tous les jours à de l’intimidation, des enlèvements, du vol de bétail, des coupures de gaz et de courant » nous explique Tigrane Yégavian, chercheur au Centre Français de Recherche sur le Renseignement et spécialiste de l’Arménie « Le but des autorités azerbaïdjanaises est simple : vider le Haut-Karabakh/Artsakh (nom arménien donné au Haut-Karabakh) de sa population arménienne autochtone », ajoute-t-il.
Une population particulièrement vulnérable, privée de son protecteur arménien et à présent de la garantie de protection russe, alors que la guerre en Ukraine concentre toutes les ressources du Kremlin. « Les Azéris ont pris des positions stratégiques, normalement sous contrôle russe. Les troupes russes sont insuffisantes pour garantir la sécurité des habitants » explique Tigrane Yégavian.
En effet, les demandes des autorités du Haut-Karabakh d’augmenter le nombre de soldats russes d’interposition dans la région (actuellement à 2000) sont restées lettres mortes. Lors de l’intrusion azerbaïdjanaise, la Russie s’est contentée de condamner l’évènement, sans agir davantage.
Une opération d’épuration ethnique
Une situation d’impuissance qui permet aux Azerbaïdjanais de prendre place et organiser un véritable ethnocide : dès que les Arméniens reculent, les Azéris prennent leur place et effacent toute trace de la présence arménienne, notamment de nombreuses églises et monastères millénaires.
Une véritable épuration ethnique que ne peut combattre l’Arménie autrement que par la diplomatie. Les habitants du Haut-Karabakh se sentent abandonnés par le pouvoir à Erevan, alors que l’Arménie semble plier face aux revendications azéries et demande à présent une simple reconnaissance des droits de la minorité arménienne dans le cadre d’un statut spécial.
L’Arménie, incapable à présent de jouer son rôle de garant de la sécurité du Haut-Karabakh, compte totalement sur les Russes qui se sont désintéressés de cette partie du monde au profit de l’Ukraine. Tigrane Yégavian résume la situation en comparant les habitants du Haut-Karabakh à des « brebis enfermées dans une cage entourée de loups ».
Une véritable guerre humanitaire pour chasser les habitants du Haut-Karabakh
Depuis de nombreux mois, les habitants du Haut-Karabakh vivent un véritable enfer orchestré par les autorités azéries pour les chasser de leurs terres. Alors que la température atteignait les – 15 degrés Celsius, les habitants ont été privés de gaz deux fois en deux semaines durant le mois de Mars, les laissant sans aucun moyen de se réchauffer.
« Ils ont coupé le gaz à plusieurs reprises, prétextant qu’ils travaillent à réparer les infrastructures, mais en réalité ils utilisent le gaz comme moyen de pression pour faire fuir les habitants » explique Mira Antonyan, directrice de l’ONG « FAR Children support » basée en Arménie et active dans le Haut-Karabakh. « La situation est inimaginable, la vie est totalement interrompue ici, il y a très peu d’électricité, les personnes âgées sont laissées dans des températures glaciales ».
Bakou aurait, selon nos sources, installé des valves dans les tuyaux d’acheminement de gaz pour contrôler le flux selon son bon vouloir.
Tous les moyens semblent bons pour affecter le moral des habitants et les inciter à la sortie. Des mégaphones ont ainsi été installés près des lieux d’habitation diffusant des messages en arménien appelant les habitants à partir du territoire azéri. Fin mars, des attaques azéries sur les villages arméniens ont causé 14 blessés et plusieurs morts, suivies d'un pillage systématique des biens des habitants.
Une véritable guerre psychologique selon Mira Antonyan, qui explique que les forces azéries sont parfois stationnées à quelques dizaines de mètres à peine des maisons. « Ils ont affirmé récemment qu’ils allaient bombarder la capitale du Haut-Karabakh. Les gens ont peur, ils ne dorment plus, ils s’installent dans des abris anti-missiles. C’est une atmosphère de terreur» nous raconte-t-elle.
Une véritable tragédie qui se déploie au milieu de l’indifférence de la part de la communauté internationale. Rares sont les médias traitant la question et les journalistes étrangers ne sont pas autorisés à se rendre à l’intérieur du Haut-Karabakh. Alors que les yeux du monde sont rivés sur l’Ukraine, les Arméniens se sentent abandonnés face à ce qu’ils voient comme un véritable risque de génocide.
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